
Dans l’actualité récente d’Israël et malgré leur médiatisation, deux évènements majeurs ont donné un éclairage tout particulier du fonctionnement de l’état, sans susciter de réelles réactions sur ledit fonctionnement.
Bien évidemment et en tout premier lieu, il s’agit de cette fameuse réforme judiciaire, réforme clé du programme électoral d’un certain nombre de partis de droite lors de la campagne de l’été 2022, et que les électeurs ont librement validée en permettant la formation d’une coalition confortable au 1er ministre B. Netanyahou, mais qu’une minorité bruyante et activiste conteste dans la rue depuis plus de 6 mois, refusant sa mise en œuvre, et hurlant dans ses cortèges : Démocratia, Démocratia !!, paradoxe qui serait particulièrement risible s’il n’était pas tragique.
Cette opposition brutale et vociférante, refusant la légitimité des urnes, considère que de mettre en application une promesse de campagne validée par la majorité du peuple, serait illégitime, et la considérant contraire à ses propres intérêts, la qualifie d’illibérale et argue qu’elle mettrait en péril l’avenir démocratique du pays.
Traduction: moi, la minorité sachante, j’affirme que je sais mieux que cette majorité ignorante, ce qui est bon pour le pays et ce qui ne l’est pas, et donc ce qu’il faut faire et ne pas faire. Si on en était encore au temps où le niveau éducatif moyen était celui d’une analphabétisation généralisée, on pourrait encore comprendre cette position, mais dans un pays aussi développé qu’Israël, avec un niveau moyen d’études élevé, qui d’ailleurs génère autant d’avancées technologiques, médicales, économiques, on ne peut que réfuter cette position somme toute fort méprisante pour la majorité des habitants du pays ; d’ailleurs, quand on analyse en profondeur les slogans et les arguments des anti-réforme, on se rend compte que les plus analphabètes et les plus manipulés ne sont pas dans le camp majoritaire.
Bref.
Cette actualité quelque peu tumultueuse a quand même eu une vertu salvatrice ; elle a en effet permis de mettre en évidence la réalité et les ressorts profonds qui ont conduit à la nécessité d’une réforme judiciaire, à savoir la prise de pouvoir progressive et dissimulée du judiciaire sur les 2 autres pouvoirs : exécutif et législatif ; en effet, la révolution institutionnelle fomentée et conduite en catimini par des juges nihilistes et avides de pouvoir à la fin des années 90 a conduit à ce que la moindre décision politique, la moindre loi votée, la moindre nomination, la moindre décision locale, militaire, sécuritaire, économique, stratégique, passe sous les fourches caudines du pouvoir judiciaire, qui de plus a mis en œuvre des outils extravagants lui permettant de dérouler son propre agenda politique.
Et on a vu des groupes de pression aussi hétéroclites que des réservistes, des acteurs du monde financier, des « high-techistes », des pilotes militaires, des dirigeants d’entreprises, des policiers, des anciens haut gradés, tous minoritaires dans leur corporation, se lever contre cette réforme, et tenter de convaincre le monde que cette réforme serait antidémocratique et dictatoriale.
Après un moment de sidération, il a fallu réfléchir pour analyser et comprendre le phénomène qui se déroulait sous nos yeux ; et là est apparu au grand jour que tout ce beau monde avait au moins un point commun : ils appartiennent tous à au moins un réseau dont les ramifications diverses (politiques, économiques, administratives,) conduisent toutes à un lien privilégié avec ce pouvoir judiciaire omnipotent.
Et on a compris qu’il a suffi à 2 ou 3 personnes-clés d’appuyer au bon moment sur un bouton pour mobiliser rapidement tout ce beau monde, idéologiquement assez hétéroclite, et qui, sans même comprendre les enjeux réels, a répondu spontanément à des slogans intellectuellement très peu robustes, voire surréalistes, la motivation majeure étant la défense de leur lien privilégié avec les vrais décisionnaires qu’est devenu le pouvoir judiciaire, et donc leur propre avenir individuel, qu’il soit politique, économique ou simplement de positionnement social.
