Michel Dray. Les raisons de la colère

                  L’attentat de la Ghriba n’est pas le fruit d’un tueur illuminé mais le résultat d’un idéologie antisioniste qui gangrène la Tunisie depuis des années. Il suffit de lire la Constitution Tunisienne pour comprendre que l’attentat d’hier à la Ghriba n’est pas le fruit du hasard. 

                  

Une Constitution qui inscrit dans ses tablettes… la libération de Jérusalem par les Palestiniens.  

                  La Constitution de 2022 annulant celle de 2015 propose insidieusement le même discours antisioniste que celle de 2015 largement inspirée par le parti islamiste Ennahhda. Mais elle va beaucoup plus loin  puisqu’elle déclare Jérusalem comme capitale de la Palestine. « Nous, le peuple tunisien, réaffirmons notre appartenance à la nation arabe et notre souci de s’attacher aux dimensions humaines de la religion islamique. (…) Nous sommes un peuple qui refuse que notre État conclue des alliances à l’étranger, tout comme il refuse toute ingérence dans ses affaires intérieures. Nous nous attachons à la légalité internationale et triomphons pour les droits légitimes des peuples qui, selon cette légitimité́, ont le droit de disposer d’eux-mêmes, en premier lieu le droit du peuple palestinien à sa terre spoliée et à l’établissement de son État, sur cette terre après libération, avec Al-Quds Al-Sharif pour capitale« .  On ne peut plus être plus clair et dans le style et dans l’intention en inscrivant dans le marbre une volonté idéologique et politique ouvertement tournée vers la négation d’Israël. En Occident, la Constitution relève de l’organisation des pouvoirs, mais dans les pays musulmans elle répond à des impératifs idéologiques.  

 

                  D’autres attentats peuvent toucher d’autres lieux juifs en diaspora.

                  Les Juifs du monde entier sont des cibles prioritaires, et plus encore à la suite des frappes israéliennes contre le Hamas et le Hezbollah. Car, compte tenu de la difficulté d’attaquer directement le territoire israélien, l’attentat de la Ghriba se décline comme le premier acte possible visant d’autres lieux juifs, notamment en Europe où les Frères Musulmans tiennent le haut du pavé.  

                  L’attentat de la Ghriba porte un nom : l’islamisme rampant.  

                 Au vu du drame de la Ghriba qui a arraché à l’affection de leur famille deux Juifs dans la fleur de l’âge, dont l’un fut, à Marseille, le camarade de classe de mon fils, force est de constater que cet acte s’inscrit dans ce que j’ai toujours appelé l’islamisme rampant (l’Algérie en est un symbole tristement vivant) et qui diffère de l’islamo-gauchisme, qui, en Occident, infiltre au plus haut niveau partis politiques, universités, médias et corps associatif. Le fait que le tueur soit un membre de la garde nationale est la preuve de cet islamisme rampant qui gangrène le régime. Mais encore faut-il que ce régime ne soit pas lui-même l’idiot utile de cet islamisme. Il n’empêche. Sur les chaînes d’information en continu ou dans les journaux, l’acte n’est toujours pas qualifié d’islamiste. A croire que le mot fait peur… Cependant on trouvera des spécialistes pour ergoter, décrypter, coder, analyser (ajoutez les verbes que vous voulez, on a l’embarras du choix) mais qui éviteront d’appeler cet attentat un acte islamiste.

                  Il y a fort à parier que les médias lieront cet attentat aux frappes israéliennes contre le Hamas et le Hezbollah, tel un moyen pernicieux de condamner Israël en lui faisant porter la responsabilité d’une situation générant elle-même une réponse de la part d’individus « incontrôlables », synonyme édulcoré pour nommer un islamiste. Pour preuve, le communiqué de Khélil Lajimi, un ancien ministre tunisien condamnant l’attentat (c’est la moindre des choses) rendant hommage aux victimes (toujours la moindre des choses) mais qui, commence son communiqué ainsi : « Je voudrais rendre hommage aux officiers de sécurité et saluer leurs sacrifices pour protéger le pays. (…) Le pèlerinage de la Ghriba est un événement annuel organisé par les Tunisiens de confession juive. Il a réuni cette année, selon les organisateurs, plus de 5000 pèlerins, tunisiens et étrangers. Il donne le signal du démarrage de la saison touristique qui s’annonce bonne. Espérons que cet incident ne vienne pas perturber la saison. Il y a une reprise de l’activité touristique après une période difficile impactée par le Covid« .  Pour cet ancien ministre, l’attentat n’est donc pas un attentat mais un « incident ». Enfin, pour terminer dans l’étrange, cet ancien ministre n’hésite pas à parler de la reprise du tourisme, alors que des familles pleurent des êtres chers. Comprenne qui voudra. 

               

Pour ma part, un vie juive vaut mieux qu’un pèlerinage fût-il dans la synagogue la plus ancienne d’Afrique.

                  Comment comprendre que bon nombre de Juifs d’origine tunisienne continuent de croire que la Tunisie s’est réconciliée avec « ses » Juifs ? A-t-on oublié la levée de boucliers des journalistes demandant le départ du « sioniste » Enrico Macias venu passer ses vacances en Tunisie  ? Entre nous le choix du chanteur n’était pas de la première étincelle d’intelligence, mais comme on dit tous les goûts sont dans la nature. Je connais des Juifs qui, sans doute pour leurs affaires, persistent à vivre en Tunisie. Ont-ils oublié comment leurs  coreligionnaires ont été obligés de partir en 1967 ? Que ces amnésiques se rassurent : eux aussi partiront … mais sans rien emporter de leur fortune. 

