La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible. -2-

Judith Bat-Or

Qu’on ne se trompe pas, l’invisibilité n’a pas que des désavantages. Elle a sauvé Harry Potter de multiples dangers, par exemple. Sauf qu’il lui appartenait de décider où et quand apparaître ou pas. Pour ceux qui ne connaissent pas la saga : Harry possède une cape d’invisibilité ; et surtout quel dommage de manquer un pareil délice.

Revenons maintenant à l’invisibilité qui me tracasse personnellement mais qui ne comporte pas que des désavantages (voir plus haut). Je ne saurais expliquer le mécanisme psychologique qui conduit à cet état de choses, mais selon mon expérience, ne pas avoir à s’inquiéter du regard des autres sur soi nous permet d’observer plus librement le monde, de le voir différemment. Avec détachement.

Les premiers temps pourtant, j’en ai souffert, je dois l’avouer. Difficile de déterminer quand les gens exactement ont cessé de me remarquer, mais à l’ère du « On me voit donc je suis », cette époque où les actions les plus profanes de chacun, people avec petit ou grand « p « , sont documentées, diffusées, commentées, à l’âge de la représentation, j’ai sombré, je l’avoue, en réalisant que j’avais disparu des radars. J’avais cessé d’exister. Qu’allais-je faire de moi-même, cette entité désormais inutile, donc vacante ?

J’ai eu besoin de temps pour répondre à cette question. Le coup était rude et la réalité, violente. À dire vrai, je n’y suis pas parvenue. Je ne dispose donc pas de solution à proposer à ceux qui partagent ma disgrâce. Eh non, je ne participerai pas à la danse endiablée des recettes du vivre mieux, plus longtemps, plus beau, plus heureux. Cette tendance vous a-t-elle, à vous aussi, sauté aux yeux ? Personnellement, cette poursuite effrénée de perfection, d’éternité, avec tous ces remèdes, régimes, thérapies, coachings miracles, me donne le tournis.

Donc non, je n’ai pas de réponse. Chaque jour, il m’appartient de faire une œuvre de ma vie. Pour moi. Pour ceux que j’aime. Pareil pour vous. À chacun sa création.

En attendant, tout s’écroule alentours. Du moins, c’est ce que je  ressens. Le pays dans lequel je vis, mon beau pays, formidablement insolent, est en train de se trahir et comme des centaines de milliers d’Israéliennes et Israéliens, je me demande tous les soirs dans quelle société je me réveillerai demain. 

Nous, le peuple juif, avons déjà traversé tant de cyclones historiques, qu’il semble inimaginable qu’on n’en ait rien appris. Un de mes moi ne veut pas croire que nous risquons de tout perdre, une fois encore, cette fois de trop ?, et se nourrit de l’espoir que nous trouverons le moyen de mettre des bâtons dans les roues de ce nouveau cycle destructeur. Un autre moi se tapit au fond de mon cœur et prie. Que faire d’autre lorsque la haine empoisonne l’air que l’on respire, et qu’une coulée de fanatisme menace de nous emporter ? C’est exactement la question que se posent tous les autres moi.

© Judith Bat-Or


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