« Je t’écris d’Israël ». Voyage en terre de Tikkoun Olam. Chapitre 4: Le temps des traversements 

Chapitre 4 : Le temps des traversements 

Tribune Juive vous propose tout au long de l’été un regard décalé sur Israël, berceau du Tikkoun Olam – la réparation du monde brisé -, à travers la correspondance de Valérie Pavia*, artiste photographe qui arpente le pays, avec Yves Lusson**, intervenant en Thérapie sociale resté en France. 

Photo © Valérie Pavia

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Chère Valérie, 

Ce matin je suis triste. Ma voisine du dessous a succombé hier, son corps n’ayant plus supporté tout ce qu’elle avalait pour adoucir son malheur. Paix à son âme. 

J’ai pensé au canari, tu sais, ce petit oiseau si fragile qu’on emmenait au fond des mines de charbon pour prévenir les coups de grisou. Quand il perdait la vie, c’était le signal qu’il fallait évacuer au plus vite les galeries avant la fatale explosion. Ma pauvre défunte voisine, je la vois comme un canari, dont la mort est un signal de plus de l’état explosif de notre société. 

J’ignore pourquoi je te raconte cela. Peut-être m’enverras-tu une réponse en images d’Israël. 

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Cher Yves,

Je reçois ici ton message avec la même tristesse et je te répondrai comme je peux avec les images qui tombent ici toutes seules, chaque jour en abondance devant mon appareil photo. 

Paix à son âme. Voici l’autre versant de la statue de Joseph que je t’avais envoyée dans le chapitre premier. Je n’avais pas vu le jour où j’y étais allée qu’il y avait un ange qui se tenait derrière Joseph. Ta voisine aurait-elle manqué d’un ange qui se serait occupé d’elle ou les substances qu’elle prenait lui auraient-elles coupé l’accès à cette protection invisible que nous avons tous ?

Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia

Ton petit canari me fait penser à tous ces chatons errants que je croise ici et qui tentent de survivre comme ils peuvent. Dès leur venue au monde,  ils sont déjà blessés et apeurés. Heureusement qu’ici il y a quelques bonnes âmes qui viennent les nourrir et les secourir. Ces bonnes âmes sont bien souvent des femmes russes à la retraite. 

Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia

Je voudrais terminer cette lettre par deux photos que je trouve assez fortes. Celles de ces deux chats devenus adultes, dont un prend soin de l’autre en tentant de cicatriser sa blessure. En retour le chat blessé semble lui témoigner une grande gratitude. 

N’est-ce pas là notre rôle les uns pour les autres ? Ces chats ne nous donnent-ils pas ici une très belle leçon ?

Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia

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Chère Valérie,

Tes flâneries sont miraculeuses, tes intuitions fécondes, merci. Tu m’aides à transformer ma tristesse en autre chose, peut-être en une forme de douce humilité. Oui, je vois l’ange de Joseph comme un merveilleux symbole de la nécessité d’être relié pour être juste (je pense aux anges de Chagall…). Ton allégorie des chats, dont je ressens les blessures jusqu’au fond de ma chair et de mon âme, ne me laisse pas indifférent.  

Encore une fois, je me dois de te mentionner la thérapie sociale que m’enseigne Charles Rojzman, qui est pour ainsi dire une (la ?) version laïque et universelle du Tikkoun Olam. J’y apprends à recontacter suffisamment de courage et d’humilité pour pouvoir reconnaître  toutes ces blessures qui m’empêchent d’être moi-même, un être libre et relié : la blessure du déracinement, qui m’empêche de m’ancrer en profondeur dans une terre, dans un mariage, dans un métier stable et utile, la blessure de l’abandon, qui m’empêche d’aimer véritablement, à commencer par m’aimer moi-même. 

Tes chats, si éloignés de l’image du chat « domestiqué » européen, me rappellent ce qui est peut-être la plus belle leçon de l’existence : il faut savoir vivre malgré – ou plutôt avec – ses peurs et ses douleurs pour pouvoir être libre. 

Et savoir aimer, dans l’adversité. 

D’ailleurs, existe-t-il une vraie douceur de vivre sans adversité ? 

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Cher Yves, 

Toutes ces blessures qui nous empêchent d’être nous-mêmes, c’est à dire des êtres libres. A commencer par celle du défaut d’enracinement. Puis celle de l’abandon, qui finalement est celle qui nous fait le plus rater la cible d’aimer son prochain comme soi-même. En ne se respectant pas soi-même, c’est finalement l’autre en miroir que nous finissons par ne plus respecter. Aime ton prochain comme toi-même tu souhaiterais être aimé en retour. C’est tout ce que me montre la Terre Sainte depuis presque deux mois déjà. Cette terre qui vibre plus que nulle part ailleurs est un véritable réservoir d’amour à qui s’y comporte de manière juste. En retour elle peut être extrêmement cruelle, voire nous rejeter totalement si nous manquons la cible. Un passage célèbre de la Bible dit en effet que la Terre finit par vomir ses habitants. 

Pour le moment, je semble bien passer l’épreuve, la Terre m’attire et me retient ici comme un aimant. 

A commencer par un dentiste. 

En France il faut attendre des mois avant d’obtenir un rendez-vous. Ici en deux jours le rendez-vous est obtenu, et le mal de dent est aussitôt très vite résolu. En hébreu le mot dent d’ailleurs s’écrit comme la racine d’un arbre. En sortant de mon rendez-vous, je suis tombée sur un arbre traversé par un rayon de lumière. Ainsi avait opéré ce dentiste en remettant de la lumière dans mes racines. 

Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia

PS : Je joins une dernière photo, prise sur la muraille d’Acre, pour te répondre sur cette liberté si difficilement acquise. Il suffit peut-être tout simplement de se jeter à l’eau, en laissant derrière soi toutes ses peurs. 

Prendre le risque de faire le saut de l’ange.

Photo © Valérie Pavia

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Chère Valérie,

Je ne sais plus qui disait que, dans la vie, il y avait trois grands passages : la naissance, le mariage et la mort. Je t’avoue avoir trop souvent oublié l’importance du deuxième, qui est peut-être le plus essentiel dans nos existences, car nous en sommes le maître. Je ne crois pas être le seul à l’avoir oublié… 

Je préfère d’ailleurs le mot « traversement » à celui d’« engagement ». Traversement : mon correcteur orthographique ne connaît pas, et pourtant il existe bel et bien, je viens de vérifier, c’est un mot ancien. La disparition d’un mot dans une langue est loin d’être anodin, tu ne trouves pas ?

Le sens interdit, le voile de la mariée, ce rayon qui transperce le feuillage, cet ange qui défie le vide… 

Le traversement de la lumière à l’obscurité, de l’obscurité à la lumière, du connu à l’inconnu, de l’inconnu au connu, de l’existence au néant, du néant à l’existence… 

Combien de peurs, combien de croyances, combien de séparations, combien de stratégies tapies au fond de nous font-elles obstacles à tous nos traversements qui nous rendent vivants et humains ? 

Les vois-tu Valérie ? Et que vois-tu en Israël qui puisse nous aider à les surmonter ? 

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Cher Yves, 

Pour te répondre sur le traversement, le passage d’un état vers un autre, je te dirai que c’est la vocation même de l’homme hébreu, plus que du juif. L’hébreu, le mot est ivrit en hébreu, veut dire le passage. 

Le juif est encore trop rattaché à une religion, à des rites ou à des conditionnements alors que l’homme hébreu est simplement celui qui peut passer d’une rive vers une autre, et vivre ainsi une transformation. 

Pour ma part, ce n’est pas tout à fait une transformation que je vis ici, mais plutôt une forme d’accomplissement. 

Mon arrivée à Jérusalem est placée pour le moment sous le signe de la joie, d’une joie profonde que seule l’idée d’un accomplissement à venir peut exprimer. 

Je suis venue rencontrer ces personnes porteuses du projet du Tikkoun Olam, de la réparation universelle. 

Me voici tout en haut de Jérusalem avec ma petite bible de permaculture. 

Je joins à cette lettre également une photo des collines de Judée avec au fond la ville de Bethléem qui apparaît.

Photo © Valérie Pavia
Photo © Valérie Pavia
Photo © Elie Guez
Photo © Elie Guez
Photo © Valérie Pavia

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Chère Valérie, 

Oohh… Je ne connaissais pas la signification du mot hébreu. Il vibre tout à l’intérieur de moi désormais. Je suis né chrétien, mais mon nouveau chemin de vie, fait de tous mes traversements plus ou moins récents, de tous mes passages d’états de peurs inconscientes qui me manipulaient à des états de conscience, de confiance rétablie, de reconnexion à moi-même, à l’autre et au monde réel, il me rend un peu hébreu quelque part, oui.

Je commence à saisir le sens de notre œuvre qui se crée jour après jour au cœur de l’été. Merci à toi de révéler ce si beau chemin en terre bénie d’Israël. 

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À propos des auteurs

Photo Valérie

Photo © Bruno G.

*Née à Montpellier, l’artiste Valérie Pavia a nourri une œuvre conséquente dans les domaines de la vidéo, de la photographie, de la peinture et de l’écriture. Après des études de théologie à Strasbourg, elle a enseigné le grec et l’hébreu dans des associations de langues bibliques. En Israël cet été, elle n’y est pas partie pour y faire son Alya à proprement parler, mais elle arpente la « Terre Sainte » en quête de sens pour sa vie, et peut-être d’un pays où poser ses valises .  

Photo © Valérie Pavia

**Yves Lusson, journaliste scientifique et social pendant plus de vingt ans, se forme depuis une dizaine d’années à la Thérapie sociale auprès de son inventeur, Charles Rojzman. Contributeur régulier de Tribune Juive, il voit dans le voyage de Valérie une occasion de questionner la destinée de cette « terre de Dieu » qui le fascine depuis l’enfance, et tout particulièrement sa vocation à la « réparation du monde » que la tradition juive nomme Tikkoun Olam .

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2 Comments

  1. Quel kitch!!!! Ce monsieur et cette dame vont chercher en ORIENT le repos de leur âme, se prennent de pitié pour les petits chats et se gargarisent de cliches vaguement mystiques.
    Vous êtes généralement d’un MEILLEUR niveau a TJ. Restez-y. La pseudo-poésie ne vous convient pas

    • Chère Francine,
      Merci pour votre commentaire, certes rude mais franc !!
      Nous laissons le mysticisme aux « croyants ». Nous ne faisons qu’exprimer notre rêve de « réparation » que nous confrontons à la réalité qui se présente à nous, quand bien même cette réalité serait parfois miraculeuse.
      Si le kitch est pour vous une certaine nostalgie du passé, alors nous assumons notre côté kitch. Et vous ? Quelle est votre spiritualité ?
      Rendez-vous au chapitre 5,
      Fraternellement
      Valérie et Yves

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