Israël va mener une opération au sol dans la bande de Gaza après l’attaque du Hamas. Ses contours commencent à se dessiner.
Des soldats isréaliens à Sdérot, le 12 octobre 2023. Picture Alliance / DPA Via Getty
L’offensive est « imminente ». Presque une semaine après l’attaque surprise du Hamas contre Israël, l’armée de l’État hébreu se prépare à des représailles massives dans la bande de Gaza, a affirmé l’ambassadeur d’Israël en France Raphaël Morav, ce vendredi 13 octobre sur CNews.
Dans cette perspective, Israël a appelé les habitants du nord de la bande de Gaza à fuir vers le sud « pour leur propre sécurité et protection ». 1,1 million de personnes sont concernées. Pour l’ONU, une évacuation de cette ampleur aura « des conséquences humanitaires dévastatrices ». De son côté, le Hamas a rejeté « la menace des dirigeants de l’occupation ».
Forces en présence, armes, objectifs… À quoi pourrait ressembler l’offensive israélienne à Gaza ? Le HuffPost fait le point ci-dessous.
• Combien de combattants de chaque côté ?
L’armée d’Israël a mobilisé 360 000 réservistes depuis le début des attaques du Hamas, soit les trois quarts de sa capacité. Ils s’ajoutent aux quelque 170 000 militaires en service. Depuis samedi dernier, ces troupes se regroupent près de la bande de Gaza avec leur équipement militaire.
À ce jour, 35 bataillons sont rassemblés à la frontière, longtemps jugée infranchissable par Israël. Pourtant, c’est bien par là qu’est passé le Hamas pour s’infiltrer dans le pays et perpétrer des massacres à la fois dans les kibboutz et au festival Nova.
Quant au nombre de combattants du Hamas, il est beaucoup plus compliqué à connaître, souligne l’agence de presse américaine AP. Les leaders du mouvement affirment en avoir 40 000, Israël estime qu’ils sont 30 000. L’International Institute for Strategic Studies estime pour sa part qu’ils sont entre 15 000 et 20 000.
• Quelles sont les armes du Hamas et d’Israël ?
Israël est l’une des nations les mieux armées du Moyen-Orient, ce qui lui donne un avantage certain par rapport au Hamas. Il peut aussi compter sur le soutien des États-Unis, avec plus de 3 milliards de dollars accordés chaque année par le Congrès américain, précise AP.
Son arsenal comprend des F-35, des F-15, des F-16 américains ainsi que des drones, des tanks, et des véhicules blindés. Depuis samedi dernier, Israël a aussi montré sa puissance en termes de missiles. L’armée de l’air a revendiqué avoir lâché 6 000 bombes contre le Hamas en six jours, soit plus que ce que les États-Unis ont lâché sur l’Afghanistan en un an, écrit le Washington Post qui a interrogé un conseiller militaire de l’organisation PAX for Peace, Marc Garlasco.
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« Les Israéliens vont envoyer toutes les unités d’élite, de blindés, d’infanterie mécanisée, de sapeurs, de commandos, des forces spéciales », estime Pierre Razoux, le directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES), pour l’AFP.
De son côté, le Hamas n’a pas le même budget qu’Israël mais s’appuie sur un « arsenal construit pendant des décennies (…), rendu possible et financé par l’Iran et la Syrie », a détaillé à l’AFP un expert souhaitant rester anonyme. Il possède des fusils d’assaut, des mitrailleuses, des lance-roquettes, des armes anti-tank, des fusils de précision longue distance pour ses snipers et a déjà utilisé par le passé des boobytraps (dispositifs pièges, chausse-trape) et des kamikazes.
En 2014, il « avait déployé 2 500 à 3 500 combattants pour défendre (la bande de) Gaza avec des roquettes, des mortiers, des missiles guidés antichars, des lance-grenades, des fusils automatiques », fait valoir John Spencer à l’AFP. Or depuis, son arsenal s’est encore enrichi.
Autre avantage du Hamas : le « métro de Gaza », un réseau de tunnels. Des combattants, installés jusqu’à 30 ou 40 mètres sous terre, y circulent ainsi hors de portée des frappes. Des batteries de lance-roquettes cachées à quelques mètres de profondeur peuvent en sortir par un système de trappe pour tirer avant de disparaître à nouveau. C’est aussi peut-être ici que sont cachés les otages capturés.
