« Cinquante nuances de dictature » de Renée Fregosi, ouvrage indispensable

Est-il utile de présenter Renée Fregosi ? A « Tribune Juive », nous la connaissons bien et avons eu maintes fois la chance de lire ses articles, ses travaux et ses livres, réussis aussi bien sur le fond que sur la forme. 

Ce nouvel ouvrage, paru aux éditions de l’Aube dans la collection « Un monde à raconter » sous la houlette de Jean Viard, titré « Cinquante nuances de dictature » et sous-titré « Tentations et emprises autoritaires en France et ailleurs » (1), ne déroge pas à la règle. 

Il est épatant, brillant, érudit, n’assène pas de vérité sans l’étayer par un ou plusieurs exemples probants. Il analyse et explique sans abrutir. Sans servir une idéologie ou des présupposés guidés par un quelconque intérêt politique ou économique. Ses constats n’en sont que plus forts et pour tout dire angoissants par moment…  

Son titre, qui fait penser à un mauvais roman américain pseudo-SM devenu un mauvais film hollywoodien, peut prêter à sourire. Mais à dire vrai, on est loin du compte. La réalité qu’aborde Renée Fregosi, en un peu moins de 200 pages et 20 chapitres, forme un puzzle saisissant et effrayant de notre 21ème siècle, en proie aux totalitarismes sous toutes leurs formes, des plus « soft » aux plus ignobles. 

Face à ce puzzle géant et cette exploration précise et détaillée des oppressions dans le monde, en Europe et en France, nous paraissons si petits. Un peu comme sur l’image en fils de fer de la couverture : un homme s’efforce, à bout de bras, de résister à un poing géant qui menace de l’écraser…

Banalité du mal, insupportables conséquences 

Pour Renée Fregosi, l’autoritarisme est une caractéristique somme toute banale sur la carte du monde. Elle est même plutôt la règle et la démocratie une sorte d’exception. Un horizon qui semble par essence inatteignable, s’éloignant visuellement à chaque pas fait dans sa direction. 

Après une tentative de définition de la dictature et du flou qui l’entoure, l’auteure se penche d’abord sur la question majeure, on serait tenté de dire essentielle : « Qu’est-ce qui distingue au fond la dictature de ce que l’on appelle démocratie ? » Il faut en effet se convaincre que les deux notions n’ont eu de cesse d’évoluer et de muter au gré de la géographie, des époques et de l’évolution des idées. Qu’elle n’a pas, loin s’en faut, la même acceptation sur tous les continents, au sein de tous les peuples, dans toutes les contrées du globe. 

Dès lors, l’auteure s’attache à discerner les fausses démocraties des régimes autoritaires et autres régimes « illibéraux » … Car il n’est parfois pas évident de caractériser les dictatures en tant que telles. Pas au premier coup d’œil en tous cas.  
Mieux (ou pire c’est selon), Renée Fregosi utilise un mot-valise pour définir les contours des  « démocratures » et en présente en détail deux exemples probants : le Venezuela et la Russie post-Soviétique (avant même l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine). 

Vient alors l’analyse de ce que l’auteure nomme le « Jurassic Park » des états communistes, ou prétendus tels, perdurant dans le temps en dépit d’une victoire par KO, là encore en apparence, des économies et des régimes libéraux prétendus débarrassés de toute idéologie dominante, à fortiori oppressante.  

Dans le chapitre qui suit, Renée Fregosi passe au scalpel trois « proto-totalitarismes ». A savoir la Russie de Poutine, la Turquie d’Erdogan et l’Iran de Khomeyni. Et le moins que l’on puisse dire est que le propos et les exemples pris, qu’on connait pourtant bien pour certains d’entre eux (comme celui de l’oppression du voile en Iran), font froid dans le dos… 

Islamisme et antisémitisme, la haine érigée en moteur de l’oppression

Comment, plus de 20 ans après l’écroulement des Tours jumelles de New York serait-il possible de rédiger un essai sur l’oppression et la dictature sans évoquer un totalitarisme en progression constante que l’auteur appelle « du 3ème type ». L’Islamisme bien entendu. 

