La Torah parle de moi dans une paracha qui s’appelle Balak, du nom d’un roi local.
Mon business, c’est prophète, et je suis meilleur que votre Moïse, d’après vos propres Sages qui expliquent que le verset “Il ne s’est pas levé en Israël de prophète semblable à Moché, veut dire que, dans le peuple juif, il ne s’est pas levé d’égal à Moché, mais que parmi les autres nations un tel prophète s’est levé” : c’est moi !
Drôle de religion qui dit que son prophète n’est pas le plus grand. J’en connais une de religion pas loin, si vous leur dites que leur prophète n’est pas le plus grand, vous ne finirez pas la phrase, ni aucune autre…
Je suis un scientifique, le seul au monde à savoir calculer la fraction de seconde durant laquelle l’Éternel perd patience chaque jour.
C’est pourquoi j’ai une clientèle très sélecte : les rois s’adressent à moi pour des prophéties, bénédictions et malédictions de bonne qualité. Le bon travail coute cher, et mes honoraires sont élevés.
Hashem venait de faire sortir les Hébreux d’Egypte et les ramenait Lui-même à Canaan, à travers les états voisins, Amalek, leur ennemi héréditaire, Og roi de Bashan, et Sihon roi des Amorréens, qui ont essayé en vain de les tuer au passage.
Balak, roi de Moab (vers la Jordanie), un des pays traversés, les voit arriver et panique. De plus, il parait qu’il a vu que le Messie descendrait de lui*, et le Messie pourrait bien être moabite et non pas juif s’il chassait les Juifs…
Comme la force des Hébreux est dans leur bouche, les Madianites et lui décident de faire appel à un homme dont la force est dans la bouche, votre serviteur : un prophète pour vaincre le peuple dont le chef est un prophète. Futé !
Je suis le plus grand prophète des 70 nations, et je pourrais être le prophète du monde entier si les Juifs et leur prophète disparaissaient…
Balak m’a envoyé une délégation princière pour me porter sa demande : “Un peuple est sorti d’Egypte ; déjà il couvre la face du pays, et il est campé vis-à-vis de moi. Viens donc, je te prie, et maudis-moi ce peuple, car il est plus puissant que moi : peut-être parviendrai-je à le vaincre et le repousserai-je du pays. Car, je le sais, celui que tu bénis est béni, et celui que tu maudis est maudit”.
Nous faisions tous comme si les Hébreux allaient envahir Madian et Moab, alors que tout le monde sait que les enfants d’Israël ne se sont jamais intéressés qu’à la Terre du même nom qui leur a été promise.
Comment vous expliquer ? L’antisémite doit s’approprier Israël : par exemple, les Argentins se persuadent que les Sionistes veulent envahir la Patagonie, ça s’appelle le Plan Andin.
L’affiche ci-dessous mixe astucieusement le Plan Andin, le Juif et l’argent, le Juif bouc émissaire et le Juif assassin du Christ :
Argentine crucifiée par un Juif avec des clous en forme d’ étoiles de David
Certes, je suis antisémite : c’est moi qui ai conseillé à Pharaon de noyer les garçons hébreux (il m’a écouté) et de tuer Moïse bébé (il ne m’a pas écouté), puis à Amalek d’attaquer les Hébreux lors de leur sortie d’Egypte (il m’a écouté).
Mais je suis un vrai prophète, pas un charlatan comme ce “devin” gaulois, Prolix, qui prétend lire l’avenir dans la soupe chaude et la cervoise tiède (ce qui est techniquement impossible)
Et qui a prédit à Jules César : “Tant que Brutus sera près de toi Ô César, tu n’auras rien à craindre” : il a été la risée des collègues au Congrès International des Devins de 43 av. EC, comme Paco Rabanne* à celui de 2000 !
Moi je consulte réellement Hashem. Quand Il m’a répondu : “Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni !”, j’ai dû refuser le job.
Balak a insisté, et comme il y avait beaucoup d’argent à se faire, j’ai redemandé à Hashem qui a été plus réceptif : “Puisque ces hommes sont venus pour te mander, va, pars avec eux! Et cependant, les ordres que je te donnerai, ceux-là seulement, tu les accompliras !”
Sur le chemin vers le campement des Hébreux, j’ai eu un accident d’ânesse, j’aurais dû me méfier.
Et quelle humiliation pour un prophète de mon niveau, quand les anges ont parlé à mon ânesse et qu’elle m’a fait la leçon devant les princes moabites. Je me console en me disant que c’est Hashem lui-même qui a créé, lors de la création du monde “la bouche par laquelle l’ânesse de Balaam parlera”.
Ensuite, j’ai contemplé les Hébreux depuis une hauteur et j’ai délivré mon oracle : “II me fait venir d’Aram, Balak roi de Moab ; il m’appelle des monts de l’Orient : ‘Viens maudire pour moi Jacob ! Oui, viens menacer Israël !’ Comment maudirais-je celui que Dieu n’a point maudit ? Comment menacerai-je, quand l’Éternel est sans colère ? Oui, je le vois de la cime des rochers, et du haut des collines, je le découvre : ce peuple, il vit solitaire, iI ne se confondra point avec les nations. Qui peut compter la poussière de Jacob, nombrer la multitude d’Israël ?’
Le client était furieux, mais ce n’est pas moi qui décide de l’oracle. Je ne suis pas un maudit-oui oui !
J’admets que ce n’était pas ce qui m’était demandé, mais quand même, c’était de la prédiction de haut niveau : un peuple qui “ne se confondra pas avec les nations”.
Les prédictions à long terme, c’est les plus dures, forcément.
