Nos lecteurs débattant à nouveau dans la Rubrique « commentaires » -devenue réel lieu d’échanges- de « l’Affaire Klarsfeld à Perpignan », TJ publie à nouveau ce papier de l’historien Pierre-Antoine Ferrières, écrit le 29 octobre 2022.
Il y a quelques semaines, Beate et Serge Klarsfeld acceptaient de recevoir la médaille de la ville de Perpignan que leur remettait Louis Aliot, maire de la ville et l’une des personnalités clé du Rassemblement national, par ailleurs actuellement en lice pour la présidence du parti. Cette remise de décoration a suscité la consternation, sinon la colère, d’une partie de la gauche française. Témoin la tribune qu’ont fait paraître dans Libération du 17 octobre 2022, les historiens Denis Peschanski et Renée Poznanski. Leur rhétorique mérite d’être observée de près parce qu’elle dit le décalage entre la réalité du pays et la perception qu’en a cette bourgeoisie culturelle érigée en arbitre moral de la vie politique et sociale du pays.
Les deux auteurs écrivent du Rassemblement national : « l’extrême droite reste l’extrême droite, les militants sont les mêmes, les points d’ancrage idéologique n’ont guère changé». Comment des historiens peuvent-ils tenir pour nul et non avenu le travail du temps sur cinquante ans d’histoire ? A fortiori quand la direction de ce parti commémore désormais la Shoah, se joint aux cérémonies officielles, ne prononce plus une seule parole suspecte sur ce sujet en prenant le risque de déstabiliser le noyau antisémite qui persiste probablement en son cœur ?
Comment prétendre qu’en un demi-siècle « les militants sont les mêmes » et « l’idéologie n’a pas changé » quand depuis les années 1970, tout dans la société française a été bouleversé ? Sauf précisément ce discours d’intellectuels fossilisés. A fortiori quand dans cette méchante tribune enrobée de flatteries, les deux signataires évoquent un parti «dont toutes les composantes continuent de prôner la préférence nationale », « dont de nombreux membres ne cessent de dénoncer le prétendu « grand remplacement » », un « parti populiste (…), un parti qui est tout sauf normal dans notre démocratie ».
Pour des historiens censés penser la durée, est ici frappante la confusion entre un Front National fondé en 1972 à partir d’une extrême droite française qui rassemblait les reliquats de Vichy, de la Collaboration et de l’Algérie française (type OAS), et le Rassemblement national de 2022 tel qu’il regroupe aujourd’hui sur son nom des millions d’électeurs et des milliers de militants dont une grande partie vient de la gauche et du Parti communiste français en particulier.
Tout simplement parce que la gauche institutionnelle, à commencer par le PS, a abandonné les classes populaires pour s’investir dès 1984 dans un antiracisme dévoyé parce qu’instrumentalisé par le parti socialiste et l’Elysée (SOS Racisme), puis dans la militance sociétale en faveur du mariage gay, de la PMA voire de l’écriture inclusive pour les plus attardés. Leur discours figure au premier chef comme l’habillage bourgeois d’une répulsion pour ces « déplorables » dont parlait Hillary Clinton aux États-Unis, ceux-là même qui, aujourd’hui, ont le sentiment que leur nation, leur culture et leur mode de vie leur échappent, que ce qu’ils entendent par la « préférence nationale », présentée par le martèlement médiatique comme l’antichambre du racisme et le prélude au retour des « heures sombres de notre histoire », c’est d’abord la défense de leur identité et de leur mode d’être dans lequel, comme tout être vivant, ils veulent persévérer
La nation n’est pas un mot obscène. Quant au « grand remplacement », cette formulation maladroite et polémique, au-delà de la vision complotiste qu’elle recèle, désigne dans l’esprit de millions de Français une réalité démographique vécue au jour le jour dans les moyennes et les grandes métropoles, voire dans les petites villes et désormais même dans certains espaces ruraux. Un « parti populiste », disent-ils, en cherchant à dessein, en apparentant ce mot à celui de fascisme, à le frapper d’un opprobre irrémédiable. Sans qu’il leur vienne à l’idée que parmi les fourriers de cette « transition démographique » progresse aussi, chaque jour, un totalitarisme islamiste qui fait régresser les valeurs sur lesquelles sont fondées nos vies : liberté de pensée, liberté de croyance ( et d’apostasie qui est condamnée à mort en islam) liberté de se vêtir, mixité et savoir libéré des dogmes religieux, en un mot les valeurs des Lumières et ce qui a fait en deux siècles la démocratie occidentale. C’est là que se love aujourd’hui, dans l’islamisme, le vrai péril liberticide. Pas un mot pourtant pour l’évoquer.
