Michel Dray.  Une époque pas formidable du tout

            Il était une fois, voilà bien longtemps, un pays qui s’appelait France et qui ressemblait à une sorte de capharnaüm humain, avec des riches qui s’entredéchiraient pour augmenter leur fortune et des pauvres envers qui on faisait croire que le bout du tunnel était proche. Quant à la classe moyenne, elle était comme une peau de chagrin. Et tout ce petit monde était comme agité par des individus dont la fonction semblait se résumer à faire la roue sur les plateaux-télés devant des spectateurs aux allures de perpétuels hibernés. 

            C’était une époque où on ne s’ennuyait pas

            Les manifs succédaient aux manifs, les black-blocs bousillaient vitrines et abribus, taguaient banques et distributeurs de billets ; bref, un temps où être gréviste était un métier d’avenir, où les vitriers connaissaient de jolis carnets de commande et où les voyous passaient en comparution immédiate avec l’assurance de sortir du tribunal munis d’un sursis à effet immédiat.  

           

 Quelle époque mes enfants !

            Sur les marchés, les prix avaient la fièvre ce qui, forcément donnait des frissons aux ménagères de plus de 50 ans, lesquelles pouvaient se brosser pour la retraite à 60 ans parce que pour elles, il y aura toujours des repas à préparer, du linge à repasser, de la vaisselle à ranger, des meubles à briquer, des tapis à aspirer et des fenêtres à nettoyer.  

            

C’était surtout une époque à la con

            En France, les valeurs, les traditions, la mémoire, enfin tout ce qui fait une nation partait en quenouille sans qu’on s’aperçoive des dégâts que cela générait, hormis d’extraordinaires lanceurs d’alerte que tout le monde admirait mais que bien peu écoutaient. Comme on dit, nul n’est prophète en son pays. 

            C’était une époque où il y avait encore des élections

            Ah les élections ! Ça faisait tourner formidablement la machine économique : carnets de commande saturés des instituts de sondage, émissions télé en prime-time avec des stars politiques de premier choix, donc des annonceurs publicitaires dernier cri, manne pour les imprimeurs de bulletins de vote, sans parler des tas de métiers dérivés générés par la démocratie (c’est comme ça qu’on appelait ce système économique). Aujourd’hui tout cela c’est de l’histoire. Les banques ont remplacé les ministères. Et comme aurait dit ma concierge si elle avait été encore en fonction (maintenant il y des codes d’entrée d’immeuble qui fonctionnent avec des smartphone obligatoirement agréés par Bruxelles : on les appelle des eurocodes), à cette époque c’était chacun pour soi et Dieu pour tous. 

            

Le wokisme, religion d’Etat

            Longtemps on a pensé que les religions finiraient bien par disparaître, que croire en Dieu deviendrait une valeur has-been. Mais à Bruxelles on a vu les chose autrement en créant une autre religion : le « woko-hijabisme ». C’est une sorte de croyance hybride, mêlant tout et n’importe quoi, autrement dit une cosmogonie à la mords-moi-le-nœud, et à propos de nœud, on peut dire que le woko-hijabisme est une théologie grand genre. Des grandes entreprises, notamment dans la confection et dans le sport, ont connu grâce au hijabisme une croissance quasi-exponentielle : lignes de vêtements de ville, de sport, de bains ; sandales de toute sorte, foulards haute-couture pour les riches, prêts-à-porter pour les momentanément gênés ; rappeurs soudainement fortunés et pour en finir avec cette croyance incroyable : tout cela est devenu religion d’Etat hors de quoi point de salut. 

          

  La querelle des trois coqs 

            Qui se souvient par exemple de cette bizarrerie qui durant plusieurs semaines a occupé les médias (déjà fortement wokisés). Reportez-vous au chapitre de votre livre d’histoire sur la naissance d’Euroland. Vous y lirez l’épisode désormais célèbre des trois coqs. Il y avait le philosophe Jean peg, (que tout le monde appelait Jpeg tant il soignait son image avant de soigner ses idées), un cadre supérieur religieux dont le nom a été oublié par la postérité, et Eric Oliveraie, un journaliste égaré dans la politique. Le philosophe accusait Oliveraie d’être un peu trop typé pour parler au nom d’une France pourtant assez Technicolor. Quant au cadre religieux, il soutenait Jpeg, ce qui, soit-dit en passant, était assez cocasse vu que Jpeg avait toujours revendiqué un esprit baudelairien limite « Fleurs du Mal », alors que le cadre religieux sortait d’une école plutôt hermétique aux Lumières.

Mais que reprochait-on à cet Eric Oliveraie ? Trois fois rien, une broutille : l’idée saugrenue du Grand Remplacement. Moi, j’ai toujours pensé que, la mort aidant, on sera toujours « remplacé » par quelqu’un. C’est comme ça. C’est la vie. 

            C’était une époque où les gens s’engueulaient allègrement, se mettaient franchement sur la gueule, écrivaient avec conviction tout et le contraire de tout. Et comme tout finissait alors par des chansons (et à cette époque le tube à la mode c’était « On est toujours là »  chanté par les groupies de la Chorale des Gréviste Travailleurs), cette querelle des trois coqs bien que présente dans vos manuels d’histoire est aux oubliettes depuis longtemps. 

Moralité : toute ressemblance avec des personnes qui ont existé (et qui sont depuis longtemps oubliées) n’est que pure coïncidence… 

© Michel Dray 


Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée. Il fut en 2021 Président du Jury du “Festival International de Cinéma et Mémoire commune” au Maroc.      


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1 Comment

  1. « Le racisme inversé et l’antisionisme, c’est-à-dire le racisme tout court et l’antisémitisme comme religion d’Etat » devrait-on dire.
    Pour ma part, je me situe à contre-courant de tous les défenseurs du « Monde Libre » et « démocratique » contemporains : contrairement à eux, je ne crois pas qu’une société devenue un mélange du Meilleur du Mondes, 1984, Fahrenheit 451 et Orange Mécanique mérite d’être défendue.

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