Entre la France et Israël qui se partagent la Une mondiale des manifestations, la différence majeure est géopolitique. A l’extrémité Ouest d’une Union européenne pacifique, la France ne court aucun risque quant à son existence et risque peu d’être une cible prioritaire si la guerre en Ukraine dégénère en conflit nucléaire.
Israël fait face à une menace existentielle. L’Iran qui, d’après le directeur de l’AIEA, a déjà enrichi suffisamment d’uranium pour fabriquer plusieurs armes nucléaires, s’insère aujourd’hui dans une alliance avec la Chine et la Russie qui risque de pulvériser les Accords d’Abraham. Il améliore ses relations avec les Émirats et surtout vient de signer, sous parrainage chinois, un Accord avec l’Arabie Saoudite, son prétendu ennemi irréductible. « L’alliance américaine est plus vitale que jamais pour Israël », vient de souligner le Général Zeev Snir, Président de la Commission atomique israélienne, « et la crise dans le pays fragilise cette alliance ».
Une autre différence entre la France et Israël est leur trajectoire économique. Autant un sentiment de déclassement pèse sur la France, autant le dynamisme et l’inventivité d’Israël suscitent l’admiration et parfois la jalousie. Un récent sondage sur le bonheur, qui met Israël à la 4e place dans le monde, révèle une autre facette de son succès. Là encore, celui-ci est en danger du fait de la crise.
Une troisième différence tient au public des manifestants. Chez nous, ils forment ce que certains appellent « la France d’en-bas ». L’Israël qui manifeste serait plutôt, mais pas uniquement, l’Israël « d’en haut ». Certains opposent un Israël des « soi-disant élites gauchistes déjudaïsées » et un « vrai peuple » auquel ces élites se permettraient indûment de faire la leçon. Entre Ben Gvir et Mélenchon, qui tous deux dissocient un pays réel d’une élite illégitime, une paradoxale comparaison s’impose.
C’est une maléfique entreprise que d’approfondir la césure en Israël entre sépharades et ashkenazes, entre religieux et non religieux, alors que la seule césure qui compte devrait être entre ceux qui sont prêts à défendre leur pays et les autres.
La réforme des retraites en France et celle des institutions judiciaires en Israël ont en commun de ressembler à un bras de fer portant sur des points secondaires. Pendant des années, Benjamin Netanyahu n’a pas critiqué la Cour Suprême et chacun sait que la loi sur les retraites impactera très peu l’endettement abyssal de la France. Ces projets ont pourtant fracturé les deux pays.
En Israël, les partisans des réformes ont des arguments à faire valoir. Oui, la Cour Suprême et le Procureur général ont depuis 30 ans considérablement étendu leur périmètre d’intervention et leur autonomie décisionnelle. Oui, la Cour utilise parfois des critères juridiquement flous comme celui de « caractère raisonnable » et abuse probablement de l’entre-soi lors de ses renouvellements qu’elle garde sous son propre contrôle.
Mais il reste à démontrer qu’un seul de ses jugements ait gravement affaibli le fonctionnement de l’État. De fait, ce que n’ont pas oublié ses détracteurs est qu’elle n’a pas protégé les droits des citoyens israéliens expulsés après la décision de Sharon d’évacuer la bande de Gaza.. Mais sa réputation de gauchisme est surfaite: systématiquement saisie lors des destructions des maisons des terroristes, la Cour n’en a jamais mis en cause le principe, hérité du Mandat britannique.
Israël est ce pays qui a des lois dites « fondamentales », dont la signification est discutée, mais n’a pas de Constitution car Ben Gourion, pour ne pas entrer en conflit avec ses alliés religieux, a fait changer le nom d’ »Assemblée constituante » en celui plus neutre de « Knesset ». Aujourd’hui, le consensus nécessaire à la rédaction d’une Constitution risque d’être encore plus problématique qu’en 1950.
