Le 20.04.2023, la chaîne 12 a de nouveau interviewé, vers 18 : 00 heures, Aharon Barak, le gourou entouré d’une dévotion confite. Celui qui se déclare, en Israël, comme une sommité mondiale du droit, dont on vénère les paroles comme si elles ont été énoncées au Mont Sinai.
Il a récidivé concernant la nomination d’un juge marocain à la Cour Suprême alors qu’il en assurait la présidence de 1996 à 2007. Cette fois-ci, c’est avec perfidie qu’il a répondu à cette question posée par la présentatrice Nathalie Ben Tov alors que devant sa maison des manifestants dénonçaient bruyamment son racisme maroco-séfarade et sa couardise de ne pas sortir s’expliquer avec eux et devant eux.
La réponse qu’il a servie à la présentatrice de cette chaîne sera sûrement retenue par ses biographes tant elle ramène à de justes proportions celui qui se considère comme siégeant sur l’Olympe parmi les dieux. « Combien d’avocats marocains y avait-il dans les années cinquante ? » Entendez peu ou pas du tout ?
J’avais à l’époque presque cinq ans. Mais j’ai appris plus tard qu’il y avait au moins un lequel tenait une officine à Tanger, sa ville natale, qui avait dans ces années-là, un statut de ville internationale. Il s’appelait Carlos de Nesry, avec la particule que vous n’avez pas A. Barak. Avocat et intellectuel de haut niveau, puisqu’il a publié deux ouvrages sur la condition juridique des Juifs de Tanger et des Juifs du Maroc. Pour les suscpicieux, je vous renvoie aux Actes des Colloques d’Intellectuels Juifs de langue française auxquels il était fréquemment invité. (Voir par exemple son intervention au cours du débat suscité par la lecture talmudique de Lévinas au colloque sur le Pardon, dans Face à l’histoire : le Pardon, PUF, Paris, 1965, p. 329-330 et p. 373-374 ). Intellectuel doublé d’une solide connaissance de la tradition juive qu’A. Barak se vante d’ignorer.
Si j’ai évoqué Carlos de Nesry c’est qu’il n’était certainement pas le seul. Je rappelle à Barak qui ignore tout de l’histoire des Juifs du Maroc, qu’entre 1912 – date du début du Protectorat français sur le Maroc – jusqu’aux années 50, trente huit ans se sont écoulées. Et grâce au réseau scolaire de l’Alliance Israélite Universelle, pas un village qui n’eût une école primaire où l’enseignement était dispensé en français. L’Alliance qui a ouvert sa première école en 1860 à Tétouan et deux ans plus tard à Tanger a donné les outils à des générations de Juifs jusqu’après l’Indépendance du Maroc en 1956 pour accéder d’abord aux lycées, puis aux études supérieures. Et n’en déplaise à cet ignorant de Barak, en une génération – une seule – nous avons comblé un handicap que les Juifs d’Occident et de l’Europe de l’Est, ont mis deux siècles à compenser, puisque l’Emancipation date de la fin du 18è siècle…
De sorte que l’on peut avancer sans risque de se tromper que s’il y avait un avocat, il devait y en avoir d’autres, beaucoup d’autres au Maroc, en France, en Espagne, au Portugal, en Suisse, en Belgique et en Angleterre. Oui, des avocats et des juges marocains. Et pas seulement des avocats – mais des médecins, des professeurs d’Université, des écrivains et des philosophes. Hélas pas en Israël. Savez-vous pourquoi ou feignez-vous de l’ignorer ? Encore un accroc dans votre formation. Mais je vais vous rafraîchir la mémoire. C’est que les gouvernements que vous adulez avaient envoyé dans les villes de développements leurs ‘meilleurs enseignants’[1] pour former les enfants que les immigrants-olim leur confiaient. Résultat : seul itinéraire ordonné les ‘écoles professionnelles’, sur instruction de Ben Gourion, pour en faire des peintres, des maçons, des menuisiers et afin qu’ils ne contaminent pas les ‘Blancs’[2]. Mais cette sombre histoire vous a échappé, occupé que vous étiez à remplir votre cervelle de manuels de droit où l’on n’enseigne pas le sens de la justice, mais la stricte application de la loi. Des têtes bien pleines et non pas des têtes bien faites. Si vous aviez eu l’humilité de consulter les sources juives, vous auriez découvert par exemple l’enseignement de R. Shmuel bar Nahmani transmis au nom de R. Yonatan « Un juge doit toujours se représenter qu’il a une épée entre les reins et la Géhenne ouverte à ses pieds… » (Sanhédrin 7a et b), car rendre justice n’est pas un acte que l’on accomplit à la légère !