Pire encore, on a appris il y a peu (1) que ces quelques décisionnaires avaient dès la publication des résultats électoraux qui leurs étaient défavorables en novembre 2022 commencé à organiser cette agitation urbaine, médiatique et politique, tout en collectant des fonds aussi bien auprès d’acteurs nationaux, qu’auprès d’officines internationalement connues pour leur activisme politique, déjà en action lors de ces mêmes processus d’agitation urbaine menés par exemple en Ukraine fin 2004, ou en Tunisie et en Egypte début 2011…
On peut donc conclure que toute cette agitation a démarré par la préparation d’un coup d’état, s’est poursuivie par une tentative de révolution urbaine avec il est vrai une certaine bienveillance policière sourde à sa propre tutelle politique, mais que toute cette agitation n’a été possible que par l’existence en sous-main d’une toile d’araignée de pouvoirs et de liens occultes que les anglo-saxons nomment « Deep state » ou État profond.
En d’autres termes, c’est bien le pouvoir judiciaire qui, avec l’aide de cet état profond, est à l’origine de cette tentative de coup d’état, chacun des acteurs ayant son propre agenda, les juges afin de conserver leur pouvoir hégémonique, les politiques pour reprendre le pouvoir qu’ils ont perdu dans les urnes, et les autres acteurs pour conserver leur influence et leurs « privilèges » issus de leur soutien aux juges et aux politiques.
D’ailleurs, il y a une observation qui ne trompe pas et qui conforte cette démonstration: cette tentative de coup d’état avait aussi bien évidemment une coloration internationale puisque les slogans les plus extravagants scandés encore ce jour avaient pour principal but d’attirer l’attention du monde occidental si sourcilleux quand il s’agit de défense de la démocratie, et surtout d’obtenir son soutien massif; or, on a vu d’un côté de l’Atlantique que les dirigeants européens sont restés très largement neutres, malgré un relai massif de presque tous les médias incultes et partisans ; ceci s’explique par le fait qu’une analyse un peu détaillée de cette réforme judiciaire ne résistait pas à la conclusion que contrairement aux slogans urbains, elle allait dans le sens de plus de démocratie et d’une séparation des pouvoirs nécessaire, et qu’elle combattait le gouvernement des juges tant craint par les nations européennes déjà aux prises aux affres des directives de l’Union Européenne dont la légitimité démocratique est très fortement remise en question par une majorité de ses habitants.
Mais on a vu à l’opposé que les USA soutenaient très activement (et probablement financièrement) les anti-réforme israéliens, et ne manquaient pas une occasion pour rappeler à l’ordre les dirigeants de « leur allié privilégié » du Moyen-Orient, lui intimant même parfois l’ordre de mettre fin définitivement à cette réforme ; on peut donc légitimement se demander si les dirigeants américains sont plus stupides que leurs homologues européens pour adopter une telle position si ferme et intrusive ?
La réponse est bien évidemment plus subtile ; rappelons tout d’abord que ce sont les Démocrates qui détiennent actuellement le pouvoir aux USA, démocrates tendance Obama, c’est-à-dire penchant fortement à gauche, et donc soutenant massivement la gauche Lapid- Avoda-Meretz israélienne, celle-là-même qui a fomenté ce coup d’état. Mais surtout cette gauche américaine fonctionne exactement de la même façon chez elle, avec un état profond tentaculaire allant jusqu’au plus profond du FBI et de la CIA qu’on a vu à l’œuvre avant l’élection de D. Trump en 2016 et tout au long de son mandat avec même une tentative de destitution avortée, sur la base d’un dossier monté de toute pièce d’une soi-disant collusion entre lui et la Russie. On a vu aussi ce Deep State mettre en marche sa formidable armada judiciaire durant l’élection de 2020 et les très nombreuses irrégularités qui ont entaché ce scrutin, mettant en doute (aux USA, mais pas en Europe), la sincérité du résultat compte tenu des innombrables fraudes électorales commises par le camp démocrate et constatées par tous. Celui-ci soutient donc naturellement son homologue israélien ; plus encore, un démantèlement de l’état profond israélien grâce à cette réforme judiciaire, donnerait surement des idées et une force supplémentaire aux Républicains américains pour en faire autant chez eux, et bien sûr, là-bas bien plus qu’ici, les potentats en place récusent catégoriquement l’idée de se défaire de leurs avantages, influences et privilèges.
Voilà pour le premier évènement.
L’autre évènement qui a marqué l’actualité israélienne récente est le fiasco annoncé des procédures judiciaires intentées par la justice israélienne à l’encontre B. Netanyahou, qui est poursuivi depuis 2016 sur plusieurs dossiers de présomption de corruption.
