Rabbi Moshe Pessach naît à Larissa en Thessalie en 1869. Il devient rabbin de Volos (Thessalie) en 1892.
Le 30 septembre 1943, le gouverneur militaire allemand Kurt Rikert ordonne qu’il lui communique dans les vingt-quatre heures la liste des Juifs de Volos ainsi que celle de leurs biens. Rabbi Moshe Pessach demande trois jours aux Allemands afin, leur dit-il, de satisfaire leurs exigences. Grâce à ce délai et à ses bonnes relations avec les autorités locales, tant civiles que religieuses, les Juifs de Volos vont être avertis du danger imminent et pour la plupart promptement cachés dans des villages des montagnes environnantes. Ils y resteront jusqu’à la fin de la guerre. Grâce à son action et à toute une chaîne de solidarité, sept cent cinquante des huit cent quatre-vingt Juifs de Volos seront sauvés. Rabbi Moshe Pessach avait aussitôt deviné les intentions des Allemands qui prétendaient avoir besoin de cette liste pour établir la quantité d’aliments nécessaire à la communauté juive de Volos. Les cent trente Juifs victimes des Allemands sont ceux qui n’avaient pas voulu quitter la ville pour des raisons diverses et personnelles.
Rabbi Moshe Pessach est à l’origine du sauvetage de la plupart des Juifs de Volos ; mais ce n’est pas vouloir diminuer son mérite que de préciser qu’il n’aurait pu sauver tant de membres de cette communauté sans l’aide de nombreux non-Juifs, à commencer par l’évêque de Volos, Joachim Alexopoulos. Ce nombre est d’autant plus remarquable que de 83 % à 87 % des Juifs de Grèce (essentiellement de Salonique) ont péri dans la Shoah. De fait, de nombreuses Grecques et de nombreux Grecs, des paysans pour beaucoup, mériteraient la distinction de Juste parmi les nations.
Lorsque Rabbi Moshe Pessach prend contact avec l’évêque de Volos pour lui exposer les exigences allemandes, ce dernier prend à son tour aussitôt contact avec le consul allemand de Volos, Helmut Scheffel avec lequel il est en bons termes et qui lui confirme l’imminence du danger. Joachim Alexopoulos revient aussitôt vers rabbi Moshe Pessach et se dit prêt à lui fournir toutes les recommandations nécessaires pour que les prêtres des villages environnants accueillent et cachent les Juifs. Ainsi, avec l’aide du clergé, du maire et du conseil municipal, du chef de la police et des réseaux de Résistance, sans oublier les populations locales, des paysans pour la plupart, un grand nombre de Juifs de Volos seront sauvés.
De fait, et ainsi que l’a reconnu le petit-fils de rabbi Moshe Pessach, Moris Eskenazi, de nombreuses Grecques et de nombreux Grecs de Volos et ses environs ont participé au sauvetage de centaines de Juifs. Elles et ils l’ont fait à leur risques et périls, car si les Allemands avaient su, il est certain que tous auraient été abattu(e)s et leurs villages détruits.
Après la guerre, rabbi Moshes Pessach retourne à Volos avec sept cents membres de la communauté juive de cette ville. Les nazis qui avaient compris qu’il les avait trompés s’étaient vengés sur sa famille, en particulier sur ses deux fils.
Au cours de l’occupation de la Grèce par les forces de l’Axe, rabbi Moshe Pessach avait également mis sur pied une unité de partisans qui avait combattu les Allemands et porté secours à des soldats alliés. En 1946, il devient Grand Rabbin de Grèce et est décoré par le roi Paul 1er de Grèce et le commandant des forces alliées en Méditerranée.
En avril 1955, Volos est dévasté par un tremblement de terre. Rabbi Moshe Pessach vit sous une tente comme tant d’autres habitant de Volos. Il renonce à sa maison pour construire une synagogue sur son emplacement. Il décède le 13 novembre 1955.
A la demande de la communauté juive de Volos, l’évêque Joachim Alexopoulos est reconnu Juste parmi les nations à titre posthume en 1977. En 2011 est fondé le Jewish Rescuers Citation en hommage aux Juifs qui ont sauvé d’autres Juifs au cours de la Deuxième Guerre mondiale. La famille de Moshe Pessach reçoit cette distinction en 2015.
Dans un article, Ariel Lekaditis (“The Times of Israel”) évoque le consul allemand Helmut Scheffel dont l’action s’inscrit discrètement dans une vaste chaîne de solidarité. Il semble que ce consul philhellène ait agi animé par des motifs humanitaires. Il est décédé à Volos en 1963, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Dans cet article, Ariel Lekaditis regrette que ce consul n’ait pas été honoré du titre de Juste parmi les nations. Ariel Lekaditis qui lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme et travaille pour Yad Vashem a soulevé cette question. Il lui a été répondu que l’action de ce consul avait certes été inhabituelle et courageuse mais qu’en agissant ainsi il n’avait pas risqué sa vie. Ariel Lekaditis regrette cette appréciation. Je n’entrerai pas dans la polémique.
