Yana Grinshpun dénonce les articles du journal Le Monde qui disqualifient selon elle la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler.
“Les journaux parlent de Pasternak. Comme si un tel écrivain existait. Je ne savais rien de lui jusqu’à présent, je n’ai jamais lu ses livres. Mais moi, un constructeur, je n’ai pas le temps de l’écouter. Nous sommes occupés par nos affaires. Non, je n’ai pas lu Pasternak. Mais je sais que la littérature est meilleure sans lui”. (texte publié en russe 1958 par la Gazette littéraire à Leningrad)
Dernièrement, Le Monde manifeste beaucoup d’intérêt pour l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler. Elle est l’auteure du livre Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Prix de la Revue des Deux Mondes) paru en 2023 dont certains médias et universitaires se scandalisent.
Des journalistes du Monde ont même commis plusieurs articles consacrés à la disqualification de la chercheuse du CNRS (Centre national de recherche scientifique), en arrivant à ne pas dire un mot de son livre. Le premier a été publié samedi 10 juin 2023 : “Florence Bergeaud-Blackler, la notoriété sur le tard d’une chercheuse au parcours atypique » et le second lundi 12 juin : « Université : le débat sur l’islam radical est-il possible ?”
La mauvaise foi des journalistes
Les titres des articles suggèrent aux lecteurs la manière dont il faut recevoir le texte. Le premier contient plusieurs sous-entendus : « la notoriété sur le tard » laisse entendre que cela fait longtemps que Florence Bergeaud-Blackler cherche à se faire connaître, ce qui peut s’expliquer par son « parcours atypique ». En gros, une chercheuse vaniteuse qui a enfin réussi à percer. Les deux sous-entendus sont les fruits de la mauvaise foi des journalistes. Car le texte de l’article dément le titre, à l’insu des auteurs.
“Si désormais notoriété il y a, c’est parce que son dernier ouvrage a provoqué une réaction plus qu’hostile de la part de certains milieux universitaires jusqu’à des menaces de mort”
Ceux qui iront jusqu’à sa lecture découvriront que celle qui est nommée par ses initiales FBB a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet de l’islamisation progressive de l’espace public, notamment par le marché halal, que ces ouvrages académiques n’ont suscité ni déferlement d’anathèmes, ni glorification. Si désormais notoriété il y a, c’est parce que son dernier ouvrage a provoqué une réaction plus qu’hostile de la part de certains milieux universitaires et médiatiques jusqu’à des menaces de mort. Et nous savons que dans notre pays, quiconque ose parler de l’islam de manière qui déplaît à certains fidèles n’est pas toujours à l’abri. Les menaces de mort sont bien réelles et ne relèvent pas du pathos victimiste, preuve en est qu’un des auteurs de ces menaces a été arrêté.
Par ailleurs, Florence Bergeaud-Blackler est l’un des premiers anthropologues français sur le terrain, puisqu’elle a commencé ses travaux en 1992 après une courte carrière comme informaticienne dans l’aéronautique. Ce n’est pas une chercheuse de bureau, contrairement à ce que prétendent quelques-uns de ses collègues interrogés par le Monde qui ne s’est pas donné la peine de vérifier ces informations. Fonctionnaire du CNRS, ses écrits sont publiés par les maisons d’édition universitaires en français et en anglais. Elle a donné de nombreuses conférences sur plusieurs continents où elle bénéficie d’une reconnaissance que beaucoup de ses détracteurs envient.
“On apprend aussi qu’elle est venue « tard » au monde de la recherche. Que veut dire ce « tard » ? Faut-il être né, dans ce monde pour en être digne ?“
“Parcours atypique” est vraiment une trouvaille qui suggère qu’elle n’est “pas dans les rails”, qu’elle n’est pas “tout-à-fait” universitaire typique, classique, comme il faut, comme le sont d’autres spécialistes, cités par les journalistes.
On apprend aussi qu’elle est venue “tard” au monde de la recherche. Que veut dire ce « tard » ? Faut-il être né, dans ce monde pour en être digne ? En lisant, on découvre que son « atypisme » est fabriqué de toute pièce, elle a tous les diplômes nécessaires pour sa qualification, le DEA, et le doctorat, mais aussi la HDR (Habilitation à diriger des recherches), ce qui n’est pas le cas de tous ses détracteurs.
On remarquera également que le Monde, si prompt à déplorer l’absence ou le manque de femmes dans de nombreux domaines, ne souligne pas ces atouts incontestables d’une rare femme ayant travaillé sur les problèmes liés aux dangers de l’islamisme et qui a pu pénétrer dans les milieux islamistes féminins très peu étudiés. Voyons les arguments rassemblés par les enquêteurs.
