Michèle Tribalat a lu « En finir avec le wokisme. Chronique de la contre-offensive anglo-saxonne », de Sylvie Perez

Sylvie Perez. Le Cerf. 2023

Voici enfin un livre français qui ne se contente pas d’examiner l’idéologie woke. Il donne une multiplicité d’exemples de ses méfaits mais, surtout, il examine la contre-offensive, dont on est bien obligé de constater qu’elle est principalement anglo-saxonne. Le monde anglo-saxon est passé de la théorie à la pratique. On le sait, le wokisme divise le monde entre oppresseurs et opprimés et répand cette grille d’analyse dans tous les recoins des sociétés occidentales. Soutenu par les institutions, les médias, les ONG et les entreprises, le wokisme n’est plus, malgré sa virulence, à proprement parler, un mouvement révolutionnaire. S’il paraît l’avoir emporté, ses extravagances et ses méthodes ont mobilisé quelques courageux opposants qui en ont dévoilé les dangers, ont proposé des modes d’actions et ont fait naître ainsi une contre-offensive qui commence à peser. Le livre présente une série de pionniers qui forment l’avant-garde de cette contre-offensive. Ceux qui foncent bille en tête, ceux qui n’en peuvent plus et finissent par s’engager ouvertement et des militants déçus de la cause qui se retournent contre le mouvement. C’est l’aspect le plus intéressant de cet ouvrage sur lequel il convient d’insister.

Bille en tête

L’exemple sans doute le plus frappant de fonceur est sans aucun doute Jordan Peterson. Ce psychologue canadien est devenu célèbre lorsqu’il a tranquillement maintenu son refus de se plier aux obligations, venues d’en haut, d’employer des pronoms appropriés à l’université de Toronto, lors d’une émission sur Channel Four News. Il est devenu une figure du combat pour la liberté d’expression, très suivie sur Twitter (X maintenant), sa chaine YouTube, ses podcasts et lors de ses conférences itinérantes (https://www.jordanbpeterson.com/).

Il se trouve à nouveau dans la tourmente, suite à l’action engagée contre lui par l’Ordre des psychologues de l’Ontario. Ce dernier l’oblige à suivre un programme de formation continue sur le professionnalisme de ses déclarations publiques, sous peine de perdre son permis d’exercer en Ontario. Cette sanction a été confirmée par un tribunal le 23 août 2023 après le recours de Jordan Peterson (https://lactualite.com/actualites/un-tribunal-maintient-lordonnance-de-lordre-des-psychologues-visant-jordan-peterson/). Il refuse de se soumettre à ce qu’il appelle une « rééducation forcée » (https://nationalpost.com/opinion/my-critics-have-weaponized-the-college-of-psychologists-disciplinary-process-for-political-reasons).

Après avoir été en contact avec un policier désireux de contrôler ce qu’il pensait (I need to check your thinking) Harry Miller, chef d’entreprise et ancien policier, a bataillé dur pour faire interdire le manuel opérationnel de la police qui demande d’enregistrer des non crime hate incidents. Le manuel, quoiqu’interdit, est pourtant resté dans les commissariats. Mais Harry Miller, bien décidé à défendre la liberté d’expression, a fondé l’association Fair Cop qui informe sur l’intrusion LGBT dans l’institution policière[1].

Les rebelles patients

Peter Boghossian a longtemps pensé qu’il pourrait contenir la dérive woke de l’intérieur de l’Université de Portland où il enseignait. Il a démissionné en septembre 2021 après qu’une enquête de la commission Global Diversity & Inclusion, tout en déclarant qu’il n’avait pas violé la politique contre la discrimination et le harcèlement, lui recommanda des séances de coaching, dont il sortit encore plus inquiet. En 2019, il avait publié un guide pratique intitulé How to Have Impossible Conversations, co-signé par James Lindsay.

Des associations au secours de la liberté d’expression se mettent à foisonner sur les campus

FIRE (Fondation for Individual Rights in Education), créée en 1999 et considérant que l’idéologie woke avait gagné la société tout entière, changea le sens du E en remplaçant Education par Expression. FIRE a repris la mission autrefois assurée par l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles), lorsqu’elle se battait pour les droits civiques et passée aujourd’hui dans le camp adverse. 