Et pour cause. Le logiciel de ces gens s’est arrêté au régime de Vichy. Ils reprochent à Serge Klarsfeld, plus fin politique qu’eux pourtant, de faire de l’attitude à l’endroit de la Shoah le critère premier de la respectabilité politique. Or, c’est précisément ce qu’ils font, eux, avec la période 1934–1945, ces années d’une guerre civile larvée qui a ébranlé le pays. 80 ans plus tard, ils semblent avoir été absorbés tout entier par leur objet d’étude.
Plus encore, il semble qu’ils n’aient rien compris aux mutations de la société française depuis une cinquantaine d’années, et aux raisons pour lesquelles la gauche a perdu la bataille politique avec le « tournant mitterrandien » de 1983–1984. Jadis, dans leur jeunesse, ces sectateurs de la bourgeoisie de gauche ont frayé du côté du communisme et/ou gauchisme avant de se ranger raisonnablement au côté d’un Parti socialiste pourvoyeur de postes. Et personne d’ailleurs ne leur demanda de rendre des comptes sur leurs années de jeunesse passées à soutenir les multiples versions de la tyrannie communiste, soviétique chinoise ou cubaine.
C’est qu’après tant d’erreurs tragiques où ils ne se croient même pas tenus à un devoir de réserve, leurs voix s’époumonnent encore dans ce désert intellectuel dont Libération figure la dernière butte-témoin. Comme au bon vieux temps, les voici qui multiplient les leçons de morale et décernent les prix de vertu et les anathèmes. Les voici qui stigmatisent les mal-pensants et les déviants. Fin XIXe siècle, ils auraient évoqué l’intempérance et la « vie dissolue » des classes populaires ( la « Saint Lundi »). Aujourd’hui, ils évoquent le vote populiste de la « France moisie » des Deschiens de Canal +.
Si « l’extrême droite », comme ils le répètent mécaniquement, atteint de tels niveaux en Suède, en Italie et en France, c’est qu’ils lui ont ouvert un boulevard à force de répéter les mêmes mantras depuis quarante ans, comme si le pays n’avait pas été fondamentalement transformé comme le montrent d’innombrables d’études, à commencer par celles de Jérôme Fourquet. Et tant d’analyses (Christophe Guilluy, Jean-Pierre Le Goff ) et de réflexions (Marcel Gauchet, Jean-Claude Michéa, d’autres encore).
Sur le plan politique et moral, cette bourgeoisie culturelle « progressiste » campe le même rôle que la bourgeoisie versaillaise des années 1870 occupée à stigmatiser la République naissante et à endiguer le vote des « gueux ». Aujourd’hui, elle met en garde contre les « populistes », ces nouveaux gueux de la France des oubliés qui se prennent à voter si déraisonnablement. Multipliant les jugements de valeur, c’est le même type d’ordre moral qu’elle défend. « C’est triste et c’est grave », écrit le duo de « consciences morales » du geste des époux Klarsfeld, « un geste qui nous choque profondément et nous attriste. » C’est moins ce ton compassé qui nous choque que le déni social qu’il met à jour, la cécité politique de ceux dont, au vu de la fonction, on attendait une lucidité exemplaire. Au contraire, ce qui se donne à voir ici, c’est une pensée engourdie et ensommeillée, oubliée quelque part sur une voie de garage des années 1980.
© Pierre-Antoine Ferrières, 29 octobre 2022
Pierre-Antoine Ferrières est Professeur agrégé d’histoire
Liberation reste le journal d’extrême droite confusionniste qu’il a été. Et ses publications relèvent toujours de la newspeak.
Relu :
« Intellectuels fossilisés » qui prétendent dénoncer l’antisémitisme et l’extrême droite en publiant une tribune dans un tabloïd raciste et antisémite proche des mouvements néo fascistes (PIR…)…
« De gauche » sans doute pas (par définition la gauche soutient les milieux populaires, sinon ce n’est plus la gauche et eux sont plutôt à classer dans la droite versaillaise) et « intellectuels »…encore moins ! Des océans d’imbeccillité.