Vous prenez un Juif, avec son livre de prières, sa femme et ses enfants et son étoile d’or, vous le mettez en Babylonie, en Arabie, en Pologne ou en Occident, n’importe où hors d’Israël : 1000 ans plus tard, il sera toujours un étranger, persécuté et chassé comme Juif !
Comme je l’avais dit…
Balak a eu beau me les montrer depuis d’autres endroits, il me sortait toujours des bénédictions. C’est pas ma faute, c’est Hashem qui m’a obligé !
Je suis peut-être un racha* mais vous me devez votre plus belle bénédiction :
“QU’ELLES SONT BELLES TES TENTES, O JACOB ! TES DEMEURES, O ISRAËL !”
Ça m’est sorti comme ça, parce que les entrées de vos tentes ne se faisaient pas face, préservant votre intimité.
Et que ça représente vos synagogues et maisons d’étude, qui n’ont jamais disparu malgré vos malheurs et vos exils.
Balak m’a hurlé dessus, surtout quand je lui ai prédit que “un astre s’élance de Jacob, et une comète surgit du sein d’Israël, qui écrasera les sommités de Moab”.
Il m’a viré sans même régler mes frais de déplacement et de sacrifice.
Comme je suis antisémite et pervers, je leur ai suggéré un autre moyen pour qu’Hashem s’enflamme de courroux contre les Hébreux.
Un bon devin est surtout psychologue : j’ai observé que la faiblesse des Juifs, ce sont les belles étrangères.
C’est Flavius Joseph qui décrit mon conseil, que Rachi ne fait qu’évoquer :
“Balac, dit-il, et vous, Madianites ici présents – car il faut qu’en dépit de la volonté divine je vous donne satisfaction -, sans doute, la race des Hébreux ne périra jamais complètement, ni par la guerre, ni par la peste, ni par la disette des fruits de la terre, et aucune autre cause imprévue ne l’anéantira. Dieu, en effet, prend soin d’eux pour les préserver de tout mal et ne jamais laisser s’abattre sur eux une catastrophe qui les fasse tous périr. Il pourra bien leur arriver quelques désastres de moindre importance et de moindre durée, mais ils ne paraîtront abaissés ainsi que pour refleurir ensuite à la terreur de ceux qui leur auront causé ces dommages.
Quant à vous, si vous désirez gagner pendant quelque temps un peu d’avantage sur eux, voici, pour y arriver, ce qu’il vous faudra faire. Celles de vos filles qui ont le plus d’attraits extérieurs et sont le plus capables par leur beauté de contraindre et de vaincre la chasteté de ceux qui les regardent, après avoir paré leurs charmes pour leur ajouter le plus d’agrément possible, envoyez-les à proximité du campement des Hébreux, et donnez-leur l’ordre de s’offrir aux jeunes gens qui les désireront. Lorsqu’elles les verront sous l’empire de leurs passions, qu’elles les quittent et, s’ils les supplient de rester, qu’elles ne consentent pas avant de les avoir persuadés de renoncer aux lois de leurs pères et au Dieu qui les leur a imposées, et d’aller servir les dieux des Madianites et des Moabites”.
Balak leur a envoyé ses plus belles Moabites, et les filles de Moab ont été à bonne école, si vous voyez ce que je veux dire *…
La Torah raconte : “Le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab. Elles convièrent le peuple à leurs festins idolâtres ; et le peuple mangea, et il se prosterna devant leurs dieux. Ceux qui avaient péri par suite du fléau étaient au nombre de vingt-quatre mille”.
Mon plan a bien marché jusqu’à l’intervention surprise de Pinhas, le petit fils d’Aaron, qui a transpercé un prince hébreu et sa Moabite en pleine action.
C’est lui et ses hommes qui m’ont tué. Un Cohen Gadol* tueur, je ne l’avais pas prévu.
J’ai laissé un souvenir impérissable à vos Sages qui disent : “Celui qui possède un œil mauvais, un esprit arrogant et une personnalité grossière fait partie des disciples du méchant Bilam”
© Joëlle Galimidi
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Notes – Lexique
Racha : méchant
Balak est l’ancêtre de Ruth, qui est l’ancêtre du roi David, qui est l’ancêtre du Messie.
Paco Rabanne a prédit que, d’après Nostradamus, la station spatiale Mir allait s’écraser sur Terre et détruire Paris lors de l’éclipse solaire du 11 août 1999 à 11h22
Flavius Josèphe : historiographe romain juif d’origine judéenne né à Jérusalem en 37/38 et mort à Rome vers 100
Moab (Mé-ab : qui vient du père)
Pentateuque – Genèse – parachat Vayera : 30 Loth monta de Çoar et s’établit dans la montagne avec ses deux filles …31 L’aînée dit à la plus jeune : …32 Eh bien! enivrons de vin notre père, partageons sa couche et par notre père nous obtiendrons une postérité.”… 37 La première eut un fils, qu’elle appela Moab ; ce fut le père des Moabites qui subsistent aujourd’hui.
Cohen Gadol : Grand Prêtre
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Sources
Pentateuque Nombres parachat Balak
Midrach Bamidbar rabba 14,20
Bera’hot, 7a
Sanhèdrin 105b et 106a
Baba bathra 60a
L’étoile d’or d’Herbert Pagani
Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe
Balac et Balaam de Stéphane Zagdanski
Rav Dynovisz : Balak et Balaam
Rav Touitou : parachat Balak une ânesse qui parle
Pirké Avot 5,19
Merci au groupe Limoudenou
© Joëlle Galimidi
Me Joëlle Galimidi, avocate depuis 35 ans, est associée du Cabinet d’avocats HM GALIMIDI, à Paris. Impliquée dans des associations juives (Hilel Campus), sensibilisée par la professeure Liliane Vana au problème des femmes en attente de Guett, Me Joëlle Galimidi participe à des ateliers et conférences sur le Guett.
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