François Bernault. « Règlement écrit en langue woke : le courage d’un tribunal »

Écriture inclusive sur une plaque commémorative de Paris. Photo © @GpeChangerParis/Twitter


Quand un tribunal interdit l’écriture inclusive pratiquée par une instance universitaire, celle-ci trouve un renfort dans la personne de la ministre. Le vainqueur du combat qui s’annonce a le sort de l’alphabet entre ses mains.

Un tribunal, le Tribunal administratif de Grenoble, avait décidé, par une décision du 14 mars 2023, d’annuler un règlement d’université de l’Université de Grenoble écrit en écriture inclusive, et pour le motif précisément qu’il était rédigé dans ce sabir. On notera que c’est ce même tribunal qui avait audacieusement suspendu un règlement de piscine spécialement modifié pour autoriser le burkini dans les piscines municipales de Grenoble.

On peut se féliciter de cette décision, pour trois raisons. Les deux premières raisons ont déjà été soulignées : en premier lieu, ce jugement met fin à une erreur scientifique et à une illégalité flagrante. Les wokistes confondent langue technique et langage courant ; la ponctuation et les signes de genre appartiennent à la langue courante et aucune technicité n’impose, et donc ne permet, de rédiger un règlement s’adressant à une généralité d’étudiants en modifiant les règles de grammaire et de syntaxe en usage. L’écriture inclusive méconnaît l’avis du 26 octobre 2017 de l’Académie française, qui représente tout de même l’expert suprême en la matière, qui la proscrivait. Son emploi viole la Constitution, qui impose comme langue officielle le français, et non des sabirs trafiqués à partir de notre langue.

En second lieu, ce jugement met fin à ce qui risque d’être un recul démocratique : les wokistes créent une langue qui ne peut être comprise et pratiquée que dans des milieux politisés restreints, et qui relève donc en réalité d’une pratique d’exclusion et non d’inclusion.

Mais il faut bien se rendre compte, en troisième lieu, et c’est le plus important, que les wokistes reviennent sur le principe même de l’alphabet, qui est de pouvoir exprimer toutes les idées par des signes simples et peu nombreux. Avec eux, l’écriture devient l’image de l’idée. On institue une langue hiéroglyphique : on ne dit pas la vérité, ou ce qu’on pense être la vérité, on la montre par une image ; le « .x » ne se lit pas, il se voit. Mais par une image qui ne permet pas d’exprimer l’idée contraire. C’est l’équivalent du cartouche entourant le nom des Pharaons sous l’Égypte préromaine, ou de l’image zigzagante du serpent qui donne une idée visuelle du reptile.
L’université de Grenoble contraint les étudiants et les chercheurs à utiliser une langue qui efface radicalement cette distinction de la graphie et du vocabulaire, et qui donc interdit de penser cette distinction.

Le communisme avait déjà créé la novlangue d’Orwell qui donne à tout le vocabulaire politique, social, sociétal, une signification nouvelle en orientant la pensée vers une vision déterminée et faussée de la vie. Mais cette fois la structure de la nouvelle syntaxe interdit de penser une signification autre que celle du wokeur ; donc elle interdit de penser tout court. On crée un nouveau type de langage, à mi-chemin entre le hiéroglyphe et l’alphabet, comme dans l’Égypte ancienne ; de même que le cartouche montre à la fois le Pharaon et sa grandeur, sans possibilité de détacher la grandeur du Pharaon de l’écriture de son nom, de même le «. x » affiche la neutralité et l’absence de genre sans qu’on puisse exprimer une idée différente. On force le locuteur de la nouvelle langue à croire en l’absence de genre.


Contrairement à ce qu’a défendu la ministre des Universités, Sylvie Retailleau, dans une interview donnée au Figaro le 25 mai 2023, cela nous transporte bien au-delà des limites des libertés universitaires. On ne se trouve pas dans un cadre de recherche sur l’existence des genres ou sur les moyens linguistiques de faire disparaître la distinction des genres, ce qui serait d’ailleurs déjà très tendancieux. L’université de Grenoble contraint les étudiants et les chercheurs à utiliser une langue qui efface radicalement cette distinction de la graphie et du vocabulaire, et qui donc interdit de penser cette distinction. L’université de Grenoble pratique donc une correction alphabétique de grande ampleur qui revient sur l’idéal de simplicité, de commodité et de neutralité des moyens d’expression que représente l’invention de l’alphabet.

Si l’on songe que l’alphabet tel que nous le connaissons a été inventé par les Phéniciens treize siècles avant notre ère, on mesure le recul civilisationnel, après le recul démocratique et civique, imposé par le wokisme. On est tombé dans l’analphabétisme au sens propre. Et il faut bien avoir présent à l’esprit que tout cela n’est même pas imposé par la nécessité de défendre les idées du wokisme. On peut défendre l’égalité femme/homme et l’existence et la dignité d’une sexualité homo ou trans sans modifier notre langue. Nous utilisons toujours la magnifique langue de Molière pour exprimer des idées qui ne pouvaient avoir cours au XVIIe siècle.

Les tribunaux administratifs sont divergents sur cette question : le tribunal administratif de Paris a admis, en traitant ce problème, comme un simple choix de graphie, les plaques officielles apposées récemment en langue woke par la mairie de Paris. On doit espérer que le Conseil d’État, qui sera inévitablement saisi, transformera en jurisprudence, en la confirmant, la décision courageuse du Tribunal administratif de Grenoble.

© François Bernault

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1 Comment

  1. Désormais il faut être courageux pour refuser l’ écriture inclusive et donc écrire en français.
    Il faut aussi être courageux pour dire qu’ un homme est un homme et une femme une femme.

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