Tami Harel. Entre mares de sang et jouets déchiquetés : les journalistes du monde entier sur les lieux du massacre de Be’eri

Kibbutz Be’eri après le passage des terroristes du Hamas. © Erik Marmor/Flash90

Des centaines de terroristes du Hamas ont saccagé le kibboutz et ils savaient exactement où aller

Trois jours après l’attaque barbare du Hamas contre les localités israéliennes qui bordent la bande de Gaza, le service de presse du gouvernement israélien avait déjà compris quelle était sa tâche la plus importante :  convier des journalistes et des photographes étrangers dans les kibboutz dévastés pour décrire l’innommable et informer le monde des événements du 7 octobre. Ce matin, 22 octobre, j’ai eu l’occasion de visiter le kibboutz Be’eri.

AP Photo/Ariel Schalit
Kibbutz Be’eri après le passage des terroristes du Hamas. © AP Photo/Ariel Schalit

Des journalistes du monde entier sont entassés dans le bus : d’Inde, de Russie, d’Équateur, de Grande-Bretagne, d’Azerbaïdjan, des Pays-Bas, de Serbie, de Turquie. Nous sommes tous équipés de casques et de gilets pare-balles. Sans cet équipement, nous ne pouvons pas embarquer.

Alors que nous approchons de la frontière avec la bande de Gaza, nous réalisons que la plupart des voitures qui circulent sont, soit des véhicules de l’armée chargés d’équipements et de munitions, soit des voitures privées conduites par des hommes en uniforme. C’est à la fois frappant et effrayant. Il y a aussi une présence impressionnante de drapeaux israéliens, sur les voitures, sur les nombreux postes de contrôle de la police placés tous les kilomètres, sur les clôtures des villages. 

Nous arrivons à l’entrée du kibboutz Be’eri. Nous n’avons pas l’impression d’entrer dans un kibboutz, mais plutôt dans un camp militaire. Des chars et des véhicules militaires de tous les côtés, de nombreux soldats et volontaires de Zaka, l’unité d’identification des cadavres, évoluent dans la zone. Aucun bus ou voiture ne peut entrer sans avoir été soumis à une inspection stricte. 

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Kibboutz Be’eri, 15 jours après le massacre du Hamas. © Tami Harel i24NEWS

Le kibboutz Be’eri a été fondé en 1946. Ses habitants ont vu beaucoup de choses au fil des ans : des infiltrations terroristes, des incendies provoqués par des ballons incendiaires du Hamas, ainsi que des bombardements systématiques au cours des différents rounds de combat entre les organisations terroristes palestiniennes de la bande de Gaza et Israël.

Mais ce qui s’est passé ici ce samedi matin-là, celui de la fête juive de Sim’ha Torah, ce 7 octobre, est différent… Des centaines de terroristes du Hamas ont envahi les allées du kibboutz. Ils savaient exactement où aller. Divisés en escouades, chaque groupe avait une mission et une zone d’opération propre. L’un d’eux a investi l’école maternelle. Il savait que les jardins d’enfants étaient conçus dans des abris, alors il en a fait leur quartier général. 

Le jardin Amnon et le jardin Tamar des enfants du kibboutz Be’eri sont devenus le siège local du Hamas, ce 7 octobre. Treize jours plus tard, des dizaines de journalistes les ont remplacés, interviewant Rami Gold, un résident de 70 ans, des  porte-paroles de l’armée israélienne et des représentants de Zaka. En anglais, Gold explique que l’équipe de défense du kibboutz a combattu les terroristes seule, jusqu’à l’arrivée de l’armée. Pendant qu’ils se battaient, les terroristes allaient de maison en maison pour essayer capturer les gens à l’intérieur. Ils ont tiré sur des bâtiments et les ont incendiés pour forcer leurs résidents, toussant et en haletant, à sortir pour les abattre.