Sur son site (https://www.thefire.org/), on peut lire “Free Speech makes Free People”. FIRE met une documentation en ligne et n’hésite pas à engager des poursuites judiciaires. Elle poursuit ainsi California Community Colleges pour violation du 1er amendement dans son programme DEI (diversité, équité, inclusion). Jonathan Haidt a fondé Heterodox Academy (HxA) qui réunit plusieurs milliers personnes travaillant ou étudiant à l’université. Elle est implantée dans 36 campus aux États-Unis et au Canada. Son rapport annuel sur la liberté d’expression sur les campus en 2022 est en ligne (https://heterodoxacademy.org/reports/).

Au Royaume-Uni, L’AFAF (Academics For Academic Freedom), fondée en 2006, a rédigé une « Déclaration de la liberté académique » à laquelle ont souscrit un millier d’universitaires. L’AFAF est dénoncée par les militants woke comme étant un repère pour TERFs d’extrême droite (TERF : Trans-exlusionary radical feminists). Citons aussi les Free Speech Championsréunissant des jeunes qui s’engagent à défendre la liberté d’expression, l’association canadienne SAFS (Society for Academic Freedom and Scholarship), History reclaim fondée par Robert Tombs, sans oublier… en France, l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires.

L’alternative, pour ceux qui désespèrent du climat universitaire, est de fonder de nouvelles universités. Aux États-Unis, Thaddeus Russel a fondé Renegade University et Panayiotis Kanelos UATX à Austin au Texas où il a été rejoint par Peter Boghossian, Ayaan Hirsi Ali, Bari Weiss et bien d’autres. 

Passer à l’attaque en groupe ou seul si l’on est assez fort pour supporter la calomnie

En 2017, l’ordre des avocats de l’Ontario avait soumis les professionnels à signer une déclaration de principe, à renouveler tous les ans, dans laquelle ils devaient s’engager à promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion dans leur activité professionnelle et leur vie personnelle. Des rebelles fondèrent le groupe StopSOP (SOP pour Statement of Principles) et entamèrent une procédure tout en menant la lutte interne. Ils finirent par gagner suffisamment de voix au Conseil de l’Ordre pour faire annuler la déclaration de principes. 

En 2019, lorsqu’un journaliste de The New Statesman piégea Roger Scruton, lors d’un entretien dont il rendit compte malhonnêtement, c’est Douglas Murray qui lança un hashtag demandant la publication exhaustive de l’enregistrement. Ce que finit par faire le journal avec des excuses. En 2021, alors que les micro-agressions et les trigger warnings[2] faisaient fureur sur les campus, Cambridge eut la mauvaise idée de mettre en ligne une invitation à signaler tout comportement équivoque. 25 enseignants se fendirent d’une lettre qui conduisit l’administration à retirer le texte de son site. Pour Toby Young, fondateur d’un réseau d’écoles libres caritatives au Royaume-Uni et qui créa le syndicat Free Speech Union, adossé à une armée d’avocats, il faut s’unir pour se défendre des attaques en meute et convaincre qu’on ne se laissera plus faire.

Des antennes ont été ouvertes en Écosse, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. Ce sera bientôt le cas en Afrique du Sud. L’Intellectual Darkweb (IDW), ainsi baptisé par Eric Weinstein, a été rejoint par de nombreux rebelles, dont Douglas Murray. Au Royaume-Uni, l’association Don’t Divise Us (DDU), dont la charte a été écrite par une quarantaine de personnes de tous milieux et de toutes origines, est très mobilisée sur la politisation éducative par des programmes antiracistes. Aux États-Unis, l’association FAIR (Foundation Against Intolerance and Racism) s’appuie sur un réseau d’avocats pour défendre les droits civiques. À l’échelon politique, une soixantaine de parlementaires tories a fondé le Common Sense GroupCommon Sense a inspiré un réseau de conservateurs (Common Sense Society, fondé en 2006). C’était aussi le nom du nouveau média fondé par Bari Weiss (après sa démission du New York Times en 2020) qui s’appelle aujourd’hui The Free Press (https://www.thefp.com/about).

L’humour, connais pas !

