TRIBUNE. L’hommage de David-Olivier Kaminski aux avocats Pierre Haïk et Hervé Temime, morts cette année

Les avocats Hervé Temime et Pierre Haïk. © MARTIN BUREAU / AFP. Joël SAGET / AFP

Dans une tribune, David-Olivier Kaminski, avocat au Barreau de Paris, rend hommage aux avocats Pierre Haïk et Hervé Temime.

« Ils étaient deux monstres sacrés. Ils étaient deux immenses ténors. Des avocats de la race des seigneurs de la Défense pénale. Les défendre tous, mais les défendre bien, sans jamais rien lâcher, sans jamais renoncer. Ils avaient créé un style de défense au début des années 80, rompant avec le classicisme en matière de droits de La Défense.

Ils étaient aux côtés de leur compagnon de barre et d’amitié Thierry Herzog, des statuts du commandeur pour nous tous jeunes avocats collaborateurs arrivés au barreau dans le courant des années 90.

L’immense héritage humain et professionnel que Pierre Haïk nous a légué

Pour commencer, Pierre Haïk était mon maître de stage. Il a formé une génération d’avocats pénalistes. Nous étions des dizaines d’anciens collaborateurs de Pierre Haïk et Jacqueline Lafond, orphelins lors de ses obsèques le 24 février dernier. Mais quel immense héritage humain et professionnel Pierre Haïk nous a légué.

L’humanité de comprendre son client, et non d’adhérer à sa cause. Par essence sa défense doit être portée. L’humanité de savoir porter l’humanité d’un homme que tout accuse. L’humanité tout simplement d’être l’avocat d’un prévenu dont le procès d’un jour peut marquer sa vie pour toujours.

Quand Pierre Haïk prenait la parole, il avait déjà arpenté le fond de la salle d’audience et avait mâchouillé sa bavette de baveux splendide. Puis l’énergie de la force de conviction jaillissait de sa bouche et tout son corps. Par son génie, il parvenait à ébranler la conscience des juges et à faire évoluer leur intime conviction. Un jour, un juge d’instruction m’avait confié : la chance pour l’accusé serait que Pierre Haïk le défende. Pierre a accepté de le défendre pro Bono et l’homme fut acquittée.

Hervé Temime, grande voix du barreau, défenseur de la présomption d’innocence, un sphinx dans notre profession

Pour terminer, avec Hervé Temime. Il était un sphinx dans notre profession. Son brio, son panache, son intelligence, son sens aigu de la stratégie judiciaire ont fait de lui le meilleur avocat pénaliste de France. Il avait un palmarès de succès judiciaire hors norme. Sa lecture des dossiers ne valait nulle autre au palais. Il voyait clair et empruntait le meilleur chemin pour sauver son client.

Sa finesse d’analyse était poussée au firmament par des plaidoiries profondément humaines et en même temps très techniques. Nous étions réunis ce 16 février dernier pour un débat technique de fond devant la chambre de l’instruction dans un lourd dossier de pénal financier. C’était la dernière fois que je l’entendrai plaider avec cœur et force, pour une fois encore, sortir son client d’une mise en examen qu’il estimait infondée.

Dans ce huis clos judiciaire, des audiences entre professionnels, Hervé Temime était étincelant d’intelligence, d’arguments pointus et d’une force de persuasion rare. Après cette audience, il avait eu la générosité confraternelle d’inviter à prendre un verre ses collaborateurs ainsi que les confrères qui étaient présents à cette audience.

Au « Deux palais », Hervé nous refaisait le monde. Sa vision de la vie professionnelle des avocats aujourd’hui, la dureté du métier, faisait de lui la plus grande référence dans notre barreau. Entouré de tous les confrères, Hervé évoquait les mœurs judiciaires comme personne, refaisait avec nous le débat merveilleux de sa vision de nos institutions judiciaires et de la Justice.

Son regard précis et en même temps profondément humain sur notre profession, notre relation avec les magistrats, faisait d’Hervé Temime, le doyen moral et référence indiscutable d’une profession dont il témoignait d’une pratique tout autant intègre, exemplaire, loyale et confraternelle. La clameur du brio de ses plaidoiries dépassait largement l’enceinte des salles d’audience.

Un peu comme les plus grands de notre profession, à une époque où il n’y avait pas les réseaux sociaux, le génie de ses expressions puissantes lors de ses plaidoiries, passaient d’un avocat à l’autre comme on transmet le métier d’avocat dans l’oralité d’un Maître de stage à un collaborateur.

La disparition presque coup sur coup de ces deux Grands Maîtres du Barreau, ne peut que nous donner le vertige sur le sens des responsabilités qui incombent à ceux qui portent la robe noire. Chers Pierre et Hervé, nous sommes nous tous vos obligés. Vous qui avez pendant des décennies formés des bataillons de jeunes avocats. Vous qui avez transmis le feu sacré à des milliers d’avocats, nous sommes là aujourd’hui à porter tout à la fois votre mémoire, votre savoir et l’honneur de la défense pénale.

L’immense Jean-Louis Pelletier, parti lui aussi, il y a quelques mois, disait avec force : « Nul avocat n’est à la hauteur de ce métier ». Aujourd’hui, tous en cœur, nous répondons à Hervé et Pierre qu’ils l’étaient, qu’ils nous l’ont montré tels des premiers de cordées…« 

© David-Olivier Kaminski

https://www.lejdd.fr/societe/tribune-lhommage-de-david-olivier-kaminski-aux-avocats-pierre-haik-et-herve-temime-morts-cette-annee-134897

Avocat pénaliste, David-Olivier Kaminski intervient dans le pénal des affaires, financier, fiscal, le pénal international, le pénal médical.

Son militantisme contre l’injustice, l’antisémitisme et le racisme, nourri du souvenir de son père dont il assume l’héritage avec fierté et gratitude, l’a conduit à « servir » tant au sein du BBYO que du B’nai B’rith, du CRIF ou de la Licra.

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