Haïm Goldberg /  Flash 90
Kibbutz Be’eri après le passage des terroristes du Hamas. © Haïm Goldberg / Flash 90

Le samedi 7 octobre, dans l’après-midi, les unités d’élite de Tsahal ont été mobilisées sur le terrain. Engagées dans un combat intense jusqu’au midi du 9 octobre, ces forces ont réussi à débarrasser le kibboutz des terroristes, y compris ceux qui s’étaient retranchés avec des otages civils israéliens. Ces derniers ont été libérés près de 18 heures après le début des hostilités. Au terme de cet affrontement, 103 terroristes ont été neutralisés. Le soir du 9 octobre, le porte-parole de Zaka a confirmé que 108 résidents du kibboutz étaient portés disparus, soit tués sur place, soit emmenés en otage dans la bande de Gaza.

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Le Kibboutz Be’eri, 15 jours après le massacre du Hamas. © Tami Harel i24NEWS

Je marche à travers les vastes étendues de sang, entre cendres et ruines, parmi les murs effondrés de l’école maternelle. Je navigue entre l’espace bibliothèque et l’espace jeu, au milieu des jouets éparpillés et de la petite cuisine dévastée. Quelle quantité d’innocence et de beauté résidait ici avant le 7 octobre ? J’imagine la bataille qui a eu lieu ici, les combats entre  terroristes et forces spéciales de l’armée israélienne venues libérer le kibboutz. Je m’adresse à une journaliste chinoise. Elle travaille pour l’agence de presse d’État de son pays et ne souhaite pas être nommée. Je lui demande ce qu’elle ressent en voyant le kibboutz détruit. “Vous savez, en Chine, vous devez être prudent. Il me faut des faits rapportés, du factuel, il n’y a pas de place pour les émotions. J’aimerais décrire ce que je ressens lorsque je vois ces horreurs, mais ils vont supprimer ces phrases de l’article”, m’explique-t-elle.

À côté, se trouve une équipe de tournage turque, le photographe et le journaliste sont ici depuis une semaine. Je demande à la journaliste si elle pense que ses reportages d’ici influenceront l’opinion publique. Elle me répond sans hésitation : “Non. Le peuple turc ne soutient pas le Hamas, mais il soutient le peuple palestinien, les citoyens palestiniens, et donc, pour être honnête, je ne pense pas que mes articles changeront quoi que ce soit. 

Les Arabes sont ici aussi, dans cette tour de Babel. La chaîne d’information arabe américaine “Al Hora” a envoyé une équipe au kibboutz de Be’eri. Lorsque je tente de sonder les pensées du journaliste, il décline mon invitation à l’interview mais m’implore de patienter pour écouter son reportage en temps réel. “Nous sommes actuellement à Be’eri, scène de l’attaque du 7 octobre, pour vous donner une idée de l’ampleur des dégâts et de la tragédie.”

Oren Ben Hakoon/Flash90
Be’eri. © Oren Ben Hakoon/Flash90

“Nous parlons de 1400 Israéliens morts, la plupart tombés en quelques heures. C’est le plus grand nombre de Juifs tués en une seule journée depuis la Shoah, pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ce qui horrifie les Israéliens et c’est aussi ce qui les unit contre un ennemi : le Hamas et le Jihad islamique”. Puis il se tourne vers moi : “Je suis choqué, regardez, des gens ont été brûlés vifs dans leurs maisons ici, dans d’autres endroits du kibboutz, des enfants ont été assassinés dans leurs lits. Et je me fiche que certains de mes téléspectateurs n’aiment pas ce que je dis”. La visite est terminée. Les retentissements des violentes explosions continuent alors qu’Israël mène des bombardements sur la bande de Gaza. Les cadres du Bureau de presse du gouvernement appellent les journalistes et les photographes à retourner dans les bus. Rami Gold conclut une autre interview parmi les dizaines qu’il a déjà données aujourd’hui. “Nous reviendrons ici”, promet-il. “Nous reconstruirons cet endroit”.

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Tami Harel est Directrice des Rédactions i24NEWS

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