Une stratégie pour ridiculiser les prétentions académiques wokes a été le canular. Cela consiste à faire accepter, par des revues scientifiques, des études bidonnées sur des sujets les plus extravagants. C’est ce à quoi se sont amusés Peter Boghossian, James Lindsay er Helen Puckrose. Ils ont proposé 20 études dont sept ont été acceptées par des revues savantes. La revue trimestrielle Affilia a ainsi accepté de publier un texte, signé par un centre de recherche fictif, reprenant le chapitre 12 de Mein Kampf en le truffant de mots familiers des néo-féministes. Pour montrer le degré de ridicule atteint par la gauche britannique, Davis Lewis, du parti travailliste, décida de se porter candidat sur une liste de femmes. Il déclara qu’il se sentait femme les mercredis entre 6 h 50 du matin, moment où son réveil sonne, et minuit, heure à laquelle il se couche. Il a précisé qu’il n’envisageait de changer ni de prénom, ni de vêtements, ni de raser sa barbe « dont il aimait la féminité ». Il fut accepté. Le lendemain, lorsqu’il révéla la supercherie, il fut exclu de son parti pour transphobie ! 

La guerre du langage

Une première résolution à prendre si l’on veut combattre le wokisme, est de refuser sa langue et ne pas écouter les conseils de l’ONU qui a publié ses « directives pour un langage inclusif » en cinq langues. La révolution linguistique woke se loge dans tous les domaines car elle a vocation à effacer l’ancien monde. Ainsi, l’industrie musicale a-t-elle retiré l’expression « master recording » qui évoquerait l’esclavage ! James Lindsay a proposé une série de définitions ultra-wokes humoristiques : « Police : fonctionnaires garants d’une société régie par la loi ; c’est-à-dire fascistes » ; « Écouter : être d’accord sans discuter » ; « Identité : les progressistes identitaires en décident pour vous ».

Dave Rubin, pour ridiculiser la hiérarchisation intersectionnelle des opprimés de Kimberlé Crenshaw, a parlé  d’ »Olympiades des opprimés ».

L’appareil diversitaire : le connaître pour s’y opposer

Ben Cobley en a été un observateur de l’intérieur. Il distingue trois niveaux de pouvoir : au sommet la tribu de la gauche diversitaire ; juste en dessous, les représentants des identités opprimées auxquels la tribu sous-traite son autorité (ONG, associations …) ; et, tout en dessous, les membres de groupes concernés à qui distribuer des avantages s’ils suivent la ligne du parti. Le régime diversitaire s’appuie sur ses relais médiatiques et une classe bureaucratique pour laquelle la diversité est devenue un métier, mais aussi un business fructueux. Thomas Sowell les appelle « les escrocs de la race ». Les cibles de la petite entreprise (Race2dinner) de Regina Jackson et Saira Ra sont les bourgeoises blanches à qui elles demandent d’organiser des dîners pendant lesquels elles pleurnichent pour 400$ par tête !

Actions juridiques sur la question raciale

Eric Kaufmann a inspiré la loi sur la liberté d’expression du 11 mai 2023 au Royaume-Uni. D’après lui, compte tenu de l’homogénéité idéologique des campus, c’est d’en haut que doit venir la contrainte au respect de la liberté d’expression. Peter Boghossian est moins optimiste et juge impossible la cohabitation de cette liberté avec les programmes DEI. L’inscription de la liberté d’expression dans la constitution d’un pays est nécessaire mais pas suffisant d’après le juge américain Billing Learned Hand.

En 2020, alertés par des députés, le gouvernement britannique, qui avait commandé un rapport sur les formations à la diversité concluant à une absence d’impact et quelquefois à un renforcement des stéréotypes, supprima ces formations dans ses départements et invita les institutions publiques à faire de même. Mais, avec des fonctionnaires majoritairement wokes, ces formations ont subsisté. Aux États-Unis, Donald Trump supprima les budgets pour ces formations dans les agences fédérales et leurs sous-traitants. Son décret du 22/9/2022 fut annulé par Joe Biden quelques mois plus tard. C’est la révélation, sur twitter, par Christopher Rufo, du stage de « supériorité raciale intériorisée par les blancs » organisé par la mairie de Seattle qui fit scandale et décida Trump à prendre ce décret.  Rufo parle plus volontiers de théorie critique de la race (TCR) dont se revendiquent les militants. Très mobilisé sur ses ravages à l’école, dont beaucoup de parents ont pris conscience lors du confinement, il met en ligne un précis à destination de ces derniers. Il est entouré de dizaines de juristes bénévoles qui étudient la possibilité d’interdire ces enseignements néoracistes. C’est lui qui inspirera la décision d’interdire la TCR dans huit États. Une quarantaine d’États prendront des mesures visant à l’interdire ou la limiter.

