Cisjordanie, l’Autorité Palestinienne ne fait plus vraiment autorité, par Caroline Bright

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, s’est rendu le mercredi 12 juillet à Jénine, ou il a été traité comme un invité de marque; mais certainement pas comme le dirigeant de la Palestine. Mais sur les réseaux sociaux, l’hostilité a été générale.

Le président palestinien Mahmoud Abbas lors d’un hommage aux Palestiniens tués dans une opération militaire israélienne à Jénine, le 12 juillet 2023

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP), s’est rendu à Jenine, ville de Cisjordanie qui concentre d’importantes milices anti-israéliennes, peu après qu’elle ait subi un raid de deux jours de l’armée israélienne.

La visite de M. Abbas a sans doute représenté un test d’autorité. Jenine est en principe administrée par l’Autorité palestinienne et ses rues sont (en théorie encore une fois) sous le contrôle de forces de l’ordre de l’AP. Mais dans la réalité, ces forces de l’ordre ont laissé des milices proches du Hamas, ou du Jihad islamique palestinien, se développer. Et lorsqu’elles deviennent trop meurtrières, c’est l’armée israélienne qui intervient directement.

La brève visite de M. Abbas – largement rapportée comme sa première visite à Jénine depuis plus d’une décennie – était un effort tardif pour reconstruire sa position. Quelques jours auparavant, M. Abbas et ses représentants avaient été hués lors des funérailles des miliciens tuées lors de la dernière opération israélienne.

Ramallah, la place forte

Après être arrivé en hélicoptère vers midi depuis Ramallah, l’une des rares villes de Cisjordanie que M. Abbas contrôle encore, il s’est rendu dans le camp de réfugiés, un bastion militant gravement endommagé par les bulldozers de l’armée israélienne. Ce camp dit de « réfugiés » est en réalité un quartier urbain, construit en dur, mais qui continue d’abriter les familles qui ont fui les combats de 1948 entre le tout jeune Etat d’Israel et cinq armées arabes décidées à le détruire.

« Frères, je veux vous dire que l’Autorité est venue ici pour affirmer son soutien aux habitants du camp de Jénine et aux habitants de la ville de Jénine », a déclaré M. Abbas, debout devant un restaurant gravement endommagé par les combats « L’Autorité palestinienne est une autorité, un État, une loi », a-t-il ajouté.

Ces paroles fortes étaient étayées par un millier de soldats de l’Autorité palestinienne qui ont sécurisé la zone avant le voyage de M. Abbas. Les rues étaient ornées de dizaines de drapeaux du Fatah, le mouvement politique laïc de M. Abbas et ces drapeaux tentaient de masquer tant bien que mal les drapeaux du Hamas et du Jihad islamique palestinien, qui ont arraché le contrôle de la bande de Gaza à M. Abbas en 2007.

Cette visite de M Abbas a démontré tout à la fois sa force – aucun évènement hostile n’a marqué sa visite –, mais aussi sa fragilité. M Abbas a dû emprunter un hélicoptère au gouvernement jordanien et obtenir l’autorisation de l’armée israélienne, qui contrôle l’espace aérien au-dessus de la Cisjordanie.

Les gardes de M. Abbas ont eu du mal à maintenir à distance la foule des curieux

Les milices maitresses du jeu

Pour assurer la sécurité des déplacements de M Abbas, les chefs de la police de l’AP ont dû coopérer avec les milices armées qui règnent en maitres dans le camp. Les miliciens ont ainsi indiqué l’emplacement des explosifs qui piègent les différentes entrées du camp pour éviter qu’ils n’explosent sous les pays de M Abbas.

Les gardes de M. Abbas ont eu du mal à maintenir à distance la foule des curieux et les haut-parleurs transmettant le discours de M. Abbas sont tombés fréquemment en panne. La chaleur écrasante asséchait la gorge du président pendant son discours, le faisant tousser fréquemment et deux policiers se sont évanouis en raison de la chaleur.

Certains propos ont même été applaudis, surtout lorsqu’ils touchaient à la nécessaire unité du peuple palestinien.

Mais sur les réseaux sociaux, la dérision a été générale, surtout lorsque Mahmoud Abbas a lancé un appel à la communauté internationale pour « protéger le peuple palestinien ». Il a déclaré: « Nous sommes battus tous les jours, nous crions tous les jours. Peuples du monde, protégez-nous ! Ne sommes-nous pas des êtres humains ? Même les animaux doivent être protégés. Si vous avez un animal, ne le protégerez-vous pas ? Protégez-nous… »

Les réseaux sociaux flambent

Sa phrase « Protégez-nous » – « Ehmouna » en arabe – a fait flamber les réseaux sociaux.Des vidéos ont commencé à circuler se moquant des paroles d’Abbas. Sur l’une d’elles on voit une femme âgée maudissant Abbas sarcastiquement exigeant qu’il utilise sa police et ses forces de sécurité pour assurer la protection de son peuple au lieu de lancer un appel désespéré à la communauté internationale.

Le Centre palestinien de recherche politique et d’enquête à Ramallah a constaté en septembre dernier que 71% des personnes interrogées étaient insatisfaites d’Abbas et que 74% ont exigé qu’il démissionne. Le Centre a interrogé 1 270 adultes en face à face du 13 au 17 septembre 2022 et le sondage had a margin of error of three points.

M Abbas n’a pas serré des mains et est parti sans s’adresser aux responsables locaux. Moins d’une demi-heure après son départ, les troupes d’élite de M. Abbas avaient disparu. Elles ont été remplacées par les miliciens qui patrouillaient librement dans les rues avec leurs fusils d’assaut.