En un mot vous installez, vous et vos proches, une discrimination sociale et politique intentionnelles et vous vous plaignez du manque d’avocats marocains au cours des années cinquante. Ceux-ci lisaient les journaux français distribués au Maroc et savaient ce qui se passait dans ce pays – les passe-droits, la protektsia dont a bénéficé votre femme et votre fille, de votre propre fait. Ils ont donc choisi de rester au Maroc ou de partir s’installer ailleurs.
Moi je suis venu ici, il y a 13 ans, pour dénoncer ces crimes politiques – les injures de journalistes à la solde, de personnalités politiques soit disant importantes et de sociologues à la noix dans les chaînes télévisées, dont on a abreuvé mes parents et moi-même depuis mon arrivée. Il ne s’agit pas seulement de ma communauté, mais aussi des Yéménites dont on a volé les nourrissons, vols organisés et programmés, ainsi que les Ethiopiens que l’on arrête pour délits de faciès – c’est-à-dire vos frères et pour les consigner dans un ouvrage à paraître, pour l’instruction de nos descendants. Je n’ai pas pu obtenir votre adresse courriel, je vous aurai adressé ces remarques directement en hébreu. Car l’histoire va plus vite que la cicatrisation des plaies.
En tout cas, vous avez raté une occasion de vous taire car à chacune de vos récentes interventions vous ne faites que dégrader et détruire l’image que vous avez mis des décennies à forger de vous-mêmes et à diffuser dans la société israélienne. Elle devient vraiment lamentable[3] !
© David Banon
David Banon est professeur émérite à l’Université de Strasbourg
Notes
[1] Les guillemets indiquant par litote le faux sens.
[2] Voir la déclaration pleine de venin de D. Ben Gourion citée dans Lettre ouverte à Naftali Benett, ministre de l’Education, de Sami Shalom Shétrit publiée dans Haaretz du 21.05. 2015 où vous trouverez cette discrimination.
A paraître prochainement dans mon livre, Le sionisme défiguré. Eléments pour une contre-histoire séfarade, p. 89.
[3] Après avoir écrit ce petit article, je découvre dans le quotidien Haaretz du vendredi 21.04.2023, un billet de Roguel Alper sur la même question qui se veut humoristique ou plutôt satirique. C’est d’une vulgarité à faire vomir, utilisant des jurons, des mots orduriers qui dérapent en scatologie. Aucun quotidien qui se respecte en Europe n’aurait publié ce “billet”… Mais le papier supporte tout. N’est pas Canard Enchaîné qui veut !
Bravo pour ce témoignage. Ne pas oublier le vieux yishouv, les authentiques pionniers que les bolcheviques qui ont pris le pouvoir par la force ont oppressé, et même assassinés.
Au delà des frontières d’Israël, le monde est enclin a encenser toute cette secte des contempteurs du peuple juif, c’est ainsi que des écrivains médiocres deviennent des lumières à l’étrangers, des « intellectuels » délateurs et des chanteuses « engagées » des « justes » à Sedom et des cinéastes sponsorisés sont ipso facto primés.
Barak est en pleine dépression. Il avait affirmé lui-même sur KAN 12 qu’il ne croyait pas en D.. Mettez vous à sa place : Comment justifier sa place sur cette terre si on ne se réfère pas aux textes bibliques et encore moins si on ne croit pas en D…
J’ai plus pitié pour lui car il est complètement satellisé.
D’ailleurs au cours de cette même interview, le journaliste lui a demandé s’il pouvait réciter le premier verset de Chemaa Israel, il ne savait même pas de quoi il s’agit.
Pauvre Barak, il sera vite oublié
Monsieur David Banon joue habilement avec des semi-verites qui sont, comme chacun sait, pires que des mensonges. Le grand malheur de la communaute nord-africaine est qu’elle est arrivee en Israel sans ses cadres lesquels, eduques par L’Alliance Israelute Universelle qui avait fait du bon travail, aencourage ses anciens eleves a devenie de bons Francais.
Dans les années soixante, alors que le jeune Etat d’Israel se debattait dans ses problemes multiples, que les colonies se liberaient et que les Juifs devaient quitter les lieux ou ils avaient toujours vecu, les familles nord-africaines – quand ellles pouvaient le faire – se sont scindees. on a expedie en Ssral les vieux parents avec la ribambelle d’enfants aux bons soins du peuple juif, et les jeunes instruits, forts et ambitieux ont opte pour la France et le Canada.
Ce n’est donc pas a cause de Barak qu’on manque de juristes marocains. IL y en a, mais ils ne sont pas ici. ils ont choisi – eux ou leurs parents – de ne pas etre ici.
Heureusemnet, La situation est en train de changer et il n’y a plus que les brailleurs professionnels a nous reprocher les erreurs d’il y a cinquante ans.
A
Vous avez tout mon respect Monsieur.
ROSA