Karim Akouche. Le demi journaliste

Karim Akouche

Il ne rase pas les murs, il emprunte les couloirs dorés du pouvoir, il fréquente les salons de ses maîtres. Qui est-il ?

Il est mi-bourge mi-bougre, tantôt cravaté, tantôt bohème, son encre coule dans le sens de l’opportunisme. Qui est-il ? 

Il affectionne le « renvoi d’ascenseur » ; il écrit sur commande, pour un pot-de-vin, un repas, un costume ou une montre. Qui est-il ? Il ne nomme pas les choses, il tergiverse, il n’aime pas blesser, il veut séduire. Qui est-il ?

Il ne connaît des grands philosophes et des poètes que les noms ; paresseux, il glane les informations sur la toile et encombre ses textes de citations approximatives. Qui est-il ?

Il est un « homme sans qualité », il confond art et quantité, écrire bien et bien écrire, émotion et intelligence, cœur et raison, être et avoir, vérité et mensonge. Qui est-il ?

Il a peur de son ombre, redoute la lumière, préfère le clair-obscur et la diversion. Qui est-il ?

Il va dans le sens du vent, il n’aime pas les vagues ; discipliné, il ne se détache jamais du troupeau, il suit ses chefs. Qui est-il ?

Il ne creuse pas les sujets, il reste à la surface, il ne fait pas d’enquêtes ; imbu de ses fausses certitudes, il ne cherche pas, il ne veut pas trouver, il ne propose que du recyclé, du déjà lu et du fade. Qui est-il ?

Il n’a ni style, ni musique, ni voix, ni souffle, il rabâche des poncifs. Qui est-il ?

Il ne prend jamais de risque, il fuit les sujets sensibles, il s’abreuve à l’eau de jasmin et à « la moraline ». Qui est-il ?

Il ne pense pas par lui-même, il répète la leçon de ses maîtres, il évite les débats francs. Qui est-il ?

Il ne porte pas la plume dans la plaie, il se contente de maquiller les blessures. Qui est-il ?

Si par hasard il se fâche, il n’attaque jamais les tyrans mais ceux qui les combattent, jamais les puissants, toujours les faibles. Qui est-il ?

Il n’est ni le fils caché de Camus, ni l’enfant illégitime de Politkovskaïa, encore moins le descendant de Mekbel.

Il n’a ni principe, ni courage, ni éthique, il n’a que des intérêts : c’est un demi-journaliste. 

© Karim Akouche 

Poète, romancier, dramaturge et chroniqueur québécois d’origine kabyle, Karim Akouche vit au Québec depuis 2008.

L’auteur de « La musique déréglée du monde », « La Religion de ma mère », « Allah au pays des enfants perdus », « Lettre à un soldat d’Allah – Chroniques d’un monde désorienté » est Chroniqueur au « Huffington Post » et collaborateur à plusieurs journaux, dont « Marianne », « La Croix », « Jeune Afrique », « Le Devoir », « La Presse », « Le Journal de Montréal », « El Watan ».

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