Occultation
Les journalistes du Monde ont contacté Florence Bergeaud-Blackler sur twitter, et contrairement à ce qu’ils disent à la fin de leur article, elle leur a répondu. Ils ont souhaité faire « son profil », (on a presque envie de dire, sa fiche, après tout, elle est fichée chez les Frères, pourquoi pas chez Le Monde). Elle répond qu’elle souhaite parler uniquement de « son livre » (pas de son profil ou de ses difficultés professionnelles). Pourquoi parler d’une polémique autour d’un livre qui n’est même pas présenté aux lecteurs ?
Disqualification méthodique
On attend toujours que les « enquêtes » des journalistes sur les sujets controversés commencent par l’exposition du sujet. Le cas échéant, le livre, ses thèses, ses postulats, sa présentation, son résumé. Cela peut prendre deux paragraphes et c’est utile pour que les disqualifications ad hominem ne crèvent pas les yeux dans ces articles à charge, et ne laissent pas penser à une enquête biaisée. À la place du résumé, le lecteur a droit à une phrase sur la rencontre de FBB avec le ministre, suivie d’une ribambelle de condamnations, d’accusations de proximité avec le pouvoir, de complotisme, de manque de sérieux, d’”idéologisation”, de “médiatisation” et cela, sans aucun argument, aucun exemple, aucune illustration concrète.
Opinion vs scientificité
On lit et on relit les dires des collègues de FBB : “C’est un livre de ses opinions, nous, on fait de la science”. Couplet classique, très en vogue dans les milieux académiques, qui dispense d’une véritable argumentation. “Nous sommes la science” et “vous avez des opinions”. Dans de nombreuses disciplines en sciences humaines, dès que les idées dominantes sont mises en cause, les critiques sont directement renvoyées au domaine des opinions, du vulgaire. “Vous parlez des Frères Musulmans ? C’est que vous êtes complotiste, cherchant à conseiller le prince. Vous n’en savez que ce que vous lisez dans les médias, nous, en revanche, on sait tout, on est de vrais scientifiques”.
“Sur quoi est fondée la scientificité d’un Vincent Geisser que l’on voit presque chaque année depuis deux décennies à la tribune des Frères musulmans au congrès du Bourget”
Mais sur quoi est fondée la scientificité d’un Vincent Geisser que l’on voit presque chaque année depuis deux décennies à la tribune des Frères musulmans au congrès du Bourget, et qui n’hésite pas à comparer la persécution des juifs avec l’imaginaire persécution des musulmans. Comment prendre au sérieux un Ariel Planeix pour qui la scientificité consiste à fréquenter les bonnes personnes ? Le fait de “se mettre en cheville avec Gilles Keppel et Bernard Rougier” affaiblirait, selon lui, la valeur scientifique des travaux de FBB.
Le même affirme qu’elle “ne respecte aucune des règles fondamentales de la recherche anthropologique” comme le ferait un grand professeur expliquant avec dédain à un jeune thésard qu’il n’est pas apte à être qualifié dans le domaine. Et d’ajouter, que FBB travaille plus avec la documentation et qu’elle n’est donc pas anthropologue, mais sociologue. Il ne sait pas que FBB formée à l’anthropologie a soutenu une thèse de sociologie mention anthropologie, car en 1999 le doctorat d’anthropologie avait été placé à l’Université de Bordeaux sous la tutelle de l’école doctorale de sociologie. Ariel Planeix, chargé de cours à Paris I, se garde bien de donner ne fût-ce qu’un exemple de l’enfreinte au protocole anthropologique par Florence Bergeaud-Blackler.
Que dire de la scientificité d’un Haoues Seniguer qui se demande “Où est la valeur scientifique de l’ouvrage de la chercheuse ?” après avoir fait l’éloge de lui-même, et après avoir été tancé par l’anthropologue qui répondait à un article furibond qu’il a publié dans la revue Mizane et à sa contribution dans un article de Libération à charge contre FBB. Il écrit : “Je fais justement ce que notre collègue, visiblement, ne fait pas ou plus : rencontrer les acteurs sociaux sur le terrain, et pratiquer l’observation participante, parmi d’autres méthodes sociologiques requises pour recueillir la parole des enquêtés, la restituer en la contextualisant, en l’interprétant qui plus est à l’aune de leurs itinéraires individuel et collectif, et de leur capital social”.
Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, Florence Bergeaud-Blackler, Odile
Jacob, 25 janvier 2023, 416 p., 24,90 €
Est-ce le travail forcené sur le terrain qui l’a empêché de lire le chapitre IX du livre de FBB “Sœurs musulmanes”, consacré aux enquêtes et à leur dépouillement, analyse, restitution du contexte etc. : “Nous avons choisi pour étudier cette demande de halal la méthode de focus groups, un dispositif d’enquête ciblé consistant à rassembler des enquêtés, à lancer une discussion sur un thème donné (focus) et ensuite à laisser la dynamique de discussion (du groupe) se poursuivre, en intervenant le moins possible”. La suite est le travail d’enquête (p. 292-304, 308-315).
