Alors que Benny Gantz, président du parti Unité Nationale, a condamné les violences lors de Yom Kippour et appelé à la réflexion, en déclarant que « les deux camps avaient outrepassé leurs limites, érodant ainsi le respect et la compréhension mutuels qui sont essentiels à la coexistence » et que « malgré le désir de certains de prier séparément en fonction des genres, ce qui en soi a provoqué des débats, l’usage de la violence pour perturber ce rassemblement religieux était inacceptable et révélateur d’un manque de respect mutuel alarmant », concluant que chacune des parties devait se remettre en question »,
Alors que Meïr Ben Hayoun, représentant francophone du parti Otzma yehoudit, demande pour sa part « 5 ans ferme » pour ceux qui empêcheraient de prier,
( Voir TJ du 29/10) https://www.tribunejuive.info/2023/09/29/opinion-meir-ben-hayoun-5-ans-ferme/,
Alors que le Président Herzog, évoquant « un état d’urgence nationale », a rappelé « l’importance de la fraternité et d’une société soudée en temps de crise »,
Daniel Haïk, pour i24News, a réfléchi aux « dangers d’une dérive identitaire anti-religieuse » , à propos desdits « incidents »:
« Les incidents graves de Kippour ont eu un effet révélateur : pour les protestataires de la « Force Kaplan », la réforme judiciaire n’est qu’un « hors d’œuvre »
Colère et émotion. Ce sont les premiers sentiments qui ont jailli après la découverte des images choquantes de manifestants laïcs torpillant l’office de Kippour sur la place Dizengoff à Tel-Aviv : colère face à la profanation du jour le plus sacré du calendrier juif ; colère face aux expressions d’intolérance et de coercition anti-religieuse qui ont éclaté alors ; colère face à l’attitude d’un maire de Tel Aviv qui, il y a deux mois, organisait une prière musulmane avec séparation entre hommes et femmes dans un jardin de sa ville, mais qui a refusé formellement ce même droit à des Juifs religieux. Émotion, en découvrant les larmes de jeunes femmes pratiquantes, ébranlées par tant de haine. Émotion aussi, en voyant les rabbins de l’association Roch Yehudi évacués de la place Dizengoff sous haute surveillance policière alors que, l’an dernier, ces mêmes rabbins étaient salués pour avoir permis un office de Kippour unificateur ! Enfin, la colère et l’émotion ont cédé la place à une immense tristesse : tristesse de constater que, non seulement le Yom Kippour n’avait pas apaisé les tensions au sein de la société israélienne, mais qu’au contraire, il les avait exacerbées ; tristesse de comprendre que l’espoir d’une année nouvelle, durant laquelle les différentes composantes de la société israélienne se montreraient plus conciliantes, risquait d’être profondément déçu. Et enfin, tristesse, dans une perspective plus historique, que précisément l’année où l’on commémore le cinquantenaire d’une guerre de Kippour qui a failli détruire Israël de l’extérieur, soit celle qui voit ce même État menacé de l’intérieur par des courants ultra-radicaux qui le secouent de gauche à droite, et de droite à gauche !
Les incidents graves de Kippour ont eu un effet révélateur : ils ont confirmé ce que beaucoup d’Israéliens pressentaient. Pour les protestataires de la « Force Kaplan », la réforme judiciaire n’est qu’un « hors d’œuvre » majeur dans un repas dont le plat de résistance n’est autre que la définition du caractère juif de l’État d’Israël. Et que, même si les rabbins de Roch Yehudi avaient retiré leur séparation hommes/femmes sur la place Dizengoff, ces manifestants de la laïcité auraient trouvé un autre prétexte pour exacerber ce débat. Ces événements ont également confirmé que ces manifestants de Kippour n’avaient absolument rien à envier aux extrémistes de Ben Gvir et de ses acolytes de la soi-disant Force juive. Ils rivalisent ensemble dans un radicalisme plus dangereux que jamais.
Qui sont ces manifestants d’une laïcité exacerbée ?