Les 2 principaux dossiers nommés « 1000 » et « 4000 » ont vu le procès se dérouler et connaître ces dernières semaines des rebondissements spectaculaires ; le 1er dans lequel le parquet reproche à Bibi d’avoir reçu des cigares et des bouteilles de champagne de la part d’un de ses amis de longue date, a explosé en vol quand ce principal témoin au demeurant milliardaire, a expliqué à la cour qu’il offrait des cadeaux au couple Netanyahou par amitié et ce depuis bien avant qu’il ne soit 1er ministre ; il a d’ailleurs précisé qu’il a continué à le faire quand Bibi est devenu 1er ministre, après avis favorable du Conseiller Juridique du gouvernement, qui est la caméra de surveillance de la Cour Suprême au sein du pouvoir exécutif. Enfin, il a précisé qu’il n’avait jamais obtenu de Bibi le moindre favoritisme pour le développement de ses affaires dans le pays, le Parquet n’ayant d’ailleurs jamais réussi à prouver le contraire ; enfin, devant un parquet accusateur et désarmé qui lui reprochait d’avoir fait durant l’enquête des déclarations moins favorables à Bibi, il a expliqué que durant l’instruction il avait été pressurisé et manipulé par la police (et la justice bien évidemment), pour faire des déclarations défavorables à Bibi. Edifiant.
L’autre procès, nommé dossier « 4000 », est celui dans lequel le Parquet reproche à Bibi d’avoir soudoyé le dirigeant d’un grand média israélien pour avoir une meilleure couverture médiatique. Or, les 3 témoins de l’accusation (le Parquet), ont avoué devant la Cour avoir subi eux et leurs familles des pressions, voire des menaces, de la part de la police et de la justice afin de témoigner contre Bibi ; l’ancien chef de la police au moment de l’instruction a même dévoilé publiquement que la police et la justice avaient monté ce dossier dans le but de faire démissionner Bibi de son poste de 1er ministre (comme l’avait fait Olmert précédemment), et qu’il ne pensait pas que Bibi se battrait avec détermination « contre le système » (sic). Aveu incroyable d’une véritable machination juridico-policière pour renverser un gouvernement élu démocratiquement, plus communément appelée tentative de « coup d’état ».
Enfin, un ancien activiste urbain qui au cours de cette tentative a joué le rôle d’idiot utile de rue a déclaré publiquement qu’il comprenait à présent à quel point il s’était fait manipuler par le trio justice-police-médias pour mener l’agitation urbaine qui avait conduit à la triple mise en examens de Bibi fin 2019, rôle d’idiot utile de rue repris aujourd’hui par S. Bressler. Tous ces témoignages accablants pour la justice et la police ont donc fort logiquement conduit la Présidente de la Cour à conseiller au Parquet d’abandonner les charges pour mettre fin à cette mascarade judiciaire.
En conclusion de cet évènement de l’actualité israélienne, on peut dire là-aussi que police et justice, relayées par des médias complices, ont fomenté et tenté un coup d’état ayant pour but d’éliminer un dirigeant politique d’envergure internationale, élu démocratiquement mais d’un bord politique opposé. On voit que dans ce cas aussi un véritable état profond agit pour contourner les choix du peuple et s’accaparer un pouvoir qu’il ne lui revient pas.
Ces 2 évènements et leur décryptage détaillé conduisent à devoir admettre qu’il y a bien en Israël un « état profond, prêt à toutes les turpitudes pour dérouler son agenda politique, et que les agitations urbaines en cours ont pour seul but de maintenir cet état caché, véritable pouvoir illégitime.
Enfin, il est curieux de constater que les opinions publiques, qu’elles soient en Israël ou à l’étranger, n’aient que peu réagi à la mise en lumière de ces graves dérives anti-démocratiques, il est vrai très courantes outre-atlantique ; c’est pourquoi, seule une réelle et profonde refondation judiciaire pourra redonner au pays une dignité démocratique perdue au profit d’une petite caste oligarchique ethnocentrée avide de ses privilèges, et ainsi redonner à la population confiance en sa justice.
(1) S. Trigano : Du coup d’état au coup monté – TJ, juin 2023
Par Gilles BELLAÏCHE – Israël Is Forever Toulouse