Tribune Juive

Michel Dray. L’Institut du Monde Arabe expose la Palestine sur le mode  Göring  

Jack Lang, l’IMA-movible

Dans un article publié le 5 février dernier dans ces mêmes colonnes de Tribune et intitulé « IMA, un ministère des Affaires Arabes ? » j’avais misé sur l’éjection de Jack Lang de son fauteuil de président de l’IMA au profit de Jean-Yves Le Drian. Comme beaucoup, je pensais que notre fana du « street art » allait céder la place au Breton accro du bagad du Lann-Bihoué (1).

Mais que nenni ! Notre chantre de la Techno sur le retour, malgré ses 83 ans bien sonnés, s’accroche désespérément à son siège de président de l’Institut du Monde Arabe et … à ses 9000 euros de salaire mensuel. Que n’aurait-il gagné à se retirer des affaires publiques ! Son bilan culturel est loin d’être négatif au point que même des hommes de droite le comparent au très-gaulliste André Malraux (2). Mais, au lieu de se grandir en cultivant cette vertu qu’on nomme humilité, il ne cesse de se rapetisser en s’imaginant indispensable en toute chose et en tout lieu. Aurait-il oublié que les cimetières sont remplis d’hommes indispensables ? 

Or donc, notre éminent docteur es World Culture, l’écharpe haute-couture jetée sur l’épaule, le regard très « force tranquille » et le verbe on ne peut plus germanopratin, remet une couche en s’incrustant sans vergogne dans le paysage public. Le problème, c’est qu’on l’a un peu oublié, notre Jack national ! Et pour cet homme grand dragueur de micro devant l’Éternel, ce désintéressement médiatique est proprement insupportable. Aussi, pour rester dans la lumière des projos, notre papy de l’électro a-t-il décidé d’organiser à partir du 30 mai une exposition à l’Institut du Monde Arabe intitulée « Ce que la Palestine nous apporte ». Si j’avais envie d’être vulgaire, je dirais qu’elle nous apporte pas mal d’emmerdements, mais comme je n’ai pas envie de l’être, j’affirme le plus sérieusement du monde qu’elle nous apporte mensonges à la Pinocchio et propagande à la Göring.

Quand le double langage rime avec lynchage

Finie l’ironie fût-elle incisive et abordons la chose sous une angle plus sérieux. Force est de constater que l’Institut du Monde Arabe se pare depuis sa création d’une formidable constance. A aucun moment, l’IMA a, d’une façon ou d’une autre, reconnu l’Etat d’Israël. Pour preuve sa vision cartographique du Moyen-Orient qui se caractérise par une absence totale de l’Etat d’Israël baptisé Palestine par les responsables de la rue du Fossé St Bernard, siège de l’Institut. De ce fait, une exposition qui n’évoque Israël que pour l’accuser de colonialiste et d’usurpateur de terre est, somme toute, dans la logique des choses.

Cependant, l’IMA est en France. Il bénéficie d’un budget de 18 millions d’euros dont une grande partie est prise dans la poche du contribuable, et ce sans la moindre contre-partie puisqu’il n’existe pas dans ce « cher monde arabe » d’institut du Monde judéo-chrétien. On se souvient qu’Elisabeth Borne avait choisi de présenter son plan contre l’antisémitisme à l’IMA. Autant parler de la Bête immonde là où elle est la mieux apprivoisée. Cette façon de jouer avec les mots, cette manière sournoise d’insinuer dans les cerveaux une situation volontairement ambigüe, voilà ce qui restera chez les visiteurs, surtout si ce sont des enfants (des visites scolaires sont d’ores et déjà prévues).

Soyons certains qu’à l’Institut du Monde Arabe, double-langage rimera toujours avec lynchage.  