Au fond, qui sont ces Israéliens qui nous ont mis si mal à l’aise au sortir de Kippour ? Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’Israéliens qui veulent le bien de leur pays mais qui, dans leur quête légitime de ce « bien », peuvent parfois s’égarer, tout comme d’ailleurs les radicaux de la droite nationaliste s’égarent parfois dans les méandres de leur gouvernance. Beaucoup de ces protestataires se réclament du grand mouvement libéral de gauche que l’on croyait agonisant après les élections de novembre ’22, et qui connaît un réveil quasi « religieux » autour de la protestation contre la réforme. Leur grand-prêtre est le professeur Aaron Barak. Leur bible est la Déclaration d’Indépendance, et leur feuille de route idéologique se reflète dans les éditoriaux du Haaretz, le quotidien phare de l’extrême gauche.
Ce réveil s’accompagne de leur part de revendications en direction du gouvernement, dont ils exigent qu’il s’aligne sur les verdicts de la Cour suprême. Mais ce mouvement déplore aujourd’hui que son pluralisme ait pu favoriser le radicalisme de l’extrême droite. C’est pourquoi, aujourd’hui, dans sa version « musclée », il est aussi porté par un désir ardent de mettre fin à toute forme de tolérance envers les communautés orthodoxes (essentiellement parce qu’elles ne servent pas dans Tsahal et ne contribuent pas assez à l’économie), et sionistes religieuses (essentiellement parce qu’elles sont le fer de lance de l’occupation de la Judée-Samarie). Les plus radicaux, au sein de ce mouvement, n’hésitent pas à parler de combat contre la « suprématie juive » représentée selon eux par le tandem Smotrich-Ben Gvir. D’autres mettent en exergue un dilemme, qu’ils ont de plus en plus de mal à assumer, entre les valeurs juives humanistes, qu’ils prônent, et l’oppression dont sont victimes les Palestiniens. D’autres, très minoritaires il faut l’espérer, vont encore plus loin et n’hésitent plus à dénigrer leur identité juive. C’est le cas par exemple de l’ancienne députée Meretz Zahava Galon qui, après avoir conduit son parti vers les abîmes parlementaires en novembre dernier, a publié ces derniers jours un post ahurissant dans lequel elle écrit : « L’un des plus sérieux problèmes de la société israélienne est le postulat de base qu’il existe une quelconque forme de sagesse dans le Judaïsme… Le Judaïsme est un manifeste rédigé par des hommes orthodoxes qui n’étaient pas particulièrement intelligents ! » Disons-le clairement : un tel post ne fait qu’ajouter de l’eau au moulin d’un Benjamin Netanyahou qui prend un malin plaisir (comme il l’a fait lundi soir) à faire une distinction inadmissible entre « gauchistes » et « fidèles juifs en prière ».
Vers un nouveau schisme d’Israël ?
Cependant, il est intéressant de constater que ces radicaux, qui ont saboté l’office de Kippour à cause de la séparation entre hommes et femmes sur la place Dizengoff, ont tendance à cautionner, très paradoxalement, une séparation nettement plus dramatique : en effet, certains, au sein de ce mouvement libéral-laïc, baignent dans le pessimisme le plus total et considèrent que le chaos sociétal actuel condamne l’État d’Israël à être séparé en deux entités étatiques : l’État d’Israël libéral et démocratique d’un côté… et l’État de Judée, conservateur et obscurantiste de l’autre. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains de ces utopistes planchent même, depuis plusieurs mois, sur le tracé de ces deux entités : Israël occuperait, du nord au sud, l’essentiel du plateau du Golan, puis descendrait sur une étroite bande le long du littoral qui inclurait bien évidemment Tel-Aviv et sa métropole, et tracerait sa frontière sud entre Ashdod et Ashkelon ! Quant à l’État de Judée, il inclurait, cela va de soi, Jérusalem, les grandes cités orthodoxes et le reste du pays y compris, si nécessaire, la Judée-Samarie. En quelque sorte, une version revisitée du principe de deux États pour… un seul peuple ! Incroyable comme l’imagination peut faire des heures supplémentaires en période de crise.
