Very unpopular opinion. Par Nour El Houda Bey

Nour El Houda Bey

La Tunisie n’est pas du tout une terre de tolérance ou de cohabitation ou de coexistence. La Tunisie est un bout de Méditerranée peuplé par des esprits obtus et un taux de bêtise incroyable. Dans la tendance générale (car les exceptions existent mais elle ne représentent qu’une minorité minoritaire), nous sommes profondément racistes et surtout farouchement antisémites. Cela ressort dans nos expressions banales du genre « ch7am yhoud » ou la simple manière de qualifier de « yhoud » les personnes que nous estimons méchantes ou malveillantes. Ces métaphores antisémites sont aussi dans les chansons de foot, par exemple. En Tunisie, tu peux avoir, au calme, tout un virage en train de chanter un truc ouvertement antisémite au vu et au su de tout le monde sans que personne ne s’arrête pour dire que, bordel, ce n’est juste pas normal.

Par ailleurs, la tolérance suppose un élément extérieur à notre identité. Or, ces Juifs ne sont pas « externes » à ce pays; c’est tout simplement le leur. Donc, désolée les petits privilégiés de la Marsa (dont je fais partie), vos phrases sur la tolérance et la paix à deux balles, ça va deux minutes. C’en est ridicule… ça fait un peu « Je ne suis pas raciste, j’ai un ami juif … »

La tendance qu’on a à s’approprier le conflit israélo-palestinien pour déverser une haine structurelle pour tout ce qui a trait au judaïsme est terrifiante. On peut mettre de la nuance et ne pas cautionner, dénoncer ou boycotter et détester Israël et sa politique sans pour autant renier l’existence de toute une population (la population judéo-tunisienne) ou toute une communauté dans son pays (enfin, ce qu’il en reste ; les deux d’ailleurs, et la communauté, et le pays).

Dans le discours général, on peut avoir tendance à dire « ken may9oulech esmou mayodh’horch ihoudi yodh’hor tounsi norma » ou encore « yestkalmou kifna to hatta el mekla ytaybou kifna ». C’est tristement banal mais c’est une manière de rendre ordinaire l’antisémitisme édulcoré à la tunisienne. Yodh’hor tounsi, euuuh… aala khatrou tounsi mathalan ? Depuis la nuit des temps peut-être ? Parce que t’appeler Mohamed Youssef Ben Salah ne te donne pas plus de tunisianité qu’un David Bellaich. Parce que David Bellaich est tout aussi tunisien.

Et surtout, spoiler alert, être de confession musulmane ne donne pas de monopole identitaire contrairement à ce que l’on croit. Il ne faut pas oublier que beaucoup de Juifs sont des autochtones de ce bled et que les arabes et les musulmans ottomans font partie des tous derniers arrivés, akeli vraiment lberah fellayem. Donc on va peut être se calmer un peu.

Les posts lyriques à l’eau de rose du genre « Je pleure ma Tunisie plurielle avec des petites phrases en hébreu » c’est très mignon; tout comme les réels Instagram qui montrent que le pèlerinage de la Ghriba est une très belle festivité. Mais cela ne résout aucunement le problème. Tout au plus est-ce une manière de se redorer le blason sur les réseaux sociaux (à considérer qu’il ait été un jour doré).

Remettons les événements en perspective : 1985-2002-2023 cela fait moins de vingt ans entre chaque attentat. Qu’avons-nous fait pour éviter cela ? Des deux côtés d’ailleurs !

Il serait peut-être temps d’éduquer les esprits et d’expliquer aux plus jeunes que l’on a construit un pays d’une certaine manière et puis qu’on a poussé des gens à partir de LEUR PAYS, que l’on s’efforce collectivement à gommer un pan de notre identité au nom d‘un panarabisme qui ne veut même pas de nous, que l’on emploie des expressions antisémites, que l’on est conscient que nous devons faire un effort collectif pour sortir de l’antisémitisme structurel dans lequel nous vivons. Car qu’on le veuille ou pas, l’identité « tunisienne » n’est pas unique et elle n’est certainement pas exclusivement arabo-musulmane.

Un dernier point. Les gens particulièrement à cheval sur les questions de nationalité et de détention de passeports qui vont aller vérifier si une victime d’attentat a ou pas la nationalité israélienne avant d’exprimer des condoléances… comment vous dire ? Il faudrait peut-être réapprendre à être humble devant la mort. Car l’identité arabo-musulmane à laquelle vous tenez tant, elle suppose de respecter, au moins, les morts.

© Nour El Houda Bey

Doctorante en philosophie du droit à l’Université d’Anvers, Nour El Houda Bey travaille sur l’éthique et le droit et fait partie de ceux qui se battent pour la reconnaissance des Juifs tunisiens en Tunisie. 

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3 Comments

  1. C’est à une femme de cette “trempe” que les tunisiens méritent et devraient porter à la tête de ce pays.
    Elle a tout compris et l’explique fort bien !🥹

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