La « gauche », ça ? Jaurès, Blum et Moulin doivent se retourner dans leurs tombes !
Libeeation est bien plus proche de Je suis partout que de Combat.
Ces cocos juifs qui veulent nous donner des leçons, ces complices de Staline, Mao, Pol Pot, Castro, Che, Chavez, Madouro, Lula et j’en passe, je les vomis et je les relègue à la poubelle de l’histoire.
J ai eu l occasion de discuter avec Mme Klarsfeld,qui m a largement renseigne sur les camps de Pologne ou furent deportes deux de mes grands oncles protestants.Elle a ete extremement aimable et m a fait profiter de son erudition remarquable sur la deuxieme guerre mondiale.Vos propos me semblent donc deplaces.
@Lamponeon Je crois que le commentaire de Calimero ne vise pas Mme Klarsfeld mais les deux pseudo « » »historiens » » » ayant écrit la tribune de L’aberration.
Merci Juju.
Le fondateur véritable de ce quotidien devenu trotskiste tendance « yvesectia », s’en retournerait dans la tombe de ce qu’il est devenu.
Excellente analyse
Il y a quelques mois, la municipalité de Perpignan a voulu rendre hommage à Walter Benjamin. Je ne me souviens plus sous quelle forme (nom d’une bibliothèque peut-être ?). On avait entendu alors les mêmes réactions avec les mêmes auteurs que récemment avec les Klarsfeld. Personnellement, je trouve que c’est une bonne chose que tous les Perpignanais puissent savoir qui est Benjamin, et peut-être le lire…
Les récents article + commentaires sur la définition du fascisme ont démontré et rappelé que Libération et Le Monde en cochent toutes les cases. Et plus on creuse plus on se rend compte que la France est redevenue un régime fasciste dès 1981 même si celui-ci s’est mis en place progressivement, par étapes jusqu’à en arriver où nous en sommes aujourd’hui. De toute evidence le fascisme est bien plus présent à la mairie de Paris qu’à celle de Perpignan _
Mais que représente la médaille de la ville de Perpignan ?
Même des Juifs et des Arabes votent RN : il est complètement stupide de le classer à l’extrême droite ! C’est plutôt un parti de gauche centriste : Macron qui réprime les manifestants (si cela ne tenait qu’à lui il créerait sans doute une milice personnelle pour casser du GJ), laisse crever des gens et finance la guerre est bien plus d’extrême droite !
@Loubna. Je plusssoie.
ce texte est digne de notre Gilles William ! j’en profite pour que l’on rappelle à ces gens dits « de gauche » ou se prétendant tels quelques faits historiques et incontestables sur la Kollaboration : aucun train de déportés n’a été saboté ! Cela devrait déjà calmer un peu les hurleurs professionnels. mais j’aimerais ajouter quelques noms de Kollabos célèbres dont on oublie les origines. Veuillez m’excuser d’être long :notre « président par défaut » aime inaugurer tous les 2 mois un truc sur la résistance et surtout si cela concerne des gens « de gauche ». On a tendance à oublier la fameuse tirade de de Gaulle « quand je suis arrivé à Londres, je n’y ai trouvé que la cagoule et la synagogue ». Vrai ou apocryphe cette phrase nous interroge mais bon puisqu’il faut des noms que l’on a oublié à gauche on va lui rafraichir la mémoire, Voici donc quelques hommes « de gauche » dont on parle beaucoup moins, allez savoir pourquoi ? Georges Albertini (1911-1983) membre du parti socialiste, membre de la FEN et de la CGT, puis secrétaire général du parti collabo RNP de Déat –
Victor Arrighi (1900-1945) membre du PCF, directeur financier du parti, rejoint le PPF de Doriot (l’ancien secrétaire général des jeunesses communistes),
Henri Barbé (1902-1966) membre du PCF, délégué du parti à Moscou pour la jeunesse rejoint Doriot;
Victor Bathelemy (1906- 1985) ancien des jeunesses communistes, permanent du PCF formé à Moscou, rejoint Doriot;
Gaston bergery (1892 – 1974) député du parti radical membre du front commun antifasciste – ambassadeur sous Pétain,
