Jean-Pierre Allali. Bakou, Quba, Oghouz… Les Juifs d’Azerbaïdjan

La synagogue de Quba

L’Azerbaïdjan, État d’Asie occidentale, est situé en Transcaucasie orientale. Limité au nord par le Daghestan russe, au nord-ouest par la Géorgie, à l’ouest par l’Arménie et au sud par l’Iran, il est bordé à l’est par la mer Caspienne. Ce petit pays de 86 600 kilomètres carrés, a pour capitale Bakou. Si sa population d’environ 9 millions d’habitants est en grande partie composée d’Azéris, les groupes minoritaires sont très nombreux, ce qui fait de ce pays une véritable mosaïque de peuples. Aux Azéris s’ajoutent les Lezguiens, les Russes, les Ukrainiens, les Géorgiens, les Arméniens, les Talishs, les Avars, les Turcs, les Tatars, les Tsakhours, les Kurdes, les Tats, les Oudines, les Khinalugh, les Ingiloys, les Haputs, les Dzheks , les Kirizs, les Bascals et…les Juifs.

Avant la création de l’État d’Israël, il y avait quelque 80 000 Juifs en Azerbaïdjan. Plus de 50 000 ont choisi d’émigrer en Eretz Israël et d’autres, ailleurs à travers le monde. Mais la plupart reviennent régulièrement au pays d’origine. Si les dirigeants actuels de la communauté juive avancent le chiffre de 30 000 Juifs dans le pays, la réalité est plus proche de 20 000 car ces dirigeants ont tendance à intégrer dans leur compte, les Israéliens qui font des allers-retours fréquents et les enfants nés de mariages mixtes qui sont assez courants.

La présence juive en Azerbaïdjan remonte à la nuit des temps. Aux Juifs venus de Jérusalem après la destruction du Temple, se sont ajoutés des Juifs venus plus tard de Perse, d’Allemagne, de Russie, de Géorgie et, plus généralement, d’Europe centrale. Certains prétendent que nombre de Juifs d’Azerbaïdjan descendraient des Khazars, les habitants du mythique royaume du roi Boulan qui se convertit au judaïsme au 8ème siècle, mais c’est une thèse controversée. À Bakou, capitale du pays, on compte trois synagogues dans lesquelles se regroupent les Ashkénazes, les Géorgiens et les Juifs des Montagnes. Après avoir débuté en 2002, les travaux pour la construction de la nouvelle synagogue ashkénaze avaient été interrompus faute de moyens. Aujourd’hui la synagogue est achevée et un rabbin « Habad » y officie. Un autre rabbin a la charge, lui, de la synagogue des Géorgiens et la Grande synagogue a pour rabbin un jeune diplômé. L’ensemble de la communauté de Bakou est sous l’autorité d’un président de la « Communauté Religieuse des Juifs des Montagnes d’Azerbaïdjan », Yevdayev Milikh Ilhanovich. La plupart des Juifs de Bakou sont russophones. Les activités communautaires sont diverses : associations féminines, groupes de jeunes, établissements scolaires… Trois écoles juives fonctionnent à Bakou et proposent aux élèves des activités très variées. Elles ont un statut d’organismes publics mais on y enseigne l’hébreu.

Il y a vingt ans, un mouvement des jeunes adultes juifs d’Azerbaïdjan a vu le jour. Il compte aujourd’hui quelque six cents membres. Pour les plus jeunes, les associations traditionnelles de jeunesse juive sont actives et souvent fortement liées à Israël, participant notamment aux programmes Taglit et Massa de l’Agence Juive. Dirigée par Larissa Reikhrudel, un médecin, l’Association des Femmes Juives d’Azerbaïdjan participe régulièrement à divers congrès internationaux.

On retrouve des Juifs à deux cents kilomètres de Bakou, aux confins du Daghestan russe, dans la ville de Quba et plus précisément dans le quartier de Krasnaïa Sloboda (Le Village Rouge) où vivent notamment les Tats. Rassemblés autour des trois belles synagogues de la ville, les Juifs sont quelque 4 000 âmes, 80% de la population du quartier.  Ici, on parle plutôt azéri que russe. On pratique aussi, comme au Daghestan voisin, le juhuri ou judéo-tat. La tradition locale considère que les Juifs vivent là depuis -722. Longtemps, les Juifs tats ont pratiqué l’agriculture, le jardinage et l’élevage. Ils se distinguaient par la production d’un colorant alimentaire naturel, le « marna ». Plus tard, ils deviendront commerçants, négociants ou pêcheurs. Certains ont fortement contribué à l’industrie pétrolière et à celle du gaz. Parmi eux, Yaakov Agarounov qui fut nommé à la tête de l’industrie pétrolière du pays. Le président n’est pas peu fier de faire visiter ses synagogues où on ne pénètre qu’après avoir enlevé ses chaussures. Là aussi les activités communautaires sont bien organisées avec l’aide de la mairie. Sur les hauteurs de la ville, un cimetière impressionnant et très bien entretenu, compte des milliers de tombes particulièrement anciennes.

Tous les jours, surtout par beau temps, les vieux Juifs du village se retrouvent au parc Heydar Aliyev pour jouer aux dominos ou au jacquet tandis que les jeunes, eux, se livrent à leurs jeux favoris. À l’orée du parc, un hôtel « cacher » propose des chambres aux touristes observants de passage.

À Ogouz, non loin de la frontière géorgienne, où vivent une cinquantaine de familles juives, une belle synagogue en bois a été restaurée il y a quelques années, au sein du village juif.

Une caractéristique de l’Azerbaïdjan, pays musulman strictement laïc où le droit de vote des femmes a été accordé 25 ans avant que cela soit le cas en France et où seul le mariage civil est reconnu, est sa relation très étroite avec Israël. L’Azerbaïdjan fournit 40% des besoins énergétiques d’Israël. Des accords de coopération ont été signés entre Bakou et Jérusalem. C’est ainsi qu’en 2006, une société israélienne a installé une unité de serres au nord de Bakou pour y cultiver des fraises destinées au marché russe. Les Israéliens contribuent à l’amélioration du réseau routier azerbaïdjanais et les appareils de la compagnie nationale d’aviation, Azerbaïdjan Airlines, « Azal », sont entretenus techniquement par Israël Aircraft Industries. L’ambassade d’Azerbaïdjan en Israël, a été récemment inaugurée. Celle d’Israël à Bakou, fonctionne, elle, depuis très longtemps. En Azerbaïdjan, terre d’islam chiite à l’instar de l’Iran, de Bahrein et de l’Irak, on peut rencontrer des Juifs heureux.

© Jean-Pierre Allali

Écrivain, auteur, notamment du roman “Les douze pierres de Quba”. Éditions Glyphe 2015, Jean-Pierre Allali est Vice-président de l’Association des Amis de l’Azerbaïdjan.

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