                  J’ai la chance d’avoir eu comme professeur d’origine tunisienne Albert Memmi. Je l’ai même fréquenté jusqu’à sa mort. Memmi voulait une rue à son nom à Tunis. Petit problème : son nom était trop juif pour un tel hommage. Plus encore, j’ai eu le privilège de réaliser une exposition sur sa carrière. Elle a été vue à Marseille, Paris, Essaouira et Haïfa. Les autorités tunisiennes quant à elles ont refusé sa présentation à Tunis. CQFD.

                  Je préfère un Juif vivant que dix pèlerinages de la Ghriba.

                  Le peuple juif, dit-on, est celui de la Mémoire. Il m’arrive parfois d’en douter. Pour dire les choses, je n’arrive pas à comprendre ces familles entières qui résident encore en Tunisie, comme je comprends mal le discours selon lequel la Tunisie est un pays « qui aime les Juifs ». Les Juifs qui vivent en Tunisie sont-ils respectés des Tunisiens ? J’en doute. Je me souviens d’un jour où à Tunis, je me suis rendu dans l’ancien quartier juif de la Hara (aujourd’hui disparu). J’avisai un jeune de 16 ou 17 ans et lui demandai  s’il savait qu’ici, dans ce quartier entièrement reconstruit, il y avait eu des Juifs qui vivaient misérablement. Il m’a répondu : « Des Juifs ? il n’y en a jamais eu dans ce quartier ».   

                  La Ghriba appartient au passé. L’avenir, c’est loin de la Tunisie que mes coreligionnaires doivent le comprendre, car un jour viendra où il sera trop tard pour ces amnésiques de la mémoire. 

                                                                                                        © Michel Dray 


Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée.


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8 Comments

  1. Nous avons definitivement tourné le dos a l algerie , les freres originaires de tunisie doivent faire de meme , les habitants de ces pays sont eduquès dans la haine , ces gens ne sont pas nos compatriotes et nous n avons plus rien en commun avec eux .
    Tournons nous vers notre seul et unique pays juif et regardons devant .

  2. Il n’y a pas si longtemps un colloque dit «  Des intellectuels tunisiens musulmans et français juifs s’est tenu à Paris avec beaucoup de publicité parTribune juive
    J’ai dénoncé avec arguments que ce colloque était une erreur et que les arabes seront toujours identiques à eux mêmes : falsificateurs de l’histoire, menteurs invertébrés sur leur passé et le passé de la Tunisie , simulateurs pour ce colloque mais toujours arabo islamistes oubliant l’exil des tunisiens juifs en 1967 et niants la vérité de leur exil suivi du pillage de leurs biens
    Pourtant j’ajoutais que Bourguiba avait trace une bonne voie après l’indépendance donnée par Mendes France l’homme de la décolonisation français juif mais que les présidents après Bourguiba été Ben Ali avaient islamisé radicalement le pays qui était aux mains des Frères musulmans
    Ce colloque montre que les français juifs notamment d’origine tunisienne croient encore au père noël et parlent de manière stupide de leur attachement oubliant leur fuite et leurs persécuteurs arabo musulmans
    Un conseil : plus de juifs en Tunisie et influencer vos amis : ce pays est raciste intolérant avec un président islamiste et comme l’indique Dray avec une constitution puant l’arabisme des islamistes radicaux liés aux frères musulmans
    Partez juifs de cette Tunisie qui est maudite et va sombrer à tous les niveaux économiques, culturels, lettres et sciences, religieux avé un islam duVIi ieme siècle ……..
    Ce pays va retourner 1300ans en arrière et surtout tournez la page et partez juifs tunisiens : un arabe est aujourd’hui
    le problème de notre terre tellement il cause des morts et s’en vante au lieu de construire comme d’habitude ils détruisent et chassent ceux qui étaient avant leur arrivee qui couvre 5 siècles de conquête de70 a 1200:avec la pride Kairouan par Mansour Ibn Elkaim un juif converti à l’islam
    En espérant que TJ dénonce l’erreur de ce colloque bidon mais cautionnant des soit disant intellectuels qui sont incapables de dénoncer ce régime tyrannique et d’apartheid et d’épuration ethnique comme l’Algerie et tous les pays arabes sans que l’ONU ne dénonce une fois les victimes juives

  3. Monsieur,
    Votre synthèse est juste et lumineuse.
    Quelle tristesse !
    Quelle désespérance! pour un pays qui fût tant aimé par tant…au sein duquel les juifs étaient l’assise du savoir et de la lumière..
    De nos jours ,les populistes qui ont pris le relais d’une poignée d’islamistes affairistes et ignorants…conduisent la Tunisie vers l’inconnu …très inquiétant pour les générations actuelles qui fuient…et les générations futures détruites de jours en jours par des gouvernants incompétents .

  4. Merci à Michel Dray pour cette excellente analyse !
    La Tunisie des beys et celle de Bourguiba n’existe plus.
    L’attentat anti-sémite de Djerba prouve encore une fois
    qu’Israël est une nécessité absolue, notre terre de refuge,
    notre abri tutélaire, notre forteresse vitale. Hai vekayam !

    • @gchaul C’est bien la raison pour laquelle l’antisionisme est bien de l’antisémitisme pur et dur. Pour les Juifs l’existence d’Israël est désormais une question de survie. En souhaitant la disparition d’Israël les antisionistes souhaitent implicitement la disparition des Juifs. Moi-même je ne suis pas juif mais j’ai parfaitement conscience de ce qui se joue et de la haine antisémite qui grandit partout.

  5. On raconte qu’un pays sans juifs est voué à son effondrement.
    Exemple: Egypte, Syrie, Jordanie, Yemen, Irak, etc….
    Pour l’effondrement de la Tunisie, il s’agit seulement d’être patient.

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