L’Algérie a réussi à fabriquer un peuple atteint d’une maladie auto-immune nommée arabisme, qui la phagocyte. Comment ? D’abord par décret. Le décret a la puissance d’une fatalité. “Koun-fa-yakoun” (Et il lui ordonna d’être et il fut). L’empire rêvé balbutie, baragouine puis perd les mots des origines, pour enfin éprouver de la honte à loucher encore vers la langue des mères. Puis, finit par se haïr et se mutiler. Si bien qu’un Algérien qui tient à son algérianité est un zouave, un harki, un Bulgare, un communiste, un laïque ou un enfant de la France… Il est tout et n’importe quoi, du moment où cela ressemble à de la traitrise.
Lorsqu’on voit la direction que prennent les pays du Golfe, on se demande si ces pays arabes qui nous ont refilé ce cancer de l’identité fantasmée ne sont pas en rémission et qu’entre temps la maladie en nous se métastase. Au moment où ces pays austères s’ouvrent sur la modernité et sur le monde, l’Algérie fait le choix de l’enfermement et du repli sur soi. Aux campagnes de voilement dans les universités algériennes, le pays de Ben Salmane répond par les fêtes du cinéma et les shows musicaux où des femmes en petite tenue se donnent en spectacle.
Avant, et à quelques jours du ramadan, les terroristes du FIS (Front Islamique du Salut) piégeaient des poubelles, maintenant, ils minent nos femmes. Des bombes à retardement dont les dégâts se compteront en décennies perdues. La mère est une école, prépare-la et tu auras Daech… À tous les coups. Et ils le savent…
Les Saoudiens ont aussi accueilli récemment un enfant du bled. Ému aux larmes, Enrico Macias chantait fièrement l’Algérie. Pays qui lui voue majoritairement haine et rejet. Le “Sioniste” est le bienvenu à la Mecque, mais pas à Constantine, sa ville de naissance ! À croire que la sainteté d’Alger est supérieure à celle de Ryad et que l’épicentre de l’arabité s’y est définitivement établi. Si bien, qu’à force de dévotion et de zèle, le rêve algérien inavoué, de voir pousser une autre Qaaba, à Blida ou à Boufarik, risque miraculeusement de se concrétiser. Qui sait, on peut toujours prier, il paraît que ça aide à soigner ses frustrations! Passons!
L’amnésie est le solde de tout compte de l’ignorance. C’est ce qui reste à négocier entre oublieux. C’est cette incompréhensible haine de soi, à vouloir absolument appartenir à la Oumma et en être les guides, qui a poussé le club de football de la Saoura berbère à se travestir. Face aux Koweïtis, pour le compte de la racialiste League arabe, nos Arabes des champs ont joué avec des maillots floqués en Hijazi, là où les Koweïtis portaient des maillots floqués en caractère latin. L’équipe nationale n’est pas du reste, puisque Belmadi et ses poulains, qui ne sont pas à un fanatisme près, ont fait de même. C’est que la fédération algérienne de football et son sélectionneur résident du Qatar avaient, en 2020, frôlé l’exclusion pour avoir floqué les maillots en arabe et incité les joueurs à arborer le drapeau de la Palestine lors d’une joute internationale amicale. Des manifestations politiques interdites par la FIFA qu’aucun autre pays dit “arabe” n’ose faire. Chez les U17, on pouvait voir, sur une vidéo postée par la “Fédé”, le sélectionneur de la catégorie prononcer, avant un match important, des homélies dignes d’Al Qaradaoui. Sourates et Douaa comme tactique de jeu. Résultat : une cuisante élimination de toutes les compétitions continentales. Drivés par un Algérien et ex-sélectionneur de la Palestine, les U23 viennent de connaître le même triste sort. Gageons qu’ils s’étaient préparés, à un verset près, de la même manière que leurs cadets.
Après l’Indépendance, une bande d’arabistes à la solde de l’Égypte nassérienne a pris de force le pouvoir et a tatoué leur idéologie sur les peaux, drapeaux et murs. Puis l’a écrite dans le ciel et les imaginaires. Puis a fait fusiller les mémoires par des pelotons d’exécution autochtones, biberonnés à la haine de soi. Cette bande mafieuse a étouffé l’Histoire lorsqu’elle ne pouvait la corrompre et l’a torturée jusqu’au mensonge. Et partout, elle lança des razzias pour canarder les indécis, harceler ceux qui doutent et pourchasser les insoumis. Il fallait le crier dans les livres jusqu’à l’étourdissement, qu’on était Arabes pour chasser le doute, puisqu’il est l’ennemi des croyances et des empires mentaux. Il fallait dresser des certitudes parce qu’elles construisent des dévots aux inébranlables fois.
La question du “Qui nous sommes” est devenue désuète, dès lors que l’on pouvait se convaincre collectivement d’une filiation prophétique et d’une appartenance à une idée têtue qui s’assoit, impassible, sur les épineuses vérités comme un indolent fakir. On a troqué l’or pour du cuivre et on s’est enchaîné au boulet d’un ADN fantasmé. Un emprunt identitaire dont les intérêts se paient en générations cannibales. Des conquêtes à dos de chameaux aux guerres saintes sur TikTok.
Tout un chemin parcouru sur la route de l’effacement. Comme une preuve d’un masochisme assumé ou d’une dilution sans effervescence. Les tatouages sont des récits qui ont la peau dure. Ils sont là pour rappeler qui bannir et comment s’essuyer sur la filiation et l’ADN. C’est simple: il faut être un Arabe dans un sac prêt à exploser et attendre tranquillement sa résurrection dans la langue du paradis!
© Khalil Hebib
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