Bousquet haut fonctionnaire de tendance radicale – inutile de préciser ses méfaits…
Francis Bou-de-l’an (1908- 1977) proche du PCF puis membre du parti socialiste, milicien ; Felicien Challey (1875 1967) ami de Peguy et de Jaures, membre de la LDH (eh oui !!!!) et du PCF des 1920…Collabo notoire
François Chasseigne (1902-1977) dirigeant des jeunesses communistes, franc-maçon, puis député socialiste de l’Indre, directeur de la propagande sous Vichy ;
René Chateau (1906- 1970) membre du grand orient et de la LDH, député radical socialiste dirige le journal collaborationiste « la France socialiste »;
jean marie Clamanus (1879-1973) maire communiste de Bobigny, sénateur communiste rejoint le Parti Ouvrier et Paysan collaborationiste.,Deat (1894 1955) député socialiste fondateur du RNP ;
Doriot (1898 1945) membre du PCF député communiste puis maire de St denis, co-fondateur du parti nazi PPF ;
George Dumoulin (1877 1963) membre du bureau confédéral de la CGT adhère au RNP de Deat ;
Leon Emery (1896 1981) syndicaliste socialiste membre de la LDH, animateur du Syndicat national des instituteurs, adhérent du comité de vigilance antifasciste, adhére au RNP de Deat Paul Faure (1878 1960) membre du parti socialiste, secrétaire général de la SFIO, député socialiste en 24, 28 et 38, soutien Laval ;
François Gaucher (1910 1990) adhérent du parti socialiste rejoint Deat puis Doriot, engagé à la LVF !
Marcel Gitton (1903 1941 ) membre actif du PCF et de la CGTU membre du bureau politique, député communiste. Quitte le PCF et fonde le parti ouvrier et paysan collaborationniste.
Gabriel Lafaye (1888 1959) syndicaliste et membre du parti socialiste, député de la Gironde puis membre du RNP de Deat.
Hubert Lagardelle (1874 1958) Théoricien du syndicalisme révolutionnaire, membre du parti socialiste secrétaire d’état sous Pétain.Laval (1883 1945) membre du parti socialiste;, député d’aubervilliers, collaborationniste notoire
Jean Luchaire (1901 1946) membre du parti radical
Paul Marion (1899 1954) membre du PCF formé à Moscou adhère au PPF ;
Adrien Marquet (1884 1955) député socialiste maire de Bordeaux, ministre de Pétain
Bathélemy Montagnon (11889 1969) membre du parti socialiste et franc maçon, député socialiste de Paris, un des fondateur du RNP de Deat
Simon Sabiani (1888 1956) membre du PCF puis elu socialiste maires socialiste de Marseille puis rejoint Doriot.
Charles Spinasse (1893 1979) député socialiste de Corrèze 😉 collaborateur convaincu.
Ludovic Zoretti (1880 1948) Fondateur du syndicat de l’enseignement
François Mitterand sfio, ministre sous Pétain, rejoindra la résistance bien apres le débarquement américain au Maroc et la défaite de Stalingrad Enfin citons Hernu et robert Jospin tous deux condamnés pour collaboration
La mairie de Paris étant gangrenée par l’indigénisme, le racisme, l’antisémitisme et la fange identitaire, la véritable trahison aurait été d’accepter une médaille d’Anne Hidalgo !
Honneur à la famille Klarsfeld : les parents et leur fils, une des rares personnalités publiques refusant d’adhérer à la propagande mussolinienne et négationniste de l’UE. Négationniste car elle fait l’apologie d’un régime pro Bandera (ce qui comme l’a rappelé Arno Klarsfeld est une porte ouverte à la réhabilitation de Hitler) et a qualifié de génocide la grande famine en Ukraine alors que cela n’en était pas un (la folle gestion stalinienne a faut des millions de morts mais pas uniquement Ukrainiens et la population Ukrainienne n’était pas visée en tant que telle : il n’y a donc pas eu génocide). On voit donc que ce n’est pas la famille Klarsfeld qui peut être suspectée de complaisance avec l’extrême droite stricto sensu mais ses détracteurs. Bonne journée.
Excellent papier toujours d’actualité.