Israël n’a qu’une seule Assemblée législative à laquelle appartiennent les ministres, sans Cour de Justice pour juger le personnel politique, sans Cour de Cassation et sans Conseil d’État. La Cour Suprême fait fonction de seul contre-pouvoir au Premier Ministre, maitre de l’exécutif, du législatif et, comme Chef de parti, maître des carrières politiques de ses partisans, dans ce pays qui n’est qu’une seule circonscription électorale, avec des listes de candidats hiérarchisées, ce qui entraine des rapports de dépendance.
La Cour a su prospérer, et beaucoup de juristes appellent à des modifications de son fonctionnement. Mais dire que la majorité à la Knesset détient seule la vérité démocratique parce qu’elle représente la majorité du pays est un double contre-sens. D’une part parce qu’une majorité de coalition ne signifie pas que la majorité de la population soit acquise aux exigences des composantes les plus radicales de cette coalition, d’autre part parce que rien n’empêcherait dans le projet proposé, aujourd’hui mis en veilleuse mais non abrogé, que 61 députés, parce qu’ils ont peur de faire tomber le gouvernement, votent, même s’ils les réprouvent à titre personnel, des lois contraires à l’égalité entre les citoyens, entre les hommes et les femmes, entre les Juifs et les non-Juifs, entre les orthodoxes et les non-orthodoxes, entre les auteurs de certains délits et les auteurs d’autres délits, pour ne citer que quelques exemples…
Les manifestants Israéliens forcent le respect en ayant évité tout débordement dans des rassemblements dont le caractère spontané, massif, bon enfant mais déterminé témoigne de leur attachement aux principes démocratiques, qui, au-dessus d’une coalition de rencontre, sont fort bien résumés dans la Déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël, cet État dont on fêtera dans moins d’un mois le 75e anniversaire…
© Richard Prasquier
La vitalité du peuple d Israel et son engagement pour garder le pays sont magnifiques a observer .
Le mouvement qui s est levé contre la reforme avec son support mediatique unanime et sa sociologie tres » tel avivienne » me rappelle desagreablement la bienpensance que j ai connu en France 🥵.
Le comportement d anciens ministres dits de » gôche » est juste scandaleux 🥵
Les âneries prononçées a la Knesset par certains deputės » religieux » sont atterrants aussi , et la maladresse de Smotrich qui ennonce des verités avec si peu de finesse ne laisse rien presager de bon pour la suite de sa carriere 🥵
Bref , je suis confiant pour notre peuple , mais tres tres inquiet lorsque je mesure le tres faible niveau de la classe politique .
Bravo Monsieur Prasquier! C ‘est votre meilleur article : vérité, clarté, bon sens !
Je vais le relire encore ! Il le vaut bien !
« La France d’en bas »… »l’Israel d’en haut »…Ce qu’on appelle « la France d’en haut », c’est la France de Mr Homais…Pas vraiment la partie la plus brillante de la société. 🤢
Bon article de M. Prasquier, mais dommage qu’il soit terni par le dernier alinéa ; ce n’est pas parce que des manifestants ne cassent pas tout sur leur passage comme en France, qu’ils sont admirables, comme vous le sous-entendez, oubliant de dire que leurs slogans sont pour la plupart déconnectés de la réalité que vous décrivez pourtant bien, et violents à l’égard de tel ou tel ministre, et ceci sans oublier que leurs manifestations sont financées et pilotées par le tandem LAPID/SORROS ; donc je dirai plutôt que ces manifestants sont manipulés et téléguidés par ceux qui veulent garder ou récupérer leurs pouvoirs : en gros que ces manifestants sont les idiots utiles de ceux qui les manipulent.
Le tandem Lapid/Soros???? La, vous épatez. Je sais que l’on a l’imagination fertile quand on avance des arguments conspirationnistes, mais quand meme, il y a des limites. Si vous cherchez a savoir d’ou vient l’argent, vous devriez plutôt vous tourner vers Bibi, ses amis milliardaires, ses multiples procès auxquels il échappe par tous les moyens, y compris des elections a repetition jusqu’a arrivée au pouvoir des manifestants IDIOTS UTILES DE CEUX QUI LES MANIPULENT.
La comparaison est douteuse.
Sur les manifestations et les violences (celles de certains manifestants et celles de la milice macroniste) en Rance :
« L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part. »
Gustave Le Bon