Florence Bergeaud-Blackler avait prévenu des difficultés qu’elle a su elle-même dépasser, elle écrit p. 191: “enquêter dans les milieux musulmans demande beaucoup d’habileté, en raison des nombreux gatekeepers qui surveillent la communauté musulmane et prétendent s’exprimer en son nom. L’enquêteur le sait, l’islam est un sujet médiatique clivant, et il est difficile de ne pas être identifié comme une chercheur ami versus ennemi”
“Certains milieux”, “certaines forces politiques”, idéologisation
Ah qu’ils sont pudiques, ces chercheurs “tranquilles” et “sérieux”, et qu’ils veillent au choix de leurs mots! Proches de “certains milieux”, disent-ils à propos de FBB, Kepel et Rougier. Qu’entend-on par cet euphémisme et pourquoi ne précise-t-on pas lesquels ? Parce que dans le monde universitaire, si vous analysez le champ islamique vous êtes suspect d’être le suppôt de l’extrémité de l’extrême droite, dont on ne prononce même pas le nom, car il s’agit du Malin. C’est justement en glissant les expressions à contours sémantiques flous, provocant la connivence des “sachants” qu’on contribue à discréditer FBB.
Mais qu’ils se détrompent, FBB n’a pas le certificat de RN, ni de Reconquête, elle n’est membre d’aucun parti, ni d’aucune association. Si elle s’engage c’est, comme elle le dit, car elle est soucieuse des conditions de possibilité de la science. Si l’islamisation de la connaissance continue, des chercheurs comme FBB ne pourront plus exister. “L’idéologisation” supposée de FBB, de Kepel, de Rougier etc. est mise en abîme par la supposée neutralité des autres, “impartiaux” et “sérieux”.
“On remarquera que l’idéologisation va toujours vers la droite (‘Cnewisation’). Mais jamais vers la gauche. On ne parle pas de la ‘Médiapartisation’ de Vincent Geisser ou de François Burgat”
On remarquera que l’idéologisation va toujours vers la droite (“Cnewisation”). Mais jamais vers la gauche. On ne parle pas de la “Médiapartisation” de Vincent Geisser ou de François Burgat, ou de la “Lemondisation” de Haoues Seniguer, ou encore de la “Liberationisation” d’Omeru Marongiu-Perria.
Ce qui n’est pas soutenu par “la gauche” universitaire, est forcément idéologique, partial, relève de l’opinion et ne respecte pas le protocole scientifique. Et le Monde de citer le très scientifique et neutre François Burgat, qui s’interroge sur twitter, dans la phrase introductrice sur son profil s’il faut lire le Coran pour comprendre la “résistance” du Hamas. La “résistance” qui, comme on sait, consiste à lancer des roquettes, à creuser des tunnels, à employer des enfants pour ces travaux, mais aussi à tuer les Juifs. C’est donc ça, la science de M. Burgat ?
Leçons de conduite exemplaire, projections diverses
Une chercheuse interrogée par Le Monde explique qu’elle ne signe aucune tribune pour ne pas “politiser” la recherche, qui se “politise” sans lui appartenir. Louable neutralité citée en guise de leçons sur le comportement à avoir lorsqu’on est intellectuel. On peut ne pas signer des tribunes ou les signer tout en étant chercheur intéressant et utile à la société, engagé, tant par son travail que par son engagement citoyen. Raymond Aron ne fut-il pas philosophe et journaliste ? Et Bourdieu donc !
“Résumons les articles du Monde, le débat sur l’islam est possible, à condition que cela se fasse sans Florence Bergeaud-Blackler, Gilles Kepel et autres empêcheurs de tourner en rond”
On trouve dans les doléances des chercheurs convoqués par Le Monde également des appels moraux hypocrites, si typique du clergé universitaire. “Nous devons nous faire juger par les pairs” ! Merci, chers collègues, de le rappeler. Gilles Kepel, qui a écrit la préface du livre de Florence Bergeaud-Blackler, n’est pas suffisamment halal comme pair pour ces donneurs de leçons ? Bernard Rougier est-il un charlatan auto-proclamé ? Rémi Brague est-il un faiseur d’opinions ? À entendre ces personnes qui travaillent “vraiment” sur l’islam dans l’atmosphère paisible des cabinets universitaires, tel est le cas.
Résumons les articles du Monde, le débat sur l’islam (radical ou pas) est possible, à condition que cela se fasse sans Florence Bergeaud-Blackler, Gilles Kepel et autres empêcheurs de tourner en rond.