Rufo a établi une méthode qui a l’air de fonctionner : 1) établissement des faits par une investigation journalistique ; 2) mobilisation à travers des actions de terrain ; 3) action légale de neutralisation, par des représentants politiques auxquels l’équipe juridique a fourni le matériel nécessaire.

La bête noire des wokes : les conservateurs de couleur

 Candace Owens a créé la fondation Blexit, implantée dans tous les États. Elle incite les noirs à quitter les « plantations démocrates ». Elle est suivie par un peu plus de 3 millions de personnes sur Twitter/X et a réalisé un documentaire – The Greatest Lies Ever Sold – révélant l’usage, par Black Lives Matter, des millions récoltés. En juillet 2020, Tony Sewell est nommé président de la CRED (Commission on race and ethnic disparities) du Royaume-Uni). Son rapport sur les disparités raciales et ethniques dans l’éducation, l’emploi, la santé et la criminalité fut remis à Boris Johnson en mars 2021. Il ne validait pas la thèse du racisme systémique, comme l’indique notamment la grande réussite des Africains noirs, des Nigérians pour la plupart. Il fut la cible d’attaques et insultes et les 24 propositions du rapport passèrent à la trappe. Pour Tony Sewell « L’antiracisme a surtout oeuvré à paralyser les politiciens, il a gelé toute forme d’imagination ». Son livre Black Success est annoncé pour le printemps 2024. 

Les deux approches de la question trans, petit dernier du wokisme

Sylvie Perez consacre de longs développements à l’idéologie du genre. Cette idéologie s’est incrustée très profondément à l’école, y compris en France où la circulaire Blanquer de septembre 2021 recommande de tenir compte des identifications de genre et évoque des « transitions confidentielles ». Il s’agit, à ce stade, de ce qu’on appelle une « transition sociale d’apparence ». L’école peut même faire un signalement au Parquet si elle décèle un environnement hostile à l’identification de genre affirmé par l’enfant. 

En fait, s’affrontent deux approches de la dysphorie de genre. L’une, dite affirmative, passe par la consultation d’un psychologue qui encourage l’enfant à poursuivre sa démarche, laquelle peut aller des bloqueurs de puberté à la chirurgie[3], en passant par l’injection d’hormones. C’est la position actuelle de la Maison Blanche aux États-Unis. La World Professional Association for Transgender Health (WPATH) promeut activement la trans-affirmation (https://www.wpath.org/about/mission-and-vision). Les cliniques pédiatriques reçoivent des financements de généreux donateurs, dont la richissime trans Jennifer Pritzker ou encore George Soros et son Open Society. Au Royaume-Uni, dans le GIDS (Gender Indentity development Service) du Tavistock & Portman NHS Trust, le nombre d’enfants en consultation est passé de 77 en 2009 à 5000 en 2021, surtout des filles.  

L’autre approche est dite exploratoire et propose une psychothérapie cherchant à réconcilier l’enfant avec son sexe. Dans ce cas, une fois adulte, il devient généralement un homosexuel assumé. 

Mobilisation de professionnels de santé

L’approche trans-affirmative a soulevé une opposition de professionnels de santé. Des médecins ont créé le réseau CAN-SG (Clinical Advisory Network on Sex and Gender). Au Royaume-Uni, le rapport du docteur Hilary Cass a renversé la vapeur et conduit à la fermeture des GIDS en 2023. Le procès initié par l’infirmière Sue Evans, s’il a été perdu devant la Cour d’appel, a lui aussi fait grand-bruit au Royaume-Uni. C’est pourtant l’approche affirmative qui tend à triompher aux États-Unis, au Canada et en Australie, même si des limites ont été posées par certains États : pas de transition médicalisée avant 18 ans en Floride, ni traitement hormonal ni transition sociale avant 16 ans en Australie. Le collectif franco-belge de professionnels de l’enfance opposés à l’approche affirmative – L’Observatoire de la Petite Sirène – a publié un manifeste en trois langues dans la presse allemande, belge et française.

