Depuis les années 1990, le journaliste américain Dan Buettner a étudié les habitudes de vie des habitants des cinq zones du monde ayant les plus fortes concentrations de centenaires. Il livre ses observations dans une série documentaire disponible sur Netflix.
Dans les années 1980, Stamatis Moraitis, un jeune homme d’origine grecque ayant vécu toute sa vie d’adulte aux États-Unis est atteint d’un cancer du poumon. Son espérance de vie est estimée à 6 mois. Il décide alors de retourner à Ikaria, son île natale, pour vivre ses derniers mois sur la terre de ses ancêtres. Contre toute attente, les années passent et laissent Stamatis sauf. Il s’éteindra presque 40 ans plus tard, à l’âge de 103 ans. Quels facteurs alors, expliquent cette survie exceptionnelle ? L’environnement d’Ikaria y serait-il pour quelque chose ? C’est la question que s’est posée Dan Buettner, journaliste américain. L’homme a enquêté pendant près de 30 ans sur ce que l’on appelle les « zones bleues », ces régions du monde où l’on trouve les plus fortes concentrations de centenaires. Le fruit de son travail est à découvrir dans une série documentaire intitulée « 100 ans de plénitude : les secrets des zones bleues », est disponible sur Netflix depuis le 29 août.
Pour comprendre et identifier les facteurs favorisant la longévité de ces habitants, il s’est rendu en Sardaigne, au Japon, en Grèce, en Californie et au Costa Rica. Il a compilé des centaines de recherches scientifiques sur le régime alimentaire, les conditions géologiques et l’histoire de ces peuples. Aussi a-t-il interrogé des médecins pour décrypter l’intérêt sanitaire de ces différentes hygiènes de vie. Enfin, il s’est adonné à une expérience grandeur nature : créer une zone bleue aux États-Unis, à Albert Lea dans le Minnesota en 2009. Un an après avoir remodelé la vie des habitants selon les préceptes appris, l’espérance de vie locale moyenne s’est vue augmenter de 2,9 ans. Voici les principaux enseignements à retenir.
Faire du sport sans y penser
Dans toutes les zones étudiées par Dan Buettner, l’activité physique fait partie intégrante de la vie des habitants, et ce de façon naturelle. Les peuples centenaires ne cherchent pas à «faire du sport pour faire du sport» mais évoluent dans des environnements ne laissant pas sa place à la sédentarité. En Sardaigne par exemple, les chemins escarpés des villages obligent les habitants à gravir et à dévaler les côtes pour leurs trajets de tous les jours. Sur l’île japonaise d’Okinawa, zone ayant connu la plus forte concentration de centenaires au monde (81 centenaires pour 100.000 habitants en 2015 contre 20 aux États-Unis selon une étude menée en 2015 intitulée Okinawa Centenarian Study), les maisons ne sont équipées que de très peu de meubles. En s’asseyant et se levant plusieurs fois par jour, les locaux ont ainsi pris l’habitude de faire des exercices similaires à des squats quotidiennement, à renforcer leurs muscles profonds, leur souplesse et leur sens de l’équilibre.
Le documentaire relève aussi les importants travaux manuels quotidiens exercés par les habitants des zones bleues. Ils mènent un mode de vie actif et laborieux laissant la part belle à l’agriculture, au jardinage ou encore à la cuisine, sources d’activité physique «naturelles», mais de plus en plus robotisées dans nos sociétés.
Une alimentation équilibrée à base de plantes
Un régime alimentaire constitué principalement de fruits et légumes non transformés et apportant tous les nutriments nécessaires est une autre composante des habitudes de vie en zone bleue. La base de l’alimentation locale repose sur trois aliments fondamentaux : les haricots noirs, les courges et le maïs. Tous riches en antioxydants, en vitamines et en minéraux, les associer permet d’obtenir l’ensemble des nutriments, appelés acides aminés, apportés par les protéines animales, le cholestérol et les graisses en moins. Autre exemple cité dans le documentaire, celui de Loma Linda, en Californie, où une communauté religieuse adventiste se distingue par sa longévité. Les hommes vivent en moyenne 7,3 ans de plus que le reste des hommes californiens, et les femmes 4,4 ans de plus que leurs homologues. Seul 5% de leur apport calorique journalier provient de viandes, poissons et volailles, soit trois fois moins que la moyenne des Américains.
L’importance des relations sociales
Autre gage de longévité selon les recherches de Dan Buettner : des relations sociales de proximité entretenues avec soin. L’ensemble des zones bleues qu’il a visitées sont avant tout des communautés, dans lesquelles les liens sociaux sont extrêmement forts. Or, s’entourer de personnes ayant des habitudes de vie saines nous aiderait à adopter ces mêmes comportements. «Avoir une personne végétarienne ou végétalienne dans son entourage nous permet de savoir comment appliquer ce régime de façon saine par exemple», observe Dan Buettner. C’est aussi la conclusion de la plus longue étude jamais réalisée sur le bonheur et la santé, dirigée par Robert Waldinger, ponte de la psychiatrie américaine. Interrogé par Madame Figaro en juin, il soulignait : « Avoir de bonnes relations nous rend non seulement plus heureux tout au long de notre vie, mais nous permet aussi de vivre plus longtemps et de rester en meilleure santé en vieillissant ».
De leur côté, les mauvaises habitudes d’hygiène de vie sont elles aussi contagieuses. Une étude menée en 2003, publiée dans le Journal de Médecine de Nouvelle Angleterre et relayée par Dan Buettner dans le documentaire démontre que si l’un de nos amis devient obèse, nos chances de le devenir à notre tour augmentent de 57%. La solitude et le fait de fumer seraient également communicatifs entre amis et proches.
La force des liens sociaux prend aussi tout son sens en fin de vie, période durant laquelle l’isolement est particulièrement nocif. En Sardaigne, les habitants ont pour norme de s’occuper de leurs aînés eux-mêmes. Les maisons de retraite n’existent pas. Les membres de la famille se relayent tour à tour pour cuisiner, rendre service et tenir compagnie aux plus âgés.
L’inclusion dans la société, à tout âge
Le dernier pilier de la longévité correspond à la vision que nous nous faisons du grand âge. Dans les zones bleues, il n’existe pas de séparation entre personnes activeset retraités. Sur l’île d’Okinawa, le mot «retraite» ne fait d’ailleurs pas partie du vocabulaire. À la place, les habitants parlent de leur « ikigai » : la conviction d’avoir pour mission de rester toujours actifs et de donner un sens à leur existence. Ils continuent donc à participer aux travaux de la communauté, même centenaires. Ils sont également très inclus dans la société : «on leur fait constamment sentir que l’on a besoin d’eux, qu’ils sont importants», commente le journaliste Dan Buettner. À Loma Linda, en Californie, la retraite existe comme dans le reste du pays, mais les personnes âgées demeurent très actives, notamment à travers un fort taux de participation à des activités bénévoles. Le journaliste identifie donc cette piste pour empêcher le déclin prématuré, et contrer la rupture brutale existant entre vie active et retraite dans nos sociétés.
© Louise Servans
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