Philippe Guibert. Kundera m’a aidé

© Jean-Pierre Couderc / Roger-Viollet

Il y eut une époque – les années 90 – où je vivais avec les romans de Kundera. Lus et relus pour certains d’entre eux trois ou quatre fois.

Pourquoi a-t-il joué ce rôle pour pas mal de gens de ma génération qui aiment les romans ? Par sa pénétration psychologique certainement, cette façon de raconter une histoire du point de vue de plusieurs personnages, mais plus encore par sa manière de faire du roman un essai de réflexion existentielle, sur fond d’ironie et de rejet de la marche de l’Histoire.

Une tradition du roman qu’on connaissait peu en France, qui le rapproche de Philip Roth, et que lui héritait de Musil, Broch, Cervantes. Et puis c’est Kundera qui nous a fait découvrir et comprendre l’Europe centrale, celle qu’on appelait « Europe de l’Est ». Ces « petites nations » dont l’existence n’est jamais garantie entre les empires.

On dit souvent que ses livres écrits en français étaient moins bons que ses romans « tchèques ». Ils n’avaient pas toujours la même ampleur, mais je connais peu de romans contemporains qui saisissent aussi bien notre époque « occidentale » que « l’immortalité ». Sa défense du roman comme art qui suspend tous les jugements moraux, politiques, religieux reste d’une très forte actualité contre tous ceux qui voudraient réduire la littérature à un catéchisme.

Bref Kundera m’a aidé, nous a aidés à prendre conscience de notre époque comme de la nature de notre existence personnelle. Ce n’est pas donné à beaucoup d’écrivains.

© Philippe Guibert

Ancien directeur du Service d’information du gouvernement, Philippe Guibert,  consultant, enseignant à HEIP et chroniqueur sur CNEWS, est l’auteur de « La tyrannie de la visibilité: Un nouveau culte démocratique », paru chez VA en janvier 2020.

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