Des parents se mobilisent malgré les menaces et les insultes

La 4thWaveNow est la première association de parents créée en Californie en 2015 par Denise Caignon-Lewis, dont la fille 17 ans voulait transitionner après avoir visionné des vidéos sur internet. L’association infiltre les forums des parents trans-affirmatifs et donne à voir, par capture d’écran, des échanges incroyables. Il est des sites de vente qui proposent des pénis en silicone pour enfants de 4 ans.  Les initiatives se multiplient avec, par exemple, au Royaume-Uni, Our Duty, un réseau qui a des antennes aux États-Unis, au Canada et en Australie. Les associations pro trans-affirmation, comme Stonewall, finissent par tomber en disgrâce. 

Les trans qui en reviennent

Un évènement dont la presse ne parle guère est le Detrans Awareness’Day, tous les 12 mars, dans le monde anglo-saxon. On finit toutefois par entendre les détransitionneurs sur les réseaux sociaux. Ils passent pour des traitres auprès des militants trans. Il existe aujourd’hui plusieurs sites ou forums qui traitent des malheurs et déboires de la transition. Ainsi, le forum r/dtrans, créé en 2017, comptait 42 000 membres fin 2022. Le site post-trans a publié un guide en six langues, gratuit en ligne. Par ailleurs, des procès contre des cliniques sont en vue et commencent à paniquer les assureurs. En Californie, Chloe Cole, 18 ans, a raconté sa transition dès l’âge de 13 ans. Elle compte porter plainte et sera représentée par une association de défense des droits civiques et des avocats spécialisés. Ainsi le déplacement de la question trans du domaine médical au domaine des droits civiques, par les militants trans, pourrait bien se retourner contre la cause qu’ils défendent. Le risque couru par les cliniques (et les assureurs) pourrait augmenter si le projet de loi déposé par deux sénateurs américains visant à porter à trente ans le délai de prescription pour faute professionnelle dans le secteur de la santé venait à être voté.

Comble de mauvaise foi : la psychothérapie exploratoire assimilée à une thérapie de conversion

La thérapie de conversion est le traitement hormonal auquel étaient soumis, en Angleterre, les homosexuels s’ils voulaient échapper à une peine de prison. Alan Turing, qui réussit à décrypter Enigma utilisé par l’armée allemande pendant la deuxième guerre mondiale, fut soumis à ce traitement et finit par se suicider. 

Alors que c’est l’hormonothérapie qui devrait être assimilée à une thérapie de conversion, l’idéologie transgenre a réussi à renverser le paradigme pour criminaliser le recours à la psychothérapie. D’ailleurs, la loi française du 31 janvier 2022 est cohérente avec ce nouveau paradigme puisque des psys pourront être interdits d’exercer pendant dix ans s’ils cherchent à réconcilier des enfants avec leur sexe et des parents pourront être privés de l’autorité parentale s’ils s’opposent à la volonté de leurs enfants ! D’ailleurs, L’Observatoire de la Petite Sirène, qui a publié un guide en ligne à destination des professionnels, a eu maille à partir avec la DILCRAH. 

Le droit à la reconnaissance juridique

La diffusion de la déclaration de Yogjakarta de 2006 sur les droits, comprenant entre autres l’orientation sexuelle et le genre, et présentée aux Nations unies en 2007 a été actualisée en 2017 et étendue aux trans et non binaires. Elle inclut le droit à la reconnaissance juridique et s’est diffusée dans de nombreux pays. Le site gouvernemental français Légifrance fait référence aux principes de Yogjakarta dès 2013 et, depuis 2016, on peut changer son sexe à l’état civil à condition de prouver que le « sexe social » diffère de celui enregistré. 

