Ce 10 octobre à Ashkelon, des jeunes en deuil se recueillent devant la tombe d’Eden Guez, tuée par le Hamas lors de la rave party du Néguev. VIOLETA SANTOS MOURA / REUTERS
FIGAROVOX/TRIBUNE – Au moins 260 personnes ont été tuées samedi par le Hamas lors d’une rave-party en plein désert. Pour le philosophe, la réaction officielle de l’Église de France n’a pas été à la hauteur de ce drame, et plus largement de la tragédie en cours en Israël.
Ce n’est pas seulement l’incursion coordonnée des terroristes en Israël qui sidère. Elle était pensable, appartenant à l’ordre du possible. C’est aussi, c’est surtout, le massacre des fêtards du Néguev : il appartient à l’ordre de l’inimaginable, du non envisageable. Jamais depuis la Shoah par balles des Juifs n’ont été massacrés de cette façon parce qu’ils étaient Juifs. Autrement dit : le massacre des fêtards du festival «Tribe of Nova» est un crime spécifique, plongeant ses racines symboliques dans les meurtres de masse antisémites analogues qui abreuvèrent, dans les années 1940, de sang les terres de l’Europe de l’Est. Et mon Église – du moins sa hiérarchie – se tait ! On tue des Juifs en usant des méthodes et de l’état d’esprit des nazis, des Einsatzgruppen, et je me tais, plus ou moins à demi !
Certes, objectera-t-on, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort a publié sur le site de l’Église catholique de France un communiqué. Mais sa lecture plonge dans la consternation. Ce communiqué froid et bureaucratique, aussi glacial qu’une note de service dans une administration, où chaque mot est pesé, évitant l’engagement spirituel, où ne souffle pas le vent dérangeant de l’Esprit Saint, s’inscrit dans l’ordre du service minimum. Le caractère antisémite des meurtres n’est pas même mentionné.
Les jeunes, tués, démembrés, violés, enlevés, objets de toutes les humiliations et de tous les outrages, retenus en otage, joyeux et insouciants qu’ils étaient, sont, sur la terre où il vécut, au sein du peuple qui fut le sien, les frères et sœurs de Jésus. Que tous les hommes prennent part à cette fraternité est une incontestable évidence. Pourtant, que les enfants d’Israël soient ses frères et sœurs à un titre particulier est tout aussi évident. D’où la question : n’est-ce pas directement Jésus que l’on blesse dans sa chair, comme le centurion Romain, quand nous, chrétiens, catholiques, notre Église, n’avons pas les mots pour dire le partage de la douleur ? Pour dire que, mutatis mutandis, leur douleur est aussi la nôtre. Quand nous refusons de regarder en face les similitudes historiques que ramènent en mémoire ces massacres ? Ces mots manifesteraient l’engagement spirituel qui est la charge de l’Église, et, pour l’heure, ils manquent ; nous les espérons.
Ces mots manifesteraient la vertu d’espérance. En les attendant, nous avons espoir en l’espérance.
Là où mon Église devait donner à entendre une voix forte et prophétique, je l’ai trouvée aphone.
Tous les fidèles catholiques ont chanté, dimanche 8 octobre à l’office, le Psaume 79 : «La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël». Et tous ont écouté attentivement la lecture d’un extrait du livre du prophète Isaïe, où cette formule se retrouve. La maison d’Israël venait d’être ensanglantée par des meurtres spécifiques, qui la visaient pour ce qu’elle est. Qui visaient en tant que tels ses enfants.
Là où mon Église devait donner à entendre une voix forte et prophétique, je l’ai trouvée aphone
Tristesse et déception : mon Église resta absente, malgré ces horreurs, des défilés du lendemain, le 9 octobre au soir, alors que son devoir était plus que jamais de se placer aux côtés du peuple juif, aux côtés d’Israël, dans cette épreuve. Là où mon Église devait donner à entendre une voix forte et prophétique, je l’ai trouvée aphone. Comment, si sa parole est absente, ou figée dans une langue de bois bureaucratique, ce qui revient au même, dans un moment aussi historique, l’Église pourra-t-elle être écoutée et comprise au-delà du seul cercle de ses fidèles, le jour où elle s’exprimera avec justesse et profondeur sur des questions sociétales, la GPA et l’euthanasie ? Comment son message pourra-t-il trouver un écho par temps calme alors qu’elle reste muette quand souffle la tempête ?
Un fade communiqué, sorte de demi-silence, n’est pas à la hauteur de la situation. Tous, nous attendons de nos évêques qu’ils prennent en compte, outre leur horreur, la nature des crimes perpétrés par le Hamas. Une routinière condamnation de la violence rend aveugle à leur réalité. Tous nous attendons d’eux une parole puissante et inspirée, charismatique, propre à remettre l’Église dans son rôle. Ce n’est pas trahir l’humanité que l’on doit aux Palestiniens que de soutenir Israël. À la messe, dimanche, je prierai ardemment pour ces garçons et filles teufeurs du «Tribe of Nova», tués dans le Néguev, pour les Juifs du monde entier, pour Israël. En attendant que mon Église et mes évêques se réveillent !
© Robert Redeker
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/robert-redecker-massacre-du-hamas-ou-est-l-eglise-20231010
Robert Redeker est philosophe et catholique pratiquant. Dernier ouvrage paru: « L’Abolition de l’âme ». Éditions du Cerf. 2023
Mais que voulez-vous attendre de l’Église? Hélas trois fois Hélas RIEN
ROSA
Vous donnez de l’espoir aux victimes… Merci au nom de l’humanité de ne pas vouloir faire partie de la lâche, criminelle , « petite » communauté de Dogville ( Lars von Trier)
Meme si nous avons une grande partie de nos origines qui est commune ,le clerge catholique reste encore depuis deja pres de 18 siecles aussi distant (pour ne pas dire un autre quaficatif) du peuple juif dont il est issu et qui leur a apporte Jesus ( je ne dis pas « les catoliques »)
C’est tout simplement Desesperant
Comme on attend rien d eux on ne sera pas deçus 🙃
Il ne faut neanmoins pas oublier les tres grands chretiens français qui forcent notre admiration , en particulier le pere Desbois .
C’est si vrai, cher Robert! C’est glaçant et il n’y a rien à ajouter. Continuez à porter notre voix.
Amitiés
Claire