  

Ce que cette exposition apporte au monde ? L’hypocrisie tout simplement

Depuis 2016 l’IMA abrite la collection du futur Musée National d’art contemporain de Palestine. Gaza est pressentie comme ville d’accueil de ce musée national. Or, à ce jour, rien n’est fait.  Alors, qu’est-ce qui empêche ce musée de voir le jour à Gaza alors qu’à Abu Dhabi il existe une luxueuse succursale du Louvre ?  L’argent ?  Pas vraiment. Ce qui fait obstacle à l’instauration de ce musée, ce sont les islamistes qui, comme on le sait, n’aiment ni les peintres ni les comédiens et encore moins les musiciens. Pour faire court, disons que la plus grande hypocrisie de cette exposition réside précisément dans ce qu’elle ne dit pas. Les organisateurs affirment que la Palestine regorge d’artistes et de créateurs talentueux qu’il importe de faire connaître au public occidental. Ils ont raison. A la différence près que ces créateurs fuient Gaza (quand ils le peuvent) pour ne pas se faire égorger. Ce que cette exposition apporte au monde ce n’est pas le talent de ces artistes mais leur silence assourdissant tant les islamistes règnent en maîtres. Petit problème déontologique : je doute fort que cette préoccupation soit au cœur des organisateurs. 

Jean Genet, le remplisseur de valise (3)

Jean Genet fait partie de l’histoire de la littérature du XXème siècle. C’est un fait, comme Céline ou comme Drieu La Rochelle. Cela n’empêche ni la lâcheté ni la haine. Aussi étrangement que cela paraisse de la part d’Arabes pour qui l’homosexualité est passible de mort, Genet, dont sait l’orientation sexuelle, fait partie de cette exposition, sans doute parce qu’il a toujours soutenu les terroristes de Septembre Noir, comme il s’était pris d’admiration pour les nazis: « On me dit que l’officier allemand qui commanda le massacre d’Oradour avait un visage assez doux, plutôt sympathique. Il a fait ce qu’il a pu — beaucoup — pour la poésie. Il a bien mérité d’elle […] J’aime et respecte cet officier »(4), écrit-il. Comme dit ma concierge (polyglotte) : no comment. Genet a été résolument aux côtés des Palestiniens les plus durs contre Israël et par ricochet contre les Juifs de diaspora. Sartre l’a admiré. Foucault l’a encensé. 

Que cet homme aux sombres facettes soit intégré dans cette exposition, c’est rendre justice quelque part à Mahmoud Abbas qui voilà quelques années rédigea une thèse universitaire parfaitement négationniste. Il a beau la récuser aujourd’hui, il n’empêche : les écrit restent… Mais ce qui est plus navrant sans doute c’est le silence de Jack Lang sur cet admirateur de SS. A-t-il oublié son père, juif vosgien, et sa mère catholique, franc-maçonne et résistante, gazée en mars 1945 à Ravensbrück ? Et, comme si tout cela ne suffisait pas, l’épouse de l’ancien ministre de la Culture, issue d’une famille juive lithuanienne, doit, dans le silence de sa conscience, se demander si chez son mari mémoire ne rimerait pas, hélas, avec déchoir. 

L’islamo-gauchisme aux premières loges

Cette exposition va donner à l’islamo-gauchisme une crédibilité supplémentaire comme si celle de l’université ne suffisait pas, sans oublier l’approbation des étudiants qui, comme les décérébrés d’Orwell, applaudiront, mains au-dessus de la tête. L’islamo-gauchisme, contrairement à certaines idées reçues, n’est pas une bouillie idéologique de plus, mais bel et bien un phénomène quasi psychanalytique où l’occidental tue le père, c’est-à-dire ses propres racines judéo-chrétiennes. La recette est simple comme une infusion d’arsenic. Gageons que cette exposition ne sera pas boycottée par les étudiants de Sciences-Po ou par les potaches de la Sorbonne. Mieux, ils pousseront à la roue pour que les mouflets d’aujourd’hui (les moutons de demain) aillent voir cette magnifique manifestation de la « culture et de l’intelligence »(5).

Jugez par vous-même en lisant ce que les organisateurs écrivent pour définir les objectifs de cette exposition: « Les choix des œuvres exposées dans la diversité des courants allant de l’informel à l’hyperréalisme opère une rencontre de questionnements communs aux artistes et à leur futur public : qui veut dire être humain, dans son corps et son identité, et que signifie vivre, pour soi et avec ou parmi les autres » 

Entre nous je n’ai rien compris. Et vous ? 

© Michel Dray


Notes 


https://www.tribunejuive.info/2023/02/05/lima-un-ministere-des-affaires-arabes-faire-croire-aux-gens-que-cest-un-lie


Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée.


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