Guerre Hamas – Israël : Une ligne d’écoute pour les juifs de France. « Certains ne veulent plus sortir de chez eux »

SOLIDARITÉ  Depuis jeudi dernier, 60 psychologues bénévoles apportent leur soutien aux celles et ceux qui sont traumatisés par la situation au Proche-Orient et ses répercussions en France

Depuis jeudi dernier, la ligne d’écoute et de soutien psychologique pour la communauté juive de France a enregistré une centaine d’appels. — Canva

  • Les attaques du Hamas contre Israël, l’attentat d’Arras, les actes antisémites… La communauté juive est sous le choc de ces évènements traumatisants.
  • Depuis jeudi, une cellule d’écoute et de soutien psychologique a été mise en place par les institutions juives de France. Plus de 60 psychologues et psychiatres bénévoles se relaient 7 jours sur 7, 24h/24, pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin.
  • « Certaines personnes qui nous appellent ne veulent plus sortir de chez elles, éprouvent des difficultés à travailler, à prendre les transports en commun, à amener les enfants à l’école. D’autres développent une hypervigilance », constate Éric Ghozlan, psychologue, directeur général adjoint de l’OSE et coordinateur de la ligne d’écoute.

Le choc après l’annonce des attaques du Hamas contre Israël, amplifié par la découverte des détails sur les massacres dans des kibboutz et par l’inquiétude pour les otages Israéliens détenus par les terroristes. Les 500.000 juifs de France vivent en apnée ces derniers jours, traumatisés par ce qui s’est passé à 3.300 kilomètres de Paris et très inquiets des répercussions des combats qui opposent Israël et le Hamas en France et dans le monde.

Pour leur venir en aide, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le Fonds Social Juif Unifié (FSJU), le Consistoire, l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) et d’autres institutions juives ont mis en place jeudi dernier une cellule d’écoute téléphonique. Après avoir laissé un message sur un répondeur, les personnes sont rappelées par un psychologue, psychiatre, pédopsychiatre ou pédopsychologue. Une soixantaine de bénévoles, juifs ou non, se sont engagés dans le dispositif et assurent ces consultations à distance, en français, en anglais et en hébreu. Cette ligne d’écoute avait été activée une première fois au moment du Covid-19, ce qui permet de capitaliser sur l’expérience. Et même si elle n’est pas encore très connue, le bouche à oreille commence à fonctionner.

« On perçoit une anxiété diffuse dans la communauté »

« Mercredi, nous avions déjà reçu 153 appels. Ils proviennent essentiellement de femmes qui s’inquiètent pour leurs proches restés en Israël ou pour la sécurité de leur famille en France. Des Français partis en Israël en vacances pour les fêtes juives, qui sont de retour ici, nous contactent aussi », relate Éric Ghozlan, psychologue, directeur général adjoint de l’OSE et coordinateur de la ligne d’écoute. « Depuis jeudi, 24 personnes nous ont appelés parce qu’un de leurs proches a été blessé ou tué. D’autres veulent avoir des conseils pour savoir comment parler des événements à leurs enfants », décrit Fabien Azoulay, directeur général adjoint aux solidarités FSJU.

Et même si la sécurité a été renforcée aux abords des écoles juives et des synagogues dans l’Hexagone, « on perçoit une anxiété diffuse dans la communauté ». Pas étonnant quand on sait que mardi, le ministre de l’Intérieur a fait état de 327 actes antisémites depuis le 7 octobre et de 3.176 signalements sur la plateforme Pharos. A titre de comparaison, sur toute l’année 2022, 436 actes antisémites avaient été recensés.

« Les juifs de France hésitaient déjà à sortir avec une kippa. Là, ils ne le font plus et beaucoup rasent les murs. Ils ont peur des effets de groupe, du réveil des passions antisémites », rapporte Fabien Azoulay. « Certaines personnes qui nous appellent ne veulent plus sortir de chez elles, éprouvent des difficultés à travailler, à prendre les transports en commun, à amener les enfants à l’école. D’autres développent une hypervigilance », constate Éric Ghozlan. Les enfants sont aussi marqués : ils sont parfois agités, irritables, sujets à des maux de ventre et à des terreurs nocturnes. D’où le besoin de conseils de leurs parents.

Une hyperconnexion pour tout savoir qui amplifie les souffrances

Le Hamas ayant appelé les musulmans du monde entier à un vendredi de la colère et du djihad la semaine dernière, la ligne d’écoute a reçu de nombreux appels ce jour-là. « Beaucoup d’écoles ont fermé préventivement et quand elles ne l’étaient pas, de nombreux parents ont gardé leurs enfants à la maison », relate Éric Ghozlan. Le même jour, l’attentat d’Arras a réactivité chez les juifs le traumatisme de l’attaque de l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse, en 2012, dans lequel quatre personnes avaient été tuées, dont trois enfants.

L’hyperconnexion fait aussi beaucoup de mal : « Beaucoup de juifs de France veulent savoir heure par heure ce qui se passe en Israël et consultent sans arrêt leur portable », raconte Fabien Azoulay. Quitte à regarder des vidéos horribles ou à se confronter à des messages antisémites sur les réseaux sociaux. Des images intrusives qui les poursuivent jusque dans leur sommeil.

Heureusement, « la plupart du temps, cette consultation téléphonique a une fonction de réassurance », constate Eric Ghozlan. Lorsque les mots du psy au téléphone ne suffisent pas à apaiser, les appelants sont orientés vers une prise en charge psychothérapeutique ou psychiatrique. Les psys de la cellule d’aide savent déjà que leur aide sera utile pendant longtemps. « Cela durera le temps de la guerre », prévoit Éric Ghozlan.

© Delphine Bancaud

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