Les femmes et les homosexuels font les frais de la nouvelle idéologie

Les trans ont redéfini l’homosexualité comme une attirance pour le même genre. Ils se heurtent aux homosexuels qui bataillent, de longue date, contre la conversion. LGB Alliance a divorcé des trans. Aujourd’hui, les pires ennemis des transfemmes sont les lesbiennes accusées de discrimination parce qu’elles refusent de coucher avec des « femmes dotées d’un pénis ». Les transfemmes parlent de plafond de coton en référence aux sous-vêtements des lesbiennes dont l’accès leur est interdit !

Woman’s Place UK est une association bien décidée à défendre la cause des femmes. Le mot d’ordre de l’association Sex Matters, crée en 2022, est : « la négation du sexe ne passera pas ! » Ces associations n’acceptent pas qu’il y ait deux catégories des femmes – les cis et les trans – ou que la notion de sexe soit amenée à disparaître, comme au Canada où, depuis 2017, le sexe X est autorisé dans les documents officiels. Si les Britanniques furent les pionniers dans l’auto-identification, c’est le combat acharné des femmes qui a évité l’adoption de l’auto-déclaration. Les universitaires qui tiennent bon face aux injonctions wokes ont la vie dure. Ce fut le cas de Kathleen Stock, auteur de Material Girls en 2021, obligée de donner ses cours en ligne et dont le téléphone avait été équipé d’un bouton « panique ». Elle finit par démissionner pour rejoindre UATX à Austin. Son calvaire a suscité la création du Gender Critical Academy network.

Le principe de l’auto-identification est un désastre pour les femmes, dans les prisons, dans les refuges et dans les compétitions sportives, à une époque où l’on peut lire, sous la photographie d’un barbu, la légende suivante : « Cette femme est accusée d’avoir violé une jeune fille » ! Depuis le décret de Joe Biden interdisant les discriminations de genre, les transfemmes se sont multipliées dans les compétitions sportives. Le degré de « dinguerie » atteint sur la question trans est peut-être ce qui pourrait précipiter la chute du wokisme. 

La France pourrait s’inspirer des méthodes développées dans les pays anglo-saxons, très en avance dans leur contre-offensive, pour désintoxiquer leur pays du wokisme. Rien n’est gagné d’avance mais, si l’on en croit la théorie de Timur Kuran[4], une fois l’opinion publique alertée puis conquise, un groupe de pression peut difficilement se maintenir. Timur Kuran distingue les activistes, capables de mettre leur réputation en péril et attachés à l’honnêteté de l’expression personnelle, des suiveurs qui pensent secrètement comme les activistes mais attendent que le mouvement rencontre assez de succès pour se lancer[5]. Une fois que le dissident s’est révélé, il n’a guère d’autre choix que de continuer. Chaque victoire en prépare une autre, mais nombreux sont ceux qui restent au tapis. Les points faibles et contradictions théoriques du wokisme sont nombreux et sources d’opportunités. Ainsi, le ressenti serait déterminant dès qu’il s’agit de décaler le genre par rapport au sexe, mais pas en matière de racisme. Même le blanc qui pense ne pas être raciste est forcément l’hôte de ce mal invisible, mais qui structurerait la société tout entière. 

© Michèle Tribalat


Notes

[1] Pour en savoir plus sur ces non crime hate incidents voir l’encadré en fin du texte publié ici : https://micheletribalat.fr/435332557/451880969.

[2] Avertissement qu’un texte, une représentation, un discours… pourraient être traumatisant pour les âmes sensibles.

[3] La chirurgie propose même, en Californie, une annulation de genre qui transforme un homme en eunuque.

[4] Private Truth, Public lies, The social consequences of preference falsification, Harvard University Press, 1995. Voir ma note sur cet excellent livre : https://micheletribalat.fr/435379014/439783525

[5] Le New York Times semble ainsi avoir modéré son enthousiasme, cf. Christopher Rufo, https://rufo.substack.com/p/reshaping-the-narrative?utm_source=post-email-title&publication_id=1248321&post_id=136282987&isFreemail=true&utm_medium=email


© Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe. Elle a publié notamment Statistiques ethniques, une querelle bien française, L’Artilleur, en 2016, et « Immigration, idéologie et souci de la vérité », L’Artilleur, 2022.

http://www.micheletribalat.fr/

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