Michel Dray. De la géopolitique des faux dieux 

                        


« Les Faux Dieux de l’Olympe ». Grandville. Assemblée des membres du gouvernement de Juillet, travestis en dieux de l’Olympe ou personnifications de concepts. La Caricature morale, religieuse, littéraire et scénique (Titre de l’ensemble). 1803

            Dans les années 1980, une blague circulait dans Berlin-Est : « Sais-tu pourquoi le soleil est un sacré capitaliste et un foutu jouisseur ? Parce que, s’il a le courage de se lever à l’Est, il a la chance de passer la nuit à l’Ouest ». 

Parfois, j’ai l’impression que les Gazaouis pensent la même chose en regardant les lumières d’Israël tandis que chez eux, les fanatiques religieux ont coupé le courant depuis longtemps. Pour ces islamistes tout est simple. Soit tu restes dans ton immeuble transformé en bouclier humain, et tu meurs en martyr, soit tu fuis et tu meurs égorgé, comme un traître.  

            Jusqu’en 1989, le fanatisme religieux, c’était comme une sorte de « truc bizarre », une névrose qui occupait Juifs et Musulmans ; bref, comme aurait dit papa Freud, une déviance obsessionnelle.  Et tout à coup, sans crier gare, voilà que le Mur de Berlin s’effondre. On s’était habitué à cette verrue berlinoise parce qu’elle délimitait le monde en deux blocs. A l’Ouest les chanceux, à l’Est les pauvres types dont les parents avaient eu la mauvaise idée de copuler en pleine dictature. On appelait ce temps-là guerre froide, avec ses espions, ses « check-point », ses échanges d’agents troubles et bien sûr tous ces films qui firent la fortune d’Hollywood.  

            J’ai coutume de dire que l’Histoire n’est pas à mettre entre les mains des politiciens car ils pourraient jouer avec comme on joue avec des allumettes. Dix ans avant la chute du Mur, Khomeny renverse le Shah. En mettant les pieds sur le sol iranien, Khomeny poursuivait à sa manière et avec la même haine la guerre totale menée par Hitler contre les valeurs judéo-occidentales.  

            Inoculé en Iran, incubé en Afghanistan, le fanatisme islamique est devenu le dernier virus à la mode. Ce n’était donc ni un truc bizarre qui occupait Juifs et Musulmans, ni une névrose et encore moins une déviance obsessionnelle. La politique ayant horreur du vide, une fois le rideau de fer brisé, les guerriers d’Allah (1) se sont engouffrés avec aisance dans un nouveau monde où sang et larmes se mêlent tragiquement. 

            On savait depuis Hélène Carrère-d ’Encausse (2) que les Musulmans représentaient en 1980 25% de la population russe. A l’instar de Dostoïevski, les Russes ne seront jamais des occidentaux. (3) 

               1990-2002 : 300 000 tombes algériennes témoignent de l’horreur islamiste. En 2015 Boualem Sansal, l’une des plus grandes consciences contemporaines, a écrit : « Plus on diminue les hommes, plus ils se voient grands et forts. C’est à l’heure du trépas qu’ils découvrent, hébétés, que la vie ne leur doit rien car ils ne lui ont rien donné« . (4) Et que dire de l’avertissement sans frais de Michel Onfray, dont les mots lancés sans anesthésie décrivent un avenir qui ne présage rien de bon ? : « Comme le Titanic, le bateau avance à une allure qui ne peut empêcher la collision avec l’iceberg. La  percussion est inévitable. Le capitaine ne saurait faire quoi que ce soit pour entraver le destin de son navire : couper les moteurs, faire machine-arrière virer le plus possible à bâbord ou à tribord rien n’y ferait. Le Titanic va de toute façon éperonner la montagne de glace qui dérive dans la mer gelée. C’est inéluctable. Notre civilisation va inéluctablement vers son chemin qui est le naufrage ».(5) Et que dire d’Evgueni Zamiatine, auteur du chef-d’œuvre « NOUS », écrit en 1923, adversaire acharné de