• Comment va se dérouler l’opération ?
« Des dizaines, voire des centaines de milliers de soldats vont rentrer par le Nord », là où « se concentrent les terroristes », a assuré l’ambassadeur Raphaël Morav ce vendredi. Pierre Razou pense de son côté que la première attaque israélienne aura lieu de nuit : « Ils ont des appareils de vision nocturne qui permettent d’y voir de nuit comme en plein jour et au travers des murs, pour surprendre un Hamas privé d’électricité ».
Comme l’explique le Guardian, les zones rurales sont plutôt à l’avantage d’Israël qui pourra avancer avec ses tanks et ses bulldozers jusqu’à Gaza City. Le Hamas le sait et pourrait se positionner sur ces routes pour se défendre.
AFP Carte de la bande de Gaza.
L’opération sera plus compliquée pour les soldats israéliens dans l’espace urbain où la densité est extrêmement élevée. Seth Jones, chercheur au think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS), a précisé à CBS que l’infrantrie allait se rendre « non seulement dans les rues mais aussi dans les maisons une à une ». En face, prévient-il, les boobytraps, les kamikazes et les snipers seront nombreux.
Tsahal a promis ne pas vouloir viser les civils. « Les terroristes du Hamas se cachent dans Gaza City dans des tunnels sous les maisons et dans les immeubles où vivent des innocents. Évacuez (…) pour vous éloigner des terroristes du Hamas qui vous utilisent comme bouclier humain », a appelé l’armée. Pourtant les experts s’accordent : dans cette guerre des centaines, voire des milliers de civils vont perdre la vie.
• Quel est le but pour Israël ?
L’objectif pour Israël est clair : anéantir le Hamas, comme l’ont répété le Premier Ministre Benjamin Netanyahu et l’armée. Pour le Guardian, l’opération israélienne sera plus sanglante, de plus grande ampleur que celle de 2014, et aura pour but probablement de détruire le réseau souterrain du Hamas.
D’ailleurs, Israël a déjà « commencé les frappes aériennes pour éliminer le commandement du Hamas, les responsables majeurs, les tunnels, les caches d’armes et les lance-roquettes pour réduire les risques », a expliqué Alex Plitsas, de l’Atlantic Council, à l’AFP.
Et après ? Dans le passé, poursuit le quotidien britannique, Israël s’est vanté d’avoir éliminé des responsables et des lieux importants pour l’organisation. Et à chaque fois, il a pu observer la reconstitution du mouvement avec de nouveaux leaders et la reconstruction de ses fameux tunnels.
Faut-il alors envisager une occupation de Gaza, comme avant 2005, pour éviter cette résurgence ? Pour Amos Yadlin, ancien militaire de Tsahal interrogé par le Washington Post, Israël veut l’éviter car ce serait à la fois coûteux et s’inscrirait sur la durée. D’après lui, l’État hébreu va tenter de transférer le territoire à l’Autorité palestinienne ou une autre entité arabe.
Seth Jones, du CSIS, n’est pas tout à fait du même avis. « Je pense que l’option probable pour le moment c’est la potentielle occupation de Gaza. Israël ne veut pas voir se répéter ce qu’il vient de vivre. C’est un choix difficile. Toutefois, personne ne veut une occupation sur le long terme, notamment Israël », estime-t-il sur CBS.
En tout cas, Benjamin Netanyahu a déjà prévu les Israéliens qu’ils étaient « embarqués dans une guerre longue et difficile ».
• Et les otages ?
Sauver les 150 otages, selon le chiffre communiqué par Jérusalem, est un autre objectif de cette opération. « Israël va gérer la situation des otages à peu près en même temps (que l’attaque au sol), je ne pense pas qu’ils vont attendre », estime Seth Jones.
Les conditions évoquées plus haut montrent toutefois à quel point cela va être difficile. D’ailleurs, le général Dominique Trinquant était très pessimiste sur France 24. Pour lui, « agir tout de suite signifie qu’il faut prendre en compte qu’un grand nombre d’otages sera probablement sacrifié ».
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