Gérard Kleczewski. Georges Bensoussan, un historien au service de la vérité

J’ai assisté hier au soir (16 mars) à la conférence organisée par l’association Shibboleth de l’ami Wolkowicz. Invité principal : l’historien Georges Bensoussan. Le sujet abordé : son livre “Les origines du conflit israélo-arabe (1870-1950)”. Le cardiologue et ex-Président du CRIF Richard Prasquier était également de la partie, même si – manifestations violentes, bloquant une partie de Paris obligent – il est arrivé très en retard.

Difficile voire impossible de résumer tout ce qui a été dit, mais j’ai vraiment adoré assister à cette conférence et j’ai vraiment apprécié la chance qui m’était donnée d’écouter l’orateur principal, d’une clarté impressionnante sur un dossier qui pourtant est si complexe et depuis si longtemps. Un dossier qui fait l’objet de tous les fantasmes, de tous les mensonges et de toutes les propagandes… 

Alors permettez-moi de ne vous donner que des bribes et de vous conseiller vivement – si le sujet vous intéresse – d’acheter ce livre, pas très cher mais foisonnant, édité aux éditions PUF dans la fameuse collection  “Que Sais-Je ?” 

Bensoussan retrace dans ce livre, et a retracé hier soir en résumé, un conflit dit israélo-palestinien, en réalité israélo-arabe et même israélo-euro-arabe, tant les influences extérieures sur ce conflit, dès avant même la création de l’état d’Israël en 1948, furent majeures, en particulier celle des Britanniques, des Français et des Russes… 

Il est d’autant plus important de comprendre les ressorts de ce conflit que, de l’aveu même de Georges Bensoussan, les journalistes et politiques qui l’abordent sont soit ignorants, soit militants d’un bord ou de l’autre – ce qui n’est pas mieux. Cela permet à l’auteur de tirer un constat amer : “La propagande a gagné!” Et de préciser dès lors son rôle : “Le rôle de l’historien c’est entre autres de démêler tous les fils de la propagande, en allant aux faits et à la source des informations réelles, écrites en arabe, en hébreu, en anglais, en français, etc”.  

Ce qui m’a particulièrement plu dans les longues explications de Georges Bensoussan autour de son ouvrage et dans ses réponses aux questions des spectateurs d’un soir, en présentiel et sur Zoom ? Sa capacité à tordre le cou aux présupposés idéologiques, aux mensonges commis par erreur ou sciemment, aux stéréotypes véhiculés par certains avec l’ambition de rendre impossible toute solution à ce “conflit sans fin”. 

Pour Georges Bensoussan, ledit conflit n’est pas seulement politique et religieux comme on veut bien le dire. Mais aussi culturel et anthropologique. Et même si la situation est aujourd’hui à bien des égards déprimante, voire désespérante, il convient d’analyser les raisons qui l’ont engendré et l’ont fait perdurer dans le temps. 

Parmi les poncifs maintes et maintes fois répétés dans les médias et dans la bouche des politiques : le fait que le Sionisme serait une réponse à l’antisémitisme et à la Shoah. Pour l’historien, preuves et exemples à l’appui, il n’en est rien. La Shoah a même joué en sens inverse et a failli faire capoter la création de l’Etat d’Israël en 1948. 

De même, l’enseignement et la doxa se trompent complètement quand ils font de Théodore Herzl le père du Sionisme. Pour Bensoussan, “le Sionisme a démarré bien avant Herzl, qui était un bon organisateur et un meneur d’hommes sans nul doute, et Israël n’a pas été un refuge pour les Juifs victimes d’antisémitisme”. Le refuge, en particulier pour les Juifs Russes victimes des pogroms de la Russie Tsariste ce fût l’Amérique (chiffres à l’appui) et dans une moindre mesure l’Europe. 

Le Sionisme, qui s’est appuyé sur la renaissance de la langue hébraïque, alors qu’elle n’existait quasiment pas en Palestine à la fin du 19ème siècle, au profit du ladino et de l’arabe, a surgi dès les années 1870 et 1880. Soit bien avant le premier congrès Sioniste autour d’Hertzl. 

Je donne cet exemple, mais je pourrais donner dix ou vingt faits ou données que l’on croit acquis depuis des lustres au sujet de ce conflit, et qui sont totalement erronés, voire aberrants parfois. 

Quel impressionnant spectacle d’intelligence que celui d’un Georges Bensoussan, à la diction parfaite et au calme impérial, qui remet en cause toutes ces erreurs et ces mensonges grâce à son travail impressionnant, son érudition qui ne l’est pas moins et sa capacité à mettre en perspective les faits pour en tirer des enseignements sans appel ! 

Alors, merci monsieur Bensoussan ! 

J’invite les lecteurs de cet article à se précipiter sans tarder sur son ouvrage car comment comprendre ce qui se passe aujourd’hui sans remonter aux causes profondes et indélébiles qui ont créé tant de morts, de larmes et de souffrance ?!

© Gérard Kleczewski 

  • Les Origines du conflit israélo-arabe (1870-1950)”. Georges Bensoussan. Éditions Que Sais-je ? (sorti en janvier 2023). 128 pages. 10 euros. ISBN-10 : 2130794890    

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2 Comments

  1. Je confirme ce qui est écrit et cela est désepérant pour un conflit qui dure depuis 1870 (!). Il faut aller écouter GB car le Que sais-je ne fait que 120 pages.
    La dernière pharse du livre rapporte qu’à voir les deux parties en présence, “on a le sentiment que la guerre de 1948 n’est toujours pas terminée.”

  2. Si l’on se réfère à une déclaration récente du chef de cabinet de l’autorité palestinienne, je ne vois aucune issue à ce conflit :
    «Cette terre nous appartient depuis l’époque des Cananéens. Le conflit qui a surgi avec le début du colonialisme ne concerne pas seulement l’histoire de la Palestine, mais il tourne autour de l’histoire des Palestiniens en Palestine, le peuple et la terre. Parce qu’Israël a prétendu que la Palestine est la terre promise, et il en est venu à dire que c’est une terre contestée, où l’occupation a utilisé toutes les formes d’oppression et mené une politique raciste contre notre peuple, en particulier contre notre peuple dans la ville de Jérusalem, et les a traités comme des résidents et non comme une population indigène».
    « Nous n’avons pas besoin de fournir la preuve que nous sommes les premiers propriétaires de la terre, mais nous travaillons à révéler la vérité afin que certains ne tombent pas dans le piège de la fiction sioniste, qui est basée sur des arguments raciaux, coloniaux, politiques et religieux destiné à expulser notre peuple de sa terre, qu’il continue de protéger ».

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