Du KAPAP au Krav Maga : l’histoire inédite du premier art martial israélien

Deux lutteurs s’entraînent à la méthode israélienne d’autodéfense Krav Maga. Stephan Agostini / AFP

Le développement de KAPAP révèle en toile de fond l’histoire des organisations paramilitaires qui se sont battues pour créer l’État d’Israël

Dans l’inconscient collectif, l’art martial israélien est associé au Krav Maga. Le KAPAP, en revanche, demeure méconnu du grand public, à l’exception peut-être de ceux âgés de plus de 90 ans…. 

Une recherche rapide sur Google enseigne, pourtant, que le célèbre Krav Maga (ou « Combat rapproché ») provient lui-même du KAPAP. i24NEWS a rencontré l’historien Noah Gross, qui s’est penché sur ce sport de combat fondé dans les années 1940 par la Haganah, la plus grande force paramilitaire de l’Israël pré-étatique.  Acronyme hébreu de Krav Panim al Panim (littéralement combat face à face), le KAPAP était basé sur une méthode de combat au bâton, développée par un immigrant ukrainien en Palestine sous mandat britannique, Maishel Hurwitz. 

Neriel Hurwitz (courtesy)
Neriel Hurwitz (courtesy)Maishel Hurwitz

Lorsque Gross a commencé ses recherches dans les années 1990, il a rencontré Hurwitz et a été surpris d’apprendre que l’un des pères du KAPAP n’avait jamais entendu parler du Krav Maga, et qu’il ne connaissait pas non plus son fondateur, Imi Lechtenfeld. Hurwitz ignorait également que le sport qu’il avait popularisé avait été employé par l’armée israélienne jusqu’aux années 1950.

Les racines du style 

« Il existe différentes façons de catégoriser les styles d’arts martiaux », explique Gross à i24NEWS. « Certains visent à préserver d’anciennes traditions, comme les arts martiaux asiatiques. D’autres ont été créés pour être efficaces et fonctionner pour une époque spécifique, comme ceux utilisés par les militaires. KAPAP appartient à cette dernière catégorie. De 70 de notre ère, lorsque le Second Temple a été détruit, jusqu’en 1948, lorsque le nouvel État a été créé, aucun style d’art martial juif n’existait. Mais les membres du mouvement juif clandestin avaient besoin d’une méthode de combat pendant le mandat britannique. 

À partir de la fin des années 1920, la Haganah oriente ses membres vers l’Hapoel, l’association sportive du syndicat, où ils peuvent dissimuler une grande partie de leur entraînement au combat en « sport ».

D’autres professionnels se tiennent alors aux côtés de Hurwitz : Gershon Kopler (jiu jitsu et boxe), Yehuda Markus (jiu jitsu et judo) et Yitzhak Shtibel (boxe). Cette fusion des arts martiaux d’Europe et du Japon donne naissance au nouveau style de combat juif. En 1940, tout bascule. Hurwitz est témoin d’une manifestation à Haïfa. Dix policiers britanniques réussissent à disperser des centaines de manifestants juifs. Leur arme fatale ? Un bâton. 

Courtesy : Palmach archives
Courtesy : Palmach archivesFemale Haganah members train in stick-fighting methods

Hurwitz forme alors ses acolytes à manier plus efficacement ce simple outil en bois.

La première série de mouvements consiste à utiliser le bâton pour bloquer l’arme d’un assaillant, suivie d’un coup de pied rapide dans le ventre pour le désarmer. Ensuite, ils apprennent à pousser le bâton vers l’avant, pour réduire les dommages causés par l’impact, plutôt que de reculer. Les membres de la Haganah s’entraînent inlassablement, répétant les manœuvres encore et encore.

Courtesy : Chaim Cohen
Courtesy : Chaim CohenYouths in Sde Yakov were also trained in stick-fighting methods in the 1940s

Les Arabes locaux utilisent également une massue en bois, appelée « nabut ». Mais le bâton standard utilisé par la Haganah est conçu selon un design plus fin. 

Courtesy : Palmach archives
Courtesy : Palmach archivesJews train in stick-fighting methods at a migrant camp in Cyprus

Le KAPAP se généralise

En décembre 1941, ce combat est adopté par le Palmach (l’unité d’élite de la Haganah). Au fil du temps, KAPAP devient ainsi synonyme de combat au bâton, même si ses élèves apprennent aussi d’autres disciplines, comme la boxe, le jiu jitsu et le grappling. 

En revanche, le groupe Léhi – autre milice juive clandestine – n’opte pas pour le KAPAP. « Étant la plus petite milice, nous avons recherché l’efficacité et ne voulions pas perdre de temps avec des bâtons », raconte Ezra Yakhin, un ancien membre. Pour lui, la Haganah pouvait se permettre d’apprendre cette technique, car elle représentait la milice la plus institutionnalisée et entretenait une forme de collaboration avec les Britanniques.

En 1948, le KAPAP était largement diffusé en Israël ainsi que dans les camps de réfugiés à Chypre, où les Juifs cherchant à rejoindre la terre d’Israël étaient retenus par les Britanniques. « Sauf si vous étiez enceinte, il est probable que vous ayez suivi une formation en KAPAP », témoigne Anne Kelemen, une survivante de l’Holocauste originaire d’Autriche et ancienne résidente chypriote. Gross estime qu’au sein des 500 000 habitants de cette jeune nation, près d’un sur dix a bénéficié d’au moins une initiation à cette discipline.

L’héritage de KAPAP

Lors de la déclaration de l’État d’Israël en 1948, les membres des différents groupes de défense sont intégrés au sein des Forces de défense israéliennes (Tsahal). Quelques kibboutzim dispensent des cours, et d’anciens membres de la Haganah enseignent les techniques de la discipline à leurs enfants et petits-enfants. Mais en tant qu’art martial répertorié, le KAPAP ne connaitra pas le succès commercial de son successeur, le Krav Maga . Pour Gross, « le KAPAP des années 1940 se distingue clairement du Krav Maga moderne, mais ils sont étroitement liés. Le Krav Maga n’aurait pas vu le jour sans les fondations établies par son prédécesseur. »

© Avi Kumar

https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/1694867177-du-kapap-au-krav-maga-l-histoire-inedite-du-premier-art-martial-israeli

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