Trois dignitaires de l’église orthodoxe grecque se sont élevés spontanément et frontalement contre la déportation des Juifs de leur pays. Nous avons nommé Joachim Alexopoulos, évêque de Volos. Ce dignitaire a aussitôt répondu à l’appel de rabbi Moshe Pessach en demandant expressément à chaque prêtre sous son autorité d’aider et de protéger autant que possible les réfugiés (juifs) qui leur seraient envoyés. En vingt-quatre heures, sept cent deux Juifs furent dispersés dans les villages des montagnes qui entourent Volos. Lorsque les Allemands lui demandèrent des renseignements concernant les Juifs de Volos, il leur opposa un refus catégorique. Les cent trente Juifs qui avaient refusé de quitter Volos périront presque tous à Auschwitz. La synagogue sera saccagée et les biens des Juifs pillés. Lorsque les Juifs reviendront à Volos après le départ des Allemands, Joachim Alexopoulos demandera à tous les habitants de Volos d’aider les Juifs à se réinstaller en commençant par leur restituer tout ce qui avait pu être dérobé après leur départ. En 1998, Joachim Alexopoulos sera reconnu Juste parmi les nations.
Et n’oublions pas Damaskinos, archevêque-primat d’Athènes et de toute la Grèce ainsi que Dimitriou Chrysostomos, évêque de Zante, une île de la mer Ionienne.
Peu de hauts dignitaires de l’Église ont eu un comportement aussi spontané envers le danger qui guettait le peuple juif que Damaskinos. Damaskinos ne se cache derrière aucune autorité pour tergiverser et se protéger. Il s’oppose sans retenue à la déportation des Juifs et pour ce faire il prend toutes les mesures en son pouvoir sans jamais calculer le danger auquel il s’expose. Avec l’aide du chef de la police d’Athènes, Angelos Evert (Juste parmi les nations, comme le maire du Pirée), il fait établir des milliers de “certificats de baptême” et fait distribuer plus de vingt-sept mille faux documents afin d’aider les Juifs à fuir les nazis. Il ordonne aux monastères et aux couvents d’Athènes d’accueillir des Juifs et il demande à ses prêtres d’en accueillir chez eux.
L’archevêque-primat d’Athènes et de toute la Grèce adresse une lettre de protestation directe aux occupants allemands, lettre dans laquelle il prend frontalement la défense des Juifs. Le général Jürgen Stroop (qui avait écrasé le soulèvement du ghetto de Varsovie et qui a été nommé en Grèce) menace de le faire fusiller. Damaskinos lui répond que les chefs religieux grecs ne sont pas fusillés mais pendus et il lui demande de respecter cette tradition. Jürgen Stroop est stupéfié par cette réponse. Damaskinos se montre préoccupé par le sort des plus de soixante mille Juifs de Grèce. Il souligne qu’ils ont connu l’esclavage et la liberté comme tous les autres Grecs, qu’il apprécie leurs sentiments, leur comportement fraternel, leur activité économique et, surtout, leur indéfectible patriotisme.
La communauté juive de l’île de Zante a survécu contrairement à celle de la proche île de Corfou où le maire grec, un certain Kollas, est connu pour avoir été un collaborateur des nazis. Le sauvetage de la communauté juive de Zante a été supervisé par Dimitrios Chrysostomos, l’évêque de cette île. Lorsque les autorités d’occupation exigent la liste des Juifs de l’île, il leur déclare qu’il est prêt à marcher avec eux jusque dans les chambres à gaz. Le maire de Zante, Loucas Carrer, agit de concert avec Dimitrios Chrysostomos qui demande au maire de détruire la liste des Juifs de l’île. Lorsque le commandant allemand demande à Dimitrios Chrysostomos de lui communiquer cette liste, l’évêque prend un morceau de papier et y inscrit son nom avant de le lui tendre. Les Juifs sont aussitôt avertis et conduits dans les montagnes.
Un mémorial au maire Loucas Carrer et à l’évêque Dimitrios Chrysostomos a été érigé sur l’emplacement de la synagogue de Zante détruite en 1953 par un tremblement de terre.
© Olivier Ypsilantis
© Olivier Ypsilantis
Né à Paris, Olivier Ypsilantis a suivi des études supérieures d’histoire de l’art et d’arts graphiques. Passionné depuis l’enfance par l’histoire et la culture juive, il a ouvert un blog en 2011, en partie dédié à celles-ci. Ayant vécu dans plusieurs pays, dont vingt ans en Espagne, il s’est récemment installé à Lisbonne.
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