Un Islamisme qui se propage partout et rapidement, se nourrit du ressentiment et de l’exploitation d’une certaine frustration sexuelle. Et de l’Islamisme à l’antijudaïsme, l’antisémitisme et l’antisionisme il n’y a qu’un pas. Le dixième chapitre, central, est sans surprise consacré intégralement à « l’antijudaïsme islamique ». Un courant à la fois proche de l’antisémitisme ancestral que l’on a connu ancré dans le catholicisme d’avant Vatican2, semblable à bien des égards à celui qui servit de colonne vertébrale au régime nazi, mais qui puise en même temps ses racines dans une histoire différente, singulière, jamais ou rarement mise en défaut jusqu’à présent. (Voir ci-dessous l’analyse spécifique que l’on peut en faire). 

L’ouvrage, passionnant, superbement écrit et riche de mille exemples et témoignages que les notes de bas de page permettent de retrouver, se poursuit par l’analyse de l’émergence du mouvement Woke, racisé, écolo++ et « néo-féministe », sans oublier d’évoquer les idiots utiles des dictatures et des « salauds », les collabos et les dhimmis.  

Puis vient un passage qui semble tout droit sorti du « 1984 » d’Orwell, du « Meilleur des Mondes » d’Huxley ou du « Fahrenheit 451 » de Bradbury : la « mise en conformité ». Ou la tyrannie prétendument du bien, mise en évidence notamment chez Philippe Muray.  

Après avoir analysé les éléments ontologiquement liberticides du contrôle et de répression du peuple, utilisés par les régimes autoritaires et les dictatures, Renée Frégosi finit sur plusieurs questions elles aussi majeures : Comment résister à l’oppression ? Comment s’organiser pour lutter contre la dictature ? Comprendre ce qui les fait tomber quand elles tombent. Analyser comment se jugent à posteriori les crimes des dictatures. Et la lancinante question, posée notamment par Finkielkraut, Bruckner et quelques autres : les démocraties « occidentales » sont-elles en déclin ? 

En tous cas, le défi qui se présente à elles est immense et il nous faut, plus que jamais, nous armer intellectuellement pour espérer un avenir sans entrave ! S’armer intellectuellement… C’est exactement ce à quoi nous permet d’accéder l’essai de Renée Fregosi. Alors lisons-le ! 

© Gérard Kleczewski


Notes sur le chapitre sur l’Islamisme et l’antisémitisme

L’islamisme est protéiforme, entre mouvement des Frères musulmans, mollahs chiites d’Iran, wahhabisme saoudien et autres formes de salafisme. Mais s’il y a un fondement à la vision commune du monde des islamistes il tient dans un antisémitisme radical, mixant antijudaïsme ancestral, au fondement même de la religion musulmane, et antisionisme moderne. 

« La figure du Juif incarne l’ennemi suprême, l’Autre absolu« , écrit Renée Fregosi. À l’instar des nazis dont les pionniers de l’islamisme furent les alliés objectifs. 
Mais évoquer ces faits, en faire simplement état, même avec la rigueur d’un historien de haut vol, n’a-t-il pas valu une persécution judiciaire à Georges Bensoussan ?  

Outre les Palestiniens de toutes mouvances, et leurs alliés arabes qui ont fait dès 1947 de l’antisémitisme le ferment, puis le ciment, de leur « résistance », le mouvement Woke et surtout la « théorie aberrante du ‘privilège blanc’  a produit un surgeon spécifiquement antisémite« . Un surgeon qui s’appuie grandement sur Twitter et des hashtags efficaces et malheureusement à grand succès, tel que « #jewishprivilege », pour resservir à notre époque moderne cette détestation sans appel et métastasée des Juifs en tant que groupe privilégié, protégé, formé de profiteurs, d’exploiteurs et, surtout quand il est question d’Israël, d’expropriateurs, de spoliateurs, d’assassins et de bourreaux. 