Mais, ce qui est plus stupéfiant encore, c’est qu’en prônant une telle séparation, les militants de cet « hyper-libéralisme » risquent de se condamner eux-mêmes. En effet, l’Histoire juive a déjà connu un cas de figure semblable au Xe siècle avant J.C. après la mort du Roi Salomon. Une crise politique majeure avait alors conduit au fameux schisme : la partie nord du pays, avec 10 des 12 tribus, avait fait sécession et pris le nom de « Royaume d’Israël » tandis que la partie sud, avec Jérusalem, prenait celui de « Royaume de Juda ». L’issue de ce schisme relaté dans la Bible est tragique : le royaume d’Israël fut séduit par les cultures environnantes, comme la culture assyrienne, et s’assimila avant d’être conquis au VIIIe siècle avant J.C. par le pouvoir assyrien. Les 10 tribus de ce royaume ont disparu, emportées par le souffle de l’Histoire. Le Royaume de Juda, lui, va certes s’éloigner de la tradition religieuse et être exilé par deux fois, mais il conservera son identité juive. Le peuple juif, qui a traversé l’Histoire, est issu uniquement des deux tribus de ce royaume.
En créant l’État hébreu il y a 75 ans, David Ben Gourion a certes voulu créer un État laïc et libéral. Il était même persuadé que le monde orthodoxe allait disparaître. Mais il n’a jamais voulu renier le caractère juif de ce pays ! Au contraire, il était lui-même non-pratiquant mais connaissait parfaitement la Bible et la brandissait pour revendiquer le droit du peuple juif sur la Terre d’Israël. Et qui plus est, la Déclaration d’indépendance qu’il a lue le 14 mai 1948 mentionne bien sûr les droits égaux pour tous les citoyens mais, si elle omet de parler de démocratie(!), elle se réfère au Rocher d’Israël, l’un des noms divins, et promet de construire le pays dans l’esprit des prophètes d’Israël ! Il serait bon que les manifestants de Kippour et ceux qui les cautionnent ne l’oublient pas.
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Tout cela est triste et inquietant , le maire gauchiste Huldai suit un mouvement bien identifiė en France avec ces elites arrogantes qui dedaignent leurs origines et epousent la cause du wokisme et de l islamisme .
D un autre coté l intrusion de partis politiques ultra orthodoxes est innacceptable et j espere qu il existe encore une majorité d israeliens pour desirer allier la democratie liberale et le judaisme : j espere car les comportements des extremistes de chaque bord deviennent insupportables .
Vu le type de commentaire que je lis, ça n’est plus la peine de m’envoyer tribune juive info
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Article intéressant et très s juste commentaire de @T Amouyal. L’américanisation de la société est une catastrophe conduisant à la confusion intellectuelle, au déchirement et aux haines communautaires. On remarquera le paradoxe ou l’incohérence qu’il y a à parler de « laïcité » au sujet de mouvements plutôt proches des partis au pouvoir en Amérique du Nord et en GB…Partis on ne peut plus hostiles à la laïcité (et c’est un euphémisme): les campagnes de diffamation haineuse contre la laïcité française viennent de ces partis là et leurs réseaux de désinformation médiatique. Les mots ont un sens !…Pour beaucoup d’entre eux, ces militants ne sont pas des partisans de la laïcité (dont ils ignorent la definition) mais des néo identitaires…qui combattent des identitaires religieux traditionnels. Et réciproquement. Identitaires contre identitaires, extrémistes contre extrémistes…C’est la tenaille identitaire, dont les Européens ou personnes ayant vécu en Europe sont censés connaître le caractère éminemment destructeur. Le schisme (*).
(*) cependant il ne faut pas prendre les récits bibliques au pied de la lettre : ils n’ont souvent aucune validité historique. Ils sont de nature symbolique