Gérard Kleczewski. Le très édifiant parcours d’Isabelle Choko, 94 ans, rescapée de la Shoah 

Vous ne connaissez sans doute pas Julien Song. Et peut-être n’avez-vous jamais non plus entendu parler d’Isabelle Choko, née Izabela Sztrauch Galewska à Łódź en Pologne, le 18 septembre 1928.

Ce qui réunit ce jeune homme d’une trentaine d’années et cette femme qui avait déjà 40 ans en 1968 et qui a toujours bon pied bon œil en dépit de ses 94 printemps, et bien qu’elle ait survécu, à l’adolescence, au pire des cauchemars concentrationnaires… ? 

Le jeu d’Échecs ! 

Ceux qui me connaissent savent que, depuis mon plus jeune âge, je suis un passionné de ce jeu (art, sport, …) qui m’a valu tant de bonheurs… et parfois de déboires. 
Récemment encore, à l’occasion du Limoud 2023, j’ai animé une session d’initiation au Jeu d’Échecs, et dans des conditions disons pas « optimales » j’ai réussi à passionner à ce « Jeu des jeux » une petite assistance, composée (et c’est ma fierté, même si la mini-série « Le jeu de la Dame » sur Netflix n’y est pas pour rien) majoritairement de femmes ; alors qu’on a souvent dit que les Échecs était un « jeu » ou un « sport » de « mecs ». Mieux : deux dames ayant largement franchi les 70 printemps ont été les plus intéressées à mon cours, prenant des notes comme des collégiennes passionnées. J’en ai été fort ému ! 

Mais revenons à Song et Choko…

Le plus jeune des deux est récemment devenu Maitre International d’Échecs. Il assure des cours en ligne et sur YouTube tout en jouant des tournois dans tous les coins du monde. Son parcours est pour le moins original et remarquable. Cet esprit brillant, sorti d’une grande école, a plaqué un parcours tout tracé vers les sommets du conseil et de la finance, en tant qu’associé du prestigieux Boston Consulting Group (BCG), pour se lancer tête en avant dans sa passion… Le jeu d’Échecs ! 

Si ses efforts sportifs ne sont pour l’heure que partiellement couronnés de succès, il « cartonne » sur les réseaux sociaux : sa chaine YouTube vient ainsi officiellement de dépasser les 100 000 abonnés, ce qui n’est pas un mince exploit !  Il faut dire que Julien Song n’est pas qu’un bon joueur d’échecs. C’est aussi un remarquable pédagogue, doté d’un Français et d’une diction parfaits, assortis d’une compréhension fine des attentes de ses lecteurs et spectateurs. 

Pourquoi fais-je le lien de Song avec Isabelle Choko ? Parce que j’ai découvert l’existence de cette dernière et son parcours pour le moins saisissant, non par son livre « La mort en échecs » publié avec l’aide de Pierre Marlière aux éditions Grasset (1) mais par un long post sur les réseaux sociaux, notamment Linkedin, (2) de… Julien Song. 

En creusant, j’ai donc découvert que ce livre était sorti en janvier dans une remarquable indifférence des grands médias, en dépit du sujet et de la personne qui le porte. N’était-elle pas aussi importante au moins que Ginette Kolinka, qu’on a pu voir un peu partout, notamment sur les médias publics ?

Du chaos au jeu d’échecs… 

Isabelle Choko a 94 ans aujourd’hui. En septembre 1939, à l’heure où la Pologne est envahie par les Allemands, elle se nomme Izabela Sztrauch Galewska et a 11 ans. Son enfance s’arrête du jour au lendemain lorsqu’elle est d’abord envoyée avec ses parents dans le ghetto de Lódz où son père meurt de malnutrition et de mauvais traitements. Puis, à 15 ans, quand elle est déportée à Auschwitz, avant Waldeslust et Bergen-Belsen.

Dans son récit, celle qui est devenue Isabelle Choko après la guerre témoigne : la peur immense, le travail forcé, le froid qui tue tout autant que les coups, la promiscuité et la faim. Partout, et ce témoignage vient faire écho à tous ceux qu’on a déjà lus (de Primo Lévi à Elie Wiesel, en passant par Raphaël Esrail, Simone Veil, Marceline Loridan et… Ginette Kolinka) ce n’est que tristesse, maladie, malnutrition et mort. Mais il y a aussi de rares instants de grâce et de fraternité, comme celui où un prisonnier de guerre prend tous les risques pour la conserver en vie. 

Izabela va perdre sa mère qu’elle aime par-dessus tout. C’est dans ses bras qu’elle décède, sur le sol noir de Bergen-Belsen. Izabela va revenir seule de l’enfer sur terre. Et c’est seule qu’elle va se reconstruire avec une force et une détermination hors du commun. 

Après avoir guéri du typhus en Suède, elle finit son voyage en France, avec un appétit de vivre intact, une bonne dose humour et surtout une intelligence hors normes. Le reste est à découvrir dans le livre…  Et notamment comment elle est devenue une championne d’échecs, sacrée même Championne de France onze ans après son arrivée en France ! 

Lisons pour conclure la fin du post de Julien Song à son sujet : « Lors de la libération de son camp par l’armée britannique en avril 1945, Isabelle ne pèse plus que 25 kilos. Après avoir été secourue, elle part en France vivre avec son oncle, et de là, plus rien n’arrêtera sa passion pour les échecs. Dans un milieu d’hommes, elle se fait remarquer pour son incroyable talent et raconte : ‘Quand ils jouaient avec moi, ils allaient se promener, mais quand ils revenaient, ils étaient échec et mat !’. En 1956, c’est la consécration et Isabelle devient Championne de France d’échecs. Aujourd’hui, Isabelle est Présidente de l’Union des déportés d’Auschwitz et continue à témoigner pour transmettre. Encore récemment en mars 2022, elle est intervenue dans le lycée Louis-de-Broglie en Yvelines pour partager son histoire’. 

Merci à Mme Choko d’avoir témoigné de ce parcours terrifiant et magnifique à la fois. Merci à Julien Song de nous en avoir parlé pour me mettre sur son chemin littéraire ! 

© Gérard Kleczewski

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