La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible -31-

Judith Bat-Or

L’économie de marché. Pour certains, elle signifie que le client est roi. Le client, étant vous et moi. C’est-à-dire que le marché étudie les besoins et aspirations du « public » pour pourvoir aux premiers et satisfaire les seconds. Ce système permet donc aux uns, les esprits « entreprenants », d’œuvrer au bien commun. Optimal. Idéal. Défendre ce modèle n’est presque plus nécessaire depuis la mise au jour des crimes et autres dérives du modèle socialiste et son effondrement. Le socialisme, affaire classée.

Sauf que… À y regarder de plus près, difficile de nier que le capitalisme – oups, le mot est lâché ! –, avec l’argent comme valeur suprême et la concurrence comme maître du jeu, n’est pas immun, non plus, contre les dérives et les crimes – à moins de tenir, par exemple, le travail des enfants, la spéculation à outrance, l’exploitation de la planète au mépris de tous les dangers, pour des pratiques légitimes.

Cependant, rien ne remplace pour l’instant l’économie de marché. Elle s’impose obstinément comme la seule à convenir aux hommes dans leur nature profonde. Elle sait se vendre. Et c’est la clé. Un jour, une de mes connaissances, qui avait compris le système et y nageait avec aisance, m’avait sur le ton du vieux sage, balancé cette phrase : « Il est plus important de faire savoir que de savoir faire ». La réalité le confirme. 

C’est pourquoi je pense, pour ma part, que dans l’économie de marché, c’est l’image qui est reine. Le client n’étant que la proie. Et les proies, ça s’appâte. Il y a peu, une souris s’est invitée chez moi. J’ai appris grâce à elle les rudiments de la chasse. J’ai créé un besoin, en l’occurrence de chocolat, pour mieux la piéger ensuite. Cette opération spéciale a échoué bien sûr. Je n’ai aucune disposition pour cet art. Qu’importe. Le problème est qu’aujourd’hui la masse de chasseurs est telle qu’ils doivent, pour leur survie, se détacher du lot. Et à cette fin, il leur faut marquer les esprits, quitte à provoquer, voire choquer. En entrant dans ce jeu, chacun fait monter les enchères, en s’aidant des outils à sa disposition, participant à la dérive. Parmi ces outils, le verbe. 

On le voit sur la scène publique, dans les divers médias, où journalistes, people, politiciens rivalisent de formules, abusant de superlatifs, de termes chargés d’histoire, pour capter l’attention, gagner des points d’audimat – information et politique aussi sont des champs d’âpre concurrence –, sans s’inquiéter de détails, comme le sens ou l’exactitude. L’usage des mots ghetto, génocide, rafle, chaos, quotidiennement détournés, galvaudés, en est l’illustration. De même, depuis quelques mois, on entend, en Israël, des adversaires politiques se traiter de terroristes, traîtres, anarchistes, qualifiant leurs actions d’attentats, à ceci ou cela, et brandissant à tort et à travers le spectre de la « guerre civile » et autre « destruction du temple ». Des images fortes. Effrayantes. Marquantes. Et c’est le but. 

Malheureusement, si l’on n’y met pas un terme, ce manque de rigueur, dirais-je « d’honnêteté » ?, intellectuelle ne peut s’arrêter là. Une fois franchi certaines limites, tout semble autorisé. C’est ainsi qu’hier soir, un Juif israélien, figure connue du Likoud, s’est déclaré publiquement « fier que six millions d’ashkénazes aient été brûlés » – le 15 juillet, veille de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv ! Unanimement désavoué par son parti aujourd’hui, il est revenu sur ses propos et s’en est excusé, tentant de justifier son emportement par le stress et la colère. Rien ne peut l’excuser. Si ce n’est que ses paroles sont l’aboutissement logique de la débauche verbale dont les acteurs publics se sont, ensemble, rendus coupables des mois durant. Aboutissement, ou plutôt avertissement : pire encore pourrait advenir. Car ce sont par les mots que naissent les réalités.

© Judith Bat-Or

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