La condition des femmes, leur statut, leurs droits (leurs non-droits), la discrimination… Un sujet qui ne tarit pas. Certains s’en plaignent parce que « c’est bon, voilà, on a compris, faudrait voir à pas radoter ». D’autres parce que malheureusement le sujet est brûlant. N’en finit pas de brûler.
Que faudrait-il pour que ça change ? Depuis Olympe de Gouges au moins, les femmes prennent la parole, luttent, revendiquent. Au siècle dernier, les consciences ont semblé s’éveiller. Mais la route est encore longue. Et entre-temps, les femmes meurent, assassinées par leurs partenaires, leurs proches. Ce fut le cas en 2021 de 45 000 femmes dans le monde. Dont 122 en France, un chiffre en hausse de 20 % sur l’année précédente. Israël n’est pas épargnée par ce fléau. Loin s’en faut. En 2022, on a compté en Terre sainte 24 féminicides, le double de l’année précédente, et 200 000 cas de violences contre les femmes. Et en 2023, entre janvier et mars, en trois mois seulement, 17 meurtres de femmes y ont été déplorés.
Que faudra-t-il pour que ça change ? Un miracle ?
Je ne sais pas vous, mais moi, j’adore les histoires de miracles. Même si au fond de mon cœur, je doute de leur véracité, une petite voix en moi veut y croire. Le miracle, c’est quand rien n’y fait, qu’on est bloqué, dans l’impasse, seul face aux éléments – les prix de l’immobilier, le trafic, le chômage, les grèves et les impôts, les paquets qui n’arrivent pas, mercure qui entre en taureau – et que, d’un coup, les murs tombent : le soleil brille, les oiseaux chantent, la lune s’éternise en verseau, les riches se découvrent un cœur et même une conscience – si, si, because le miracle – les politiques, de la jugeote… Ainsi, a-t-on envie de croire, lorsque rien d’autre ne fonctionne, que d’une main forte et d’un bras tendu, le Tout-Puissant interviendra pour résoudre nos problèmes. Espérant ne pas se trouver dans un de ses angles morts. Comme les femmes, apparemment. Sinon comment expliquer son indifférence crasse face aux mauvais traitements qu’elles subissent depuis des siècles.
Pourquoi tant de pessimisme ? J’avoue. La vie est si belle.
Sauf qu’aujourd’hui un article a attiré mon attention. Après avoir été jugé pour tentative d’homicide avec conditions aggravantes, un homme a osé faire appel de sa condamnation. Pour raison psychiatrique. Les circonstances aggravantes ? Le soir de Rosh Hashana, cet homme a brisé les os de sa femme à coups de rouleau à pâtisserie, puis il l’a étranglé et enfin l’a lacérée à coups de couteau de cuisine. Sans l’intervention des voisins alertés par les cris de la victime et son enfant qui, âgé de deux ans, assistait à la scène, cette jeune femme serait morte et son fils orphelin. Mais puisqu’il vous répète qu’il ne voulait pas la tuer !
Ça m’a rappelé un autre cas, au mois de mars celui-là. Encore un époux qui plaidait le meurtre involontaire. Pratiquement par inadvertance. Sa femme avait trente et un ans et trois enfants en bas âge. Après l’avoir étranglée, l’assassin « malgré lui » l’avait achevée à coups de marteau. Pour déclarer ensuite qu’il ne voulait pas la tuer. Lui non plus. Bien sûr que non, voyons. Puisqu’il l’aimait. La preuve qu’il n’a pas fait exprès ? Il l’avait déjà frappée. Plusieurs fois par le passé. Et elle n’en était pas morte. Alors, comment pouvait-il savoir qu’elle ne survivrait pas cette fois ?…
Je me souviens aussi qu’au cours de l’interview d’une amie de la victime le journaliste a demandé : « Mais enfin, s’il la battait, pourquoi est-elle restée ? » Cette question m’avait soufflée. Elle trahissait, entre les lignes, un tel manque de compassion, une telle ignorance de la situation.
Mais comment rendre perceptible à ceux qui ne la connaissent pas la peur qui prend aux tripes lorsqu’on rentre chez soi, et qui colle à la peau jusqu’au départ le lendemain. La peur de tout. Toujours. De dire ce qu’il ne faut pas, d’avoir un geste maladroit, de laisser échapper un sourire au mauvais moment, de réagir trop lentement. Trop vite. Peur de fuir, d’être rattrapée. Peur de tout. Peur toujours. Depuis que la violence domine la relation. Qu’on a perdu le contrôle.
Quand la seule solution proposée à ce jour pour protéger les victimes est de les enfermer, dans des lieux top secrets, tandis que leurs bourreaux se baladent librement. Quand le vote d’une loi qui imposerait le port d’un bracelet électronique aux violents récidivistes a été débouté par peur de « possibles injustices ». Quand, présentée à nouveau aujourd’hui à la Knesset, elle se heurte à des arguments essentiellement économiques, que peut-on espérer encore, si ce n’est un miracle ?
© Judith Bat-Or
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