Et la vie continue. C’est vrai. Elle continue. Sauf quand, évidemment, elle s’arrête. Mais dans l’ensemble, elle continue…
Après avoir ainsi tourné en rond pendant des jours, les sept premiers, assise sur un matelas par terre, ou debout les yeux dans le vague, et les suivants perdue au milieu d’une phrase, d’une pensée, d’un souvenir, je suis partie ce matin, sac de sport sur l’épaule, et cœur dans les chaussettes pour mon tapis de course.
Entre-temps, le peuple juif a semé Pharaon et son armée à travers mer pour sortir d’esclavage. Je l’ai célébré aussi. Puisque la vie continue. Avec les plaies. Les dix d’Égypte, de l’eau qui se transforme en sang jusqu’à la mort des premiers nés, en passant par les grenouilles, la peste et autres ténèbres, et les nôtres, plus banales, avis d’huissier, panne Internet, rupture amoureuse, décès d’un proche.
Cette vie qui continue est un combat quotidien. Ma vie qui continue est un combat quotidien.
Même me lever à l’aube pour aller à la gym, au lieu de m’abandonner une heure de plus au sommeil et avec lui à l’oubli. Même cette heure d’exercice physique qui “me fait un bien fou”, selon mon discours officiel. Même cuisiner, écrire, voyager, m’habiller, et sortir avec des amis. Même ma famille, que j’adore. Même…
Je continue. Avec la vie.
La vie qui continue, outre les drames personnels et les célébrations collectives, c’est aussi les roquettes qui sifflent dans le ciel, qui explosent dans un champ, sur le toit d’une maison – pas de morts pour l’instant – les enfants qui courent dans la nuit jusqu’au prochain abri, le vacarme des avions, les bombes, les leurs, les nôtres, la haine et la folie des hommes.
La vie qui continue, cette nuit, c’était la guerre.
Je marchais donc sans grand entrain ce matin vers ma salle de gym, ressassant les nouvelles des attaques dans le Nord, dans le Sud, quand soudain… J’ai pensé à mon fils. Le souffle coupé. Me rappelant les événements d’il n’y a même pas un an, l’opération “Gardiens des Murailles”. Les missiles qui avaient frappé jusqu’au centre du pays. Et mon fils là-dedans, venu s’installer ici, en Israël, la semaine dernière. Mon fils qui ne peut pas savoir où se trouve son abri, celui qu’il peut atteindre en moins d’une minute et demie. Mon fils, qui ne connaît la guerre qu’en théorie. Films, livres, ou reportages, même les plus gores, rien ne prépare vraiment à la réalité des avions, des sirènes et du tonnerre de peur qui explose dans le ventre.
Je lui ai donc envoyé un bref message à ce sujet – vérifier d’urgence la localisation de l’abri le plus proche – juste avant de monter sur mon tapis de course. Parce que la vie continue. Elle fonce sans s’arrêter de minute en minute. J’ai chaussé mes écouteurs, décidé sans hésiter de renoncer au Podcast. Je n’étais pas d’humeur. Pour me brancher sur la radio et les infos.
On y transmettait en boucle un message rassurant. Tout va bien. C’est fini. Retour à la “routine”. À la routine…
Ben oui, quoi. La vie continue !
© Judith Bat-Or Jeudi 6 avril 2023
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