ENCADRÉ, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne 

Quand des milices sont apparues à Naplouse et Jenine pour mener une guérilla contre des civils et des militaires juifs, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont laissé faire. Quant au tout début du mois de juillet, l’armée d’Israël est rentée dans Jenine pour ramener ces milices à la raison, les forces de sécurité palestiniennes n’ont pas bougé non plus.

A quoi servent ces quelques milliers de soldats nés des Accords d’Oslo ?

Que sont les forces de sécurité palestiniennes ?

Les forces de sécurité palestiniennes sont divisées en plusieurs branches –forces de sécurité nationale, garde présidentielle, sécurité préventive et services de renseignements– qui relèvent du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

Ces forces de sécurité ont été créées en 1994 dans la foulée des Accords d’Oslo. Elles ont représenté un moyen pour Yasser Arafat, leader de l’OLP, de recycler les miliciens du Fatah, le principal mouvement de l’OLP.

Depuis 1994, les forces de sécurité de l’AP ont été en permanence tiraillées entre leur  soutien au président de l’AP et le soutien qu’elles avaient envie d’apporter aux divers mouvements islamistes qui travaillent la population palestinienne. 

Quel soutien les États-Unis ont-ils apporté ?

Après l’anarchie de la deuxième Intifada (2000), les États-Unis et l’Europe ont poussé l’AP à des réformes sécuritaires et anti-corruption.

En 2005, le département d’État a mis en place une coordination pour former les soldats de l’AP et les roder à travailler avec Israël. Mais en 2006, le Hamas a remporté les élections législatives et en 2007, le mouvement islamiste a chassé les soldats de l’AP de la bande de Gaza.

Au plan de la technique militaire, les soldats de l’AP sont parfaitement aguerris, mais ils demeurent tiraillés par leur loyauté clanique envers le président de l’AP et par les sympathies qu’ils éprouvent envers différentes tendances de l’islamisme palestinien.

Abbas a utilisé les forces de sécurité pour assoir son pouvoir, réprimer ses opposants et récompenser les loyalistes. En 2021, le personnel de sécurité de l’Autorité palestinienne a battu à mort le dissident anti-corruption Nizar Banat. Human Rights Watch, a accusé les autorités palestiniennes de « maltraiter et torturer systématiquement les Palestiniens en détention ».

Comment les forces de sécurité palestiniennes interagissent-elles avec Israël ?

En plus de réprimer les dissidences internes, les forces palestiniennes se sont longtemps coordonnées avec Israël : opérations antiterroristes, échange de renseignements….

Dans les années 90, Israël déléguait à l’AP le maintien de l’ordre dans sa zone de compétence, la Cisjordanie. Israël n’intervenait que si les forces palestiniennes échouaient à appréhender les suspects par exemple. Mais cette coopération a mauvaise presse dans l’opinion publique arabe et palestinienne. Si bien que Mahmoud Abbas est régulièrement tenté de rompre avec Israël. Le problème de cette rupture est qu’elle encourage tous ceux qui aspirent  à déstabiliser l’AP.

Quel soutien les forces de sécurité palestiniennes ont-elles en Cisjordanie ?

De nombreux Palestiniens considèrent l’Autorité palestinienne et ses forces comme des collabos d’Israël. En mars, pour la première fois depuis la formation de l’autorité, une majorité de Palestiniens a déclaré que leur effondrement ou leur dissolution était dans leur intérêt, selon le Centre palestinien pour la politique et la recherche par sondage (PCPSR), un institut de sondage basé à Ramallah. En juin, le PCPSR a constaté que 66 % des Palestiniens de Cisjordanie soutenaient la formation de groupes armés échappant au contrôle des forces de sécurité.

Mais les dirigeants palestiniens ne veulent pas de cette forme de chaos. « Si nous abandonnons la coordination sécuritaire, ce sera le chaos ici », a déclaré Abbas aux médias israéliens en 2016. « Il y aura des fusils, des explosions et des militants armés surgiront partout et se précipiteront sur Israël. Sans la coordination, une intifada sanglante éclaterait. »

Au cours de l’opération de Jenine, certains membres des forces de sécurité ont pris les armes contre Israël.

© Caroline Bright

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3 Comments

  1. Conclusion : la majorité des Palestiniens souhaitent la destruction d’Israël. Aucune cohabitation pacifique n’est possible, mais le plus grave selon moi c’est que le Hamas et les islamistes sont soutenus politiquement et médiatiquement (voire financierement) par l’UE, les USA et l’ONU. Est-ce que les Israéliens en sont conscients ? Comment les Israéliens voient-ils les USA et l’Europe ? Il est difficile de s’en rendre compte, vu d’ici.

  2. Deux peuples coincés sur une bande de terre de 60 km de large sont condamnés a cohabiter .
    95% des israeliens l ont compris et admis .
    Pour les arabes , dits  » palestiniens » c est une autre histoire ; un grand nombre d entre eux arrivent certainement a la meme conclusion que nous , mais leurs dirigeants et leurs bailleurs de fonds qatari et européens ont d autres interets que la paix et la coexistence .

  3. Gaza et l’impossible cohabitation avec Israel puisque leur but est la déstruction de l’état d’Israel .Les Juifs de France sont partis en Eretz pour l’insécurité qu’ils ressentaient quotidiennement. Pour rejoindre leur famille .Pour vivre autrement sur leur terre sacrée.

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