© Yana Grinshpun
L IMMONDE , fidele a lui meme : la voix du quai d orsay et des milieux financiers mouillés avec les dictatures arabes , l organe principal d Eurabia
H. Bénichou
Cet article d’Ayad et Boulezzane est plutôt assez ignoble. Je ne connais pas le travail de cette chercheuse, sans doute critiquable, et l’on aurait du s’attendre à une enquête sur le fond de ses propos. Au lieu de cela nous avons une enquête (instruction) à charge ad hominem, non pour mettre en cause l’enquête de FBB, mais pour disqualifier cette chercheuse. C’est un procédé digne de l’inquisition ou des procès staliniens ou ne jugeaient pas des faits mais des personnes dont il fallait se débarrasser. Cette manière n’est pas digne d’un journal dit de référence qui se joint ainsi à la meute pour une curée médiatique, dans un premier. Ce n’est pas la première fois que je note une manière de faire indigne. Il n’y a pas longtemps on pu lire soous la plume de L Imbert que ,l’attaque réussie contre 3 commandants de Dj Isl. qui organisait le bombardement d’Israel relevait d’une “exécution extra- judiciaire” (un assassinat) mais pas le fait de tirer des rockets sur ce pays, comme si il n’y avait pas de guerre entre ces parties. Cela s’ajoute à d’autres incident. En tout cas vous avez bien raison de suivre les choses aussi attentivement et linguistiquement. cordialement
” Le Monde ” , un journal qui a toujours été considéré comme rigoureux, exigeant mais qui depuis plusieurs années s’en prend à Israël et à son peuple. Cette mauvaise foi est bien sûr suspecte
“Qui a toujours été comme considéré comme rigoureux”… par les fascistes et les ignorants ?
L’immonde est précisément un parfait exemple de novlangue orwellienne à l’état pur :
La guerre c’est la paix
La liberté c’est l’esclavage
L’ignorance c’est la force
2+2=5
L’un des ou trois pires symboles de la désinformation dans les médias français eux-mêmes parmi les pires au monde en matière de désinformation… Sur absolument TOUS les sujets !
Que Le Monde soit raciste, antisémite et pro islamiste à l’instar de très nombreux universitaires est on ne peut plus notoire : en tout cas personne sur ce site ne devrait l’ignorer.
La réputation de “sérieux” du Monde ou du Point, de France 5, France Inter ou Arte…Autant d’exemples de l’inculture totale régnantbdans la France contemporaine comme aux États-Unis.
Le point le plus important selon moi, c’est que cette ignorance doublée de fanatisme semble encore plus toucher la bourgeoisie : milieux diplômés et financièrement aisés. Étant moi-même issu de ce milieu (je n’en suis pas fier), je parle en connaissance de cause. Et je confirme que les lecteurs du Monde, en plus d’être bêtes, sont antisémites ou dans le moins pire des cas très perméables au discours antisémite (puisque ces abrutis considèrent Le Monde comme un journal de référence !).
Jetez un coup d’œil sur les pages forums de la chaîne YouTube Le Monde : la moutonnerie et la bêtise du public “mondiste” éclatent dans la plupart des commentaires.
“Les titres des articles suggèrent aux lecteurs la manière dont il faut recevoir le texte. Le premier contient plusieurs sous-entendus : « la notoriété sur le tard » laisse entendre que cela fait longtemps que Florence Bergeaud-Blackler cherche à se faire connaître, ce qui peut s’expliquer par son « parcours atypique ». Cela démontre que le journal Le Monde, pro-immigrationniste, est inculte et ne connaît pas le monde de la recherche qui est un monde à part. Le monde de la recherche n’est pas un monde de la vulgarisation. Les chercheurs publient les résultats de leurs travaux, principalement en anglais, dans des revues spécialisées qui ne sont pas à la portée du grand public. Et qui, de surcroît sont chères et vendues uniquement par abonnements. Donc il est tout à fait normal que le public, vous et moi, ignorions cette femme et ses travaux. Le terme “atypique” (pour disqualifier une personne?) dans le monde scientifique n’est pas péjoratif. C’est le contraire, la personne trop “typique” qui le serait. Tous les chercheurs, et je connais un peu ce milieu, sont atypiques. Le journal Le Monde, qui se prétend de référence, neutre et impartial, est un journal pro-turc, militant pour l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne et, comme par hasard, c’est une entreprise turque qui a construit son dernier siège social. Hasard ou renvoie d’ascenseur? Ces dernières années, beaucoup de chercheurs sortent de leur tour d’ivoire et publient “sur le tard”. Donc FBB est tout à fait dans la norme.