Il s’agit même là, selon Renée Fregosi, d’une des portes modernes ouvrant sur le négationnisme : les Juifs feraient plus qu’instrumentaliser la Shoah, ils l’auraient inventé ! (Sous-entendu « pour être intouchables » et s’en servir de levier afin d’asseoir leur pouvoir sur le « peuple »). 
Confère à ce sujet le triste épisode du « qui ? » en pleine pandémie, ciblant les Juifs sans les nommer. Des Juifs empoisonneurs de puits dans le passé, derrière la conception des vaccins ARN messager aujourd’hui (Bourla n’est-il pas à la tête de Pfizer ?). Un épisode venu s’ajouter aux délires antisémites par milliers sur Twitter principalement, également dénoncés par Rudy Reichstadt dans son récent livre « Au cœur du complot »(2). 

Renée Fregosi conclut ce chapitre en ces termes, page 90 : « Aujourd’hui les Juifs sont une fois encore cette malheureuse ‘avant-garde’ des victimes des totalitarismes de tout poil et notamment aujourd’hui de l’islamisme, volontiers allié à ‘l’indigénisme’ des ‘racisés’. Ce n’est donc pas anecdotique que l’on ait entendu des slogans antisémites dans les manifestations racialistes anti-Blancs en relation avec la mort de Georges Floyd et celle d’Adama Traoré. La figure diabolique du Juif redevient ‘l’ennemi du peuple’, de tous les peuples en lutte contre la ‘domination’, prétendue domination ‘blanche et occidentale’ en l’occurrence« .

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2 Comments

  1. Il n’existe plus démocratie ni État de droit en France : la métropole ressemble peu à peu à l’île de Mayotte. La démocratie implique une souveraineté du peuple incompatible avec l’appartenance à l’UE et des élections de façade..
    La liberté d’expression est inexistante : de nombreux faits historiques étant tabous et certains termes (ex racisme anti blancs dont l’auteur de l’article parle sans même oser le nommer) étant carrément proscrits du vocabulaire officiel, le simple fait de désigner la réalité est devenue tout simplement impossible.
    La police ne s’attaque pas aux blacblocks ou aux activistes haineux mais aux manifestants pacifiques qui insultent notre monarque.
    La liberté d’expression n’existe plus que pour les prêcheurs de haine que dénonce à juste titre cet article.

    A de rares exceptions près (comme Israël j’espère) nous sommes déjà dans une situation de dictature (quasi) universelle. Le scénario de 1984 et du Meilleur des mondes.

  2. Depuis l’élection de Joe Biden voire depuis le début des années 2000, les USA ont basculé dans le camp des régimes totalitaires. Et même l’ensemble des pays anglo-saxons. Le wokisme et le politiquement correct (la pire des censures) sont nés aux USA dont Hollywood, la presse et les universités propagent le révisionnisme islamiste : USSA/GB/Iran/Turquie/Gaza même combat.
    Vous avez vu « Wakanda for ever  » ? C’est Wokisma forever ! Un véritable condensé de racialisme, de francophobie et de complotisme (car le complotisme existe bien, mais pas forcément là où certains l’imaginent).

    Le politiquement correct n’existe pas en Russie, ce qui signifie que malgré la censure poutinienne il est possible de s’exprimer librement sur certains sujets désormais interdits (y compris non politiques comme les rapports hommes femmes tout simplement) en occident. L’article serait parfait sans la rengaine anti russe qui paraît totalement surréaliste dans les années post 2000, a fortiori depuis Biden. Il m’est arrivé de regarder 5 ou 6 X un média franco russe aujourd’hui interdit : il y avait de la désinformation et de la censure, bien entendu, mais rien de comparable avec la Télévision et la Radio francophones et anglophones en voie de nord-coréanisation.
    L’auteur de L’article, malgré ses qualités intellectuelles indéniables, a semble-t-il conservé les biais cognitifs hérités de la guerre froide.

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