Tribune Juive

Pascal Bruckner : »LFI et le Hamas, la solitude des salauds »

TRIBUNE – Dans un texte engagé et pamphlétaire, le philosophe critique les dirigeants de La France insoumise qui refusent de qualifier le Hamas de mouvement « terroriste ». Il y voit le signe de la banalisation de l’antisémitisme en Europe.


On peut avoir, sur le conflit israélo-palestinien, des avis divergents, selon les jours et les humeurs. On peut rêver d’une solution à deux États le matin, contester cette utopie le soir, buter sur le caractère insoluble du problème le lendemain. Et recommencer ainsi de suite dans une ronde infernale, osciller entre diverses impasses. L’on ne peut contester en revanche l’horreur de ce qui s’est passé samedi 7 et dimanche 8 octobre dans le sud d’Israël, quand les milices djihadistes du Hamas ont massacré, éventré, égorgé systématiquement tous les habitants rencontrés, dont le seul crime était d’être juifs.

Si pour nous, Français, l’image du Bataclan et de Samuel Paty est venue à l’esprit instantanément, ce qui s’est passé évoque aussi les Einsatzgruppen, ces unités mobiles d’extermination créées en 1939 par le IIIe Reich, mais ici sous bannière coranique, le « Allah akbar » remplaçant le « Sieg Heil » des hitlériens.

Il faut rappeler que les Frères musulmans, financés par les nazis dès les années 1930, soutenaient le grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, compagnon de route très proche de Hassan al-Banna. Parti à Berlin en 1941 pour rencontrer Hitler, al-Husseini fut chargé par ce dernier de former les divisions SS musulmanes bosniaques dans les Balkans et de travailler conjointement à l’éradication des Juifs en Palestine.

Comment comprendre l’entêtement de Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Manuel Bompard à ne pas condamner le terrorisme du Hamas ? La réponse est toute simple : l’antisémitisme n’est plus un tabou en Europe

Sachant cela, comment comprendre l’entêtement de Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Manuel Bompard à ne pas condamner le terrorisme du Hamas ? La réponse est toute simple : l’antisémitisme n’est plus un tabou en Europe. La Shoah n’est plus qu’un détail ou plutôt un simple épisode dans la longue et sanglante histoire du colonialisme européen, comme le soutenait Jacques Vergès. Pour toute une gauche en quête d’un nouveau sujet révolutionnaire, l’islamophobie doit remplacer l’antisémitisme, car les musulmans, seuls, sont aptes à renverser le capitalisme.

Dans la lutte mondiale pour le titre de paria, l’islam comme « religion des opprimés » a détrôné les rescapés des camps, considérés entre-temps comme de nouveaux oppresseurs. Mieux encore, le nouvel antiracisme venu des États-Unis fait obligation à ses membres de considérer les Blancs, les Juifs et occasionnellement les Asiatiques comme des racistes par nature. Dès lors, le devoir de tout « antiraciste » est d’être d’abord antisémite et de pourchasser le peuple élu partout où il se trouve, et surtout en Israël, où il usurpe la place des Palestiniens. Le nouveau damné de la terre parle arabe et porte le keffieh. Sans cette révolution sémantique intervenue dans les années 1980 en Angleterre et aux États-Unis, on ne comprendrait pas l’alignement de l’ultragauche sur l’islam politique, même dans ses dimensions djihadistes. Tout est permis au nom de la Révolution mondiale, y compris le massacre sauvage des oppresseurs.

Le leader de La France insoumise, qu’il faudrait désormais appeler La France indécente se laisse aller à des propos de moins en moins équivoques. Pascal Bruckner

Un historien expliquera peut-être un jour pourquoi Jean-Luc Mélenchon, jadis ardent défenseur d’Israël et de la laïcité – on se souvient de son discours émouvant sur Charb après les attaques contre Charlie Hebdo -, a basculé en quelques années dans le camp des barbus qui assument un antisionisme frénétique.

Électoralisme envers les quartiers, opportunisme politique, souci de gagner les cœurs du nouveau peuple ? Le leader de La France insoumise, qu’il faudrait désormais appeler La France indécente se laisse aller à des propos de moins en moins équivoques. N’a-t-il pas, lors d’une interview récente, affirmé que Jésus avait été mis sur la croix par « ses propres compatriotes », vieux poncif antisémite récusé par Vatican II dès 1965. Qu’importe le destin du tribun haineux et de ses acolytes, qui a révulsé jusqu’à certains de ses lieutenants les plus proches, dont François Ruffin.

Reste que la persistance de la gauche à s’accrocher à la breloque nauséeuse de la Nupes est inquiétante. N’est-il pas temps pour le gouvernement d’interdire le NPA, qu’on pourrait rebaptiser le « Nouveau Parti antisémite » pour ses éloges du Hamas ainsi que le Parti des indigènes de la République, groupuscule racialiste qui jouit à gauche d’une étrange sollicitude ? Mais, au-delà de ces mesures administratives, c’est à la présence des Frères musulmans en France et en Europe qu’il faut s’attaquer : démanteler leurs réseaux de financement, dissoudre leurs organisations et faux nez humanitaires, emprisonner leurs leaders ou les expulser, quitte à nous mettre en délicatesse avec la Turquie d’Erdogan.

Dans son livre, Juifs en terre d’Islam, l’historien Bernard Lewis rappelait un mot qui circulait au Proche-Orient en 1973 lors de la guerre du Kippour : d’abord les gens du vendredi, puis les gens du dimanche. Les juifs et ensuite les chrétiens. Le djihadisme mondial, sunnite ou chiite, manipulé par Moscou et Téhéran dans leur guerre totale contre l’Occident, égorgera avec le même enthousiasme les gens du Livre, Talmud ou Nouveau Testament. Au-delà du Proche Orient, les décapités, les éventrés de Sdérot et Ashkelon préfigurent ce qui pourrait nous arriver si nous continuons à pactiser avec les monstres.

© Pascal Bruckner

Dernier ouvrage paru de Pascal Bruckner : « Le Sacre des pantoufles. Du renoncement au monde », Grasset, 2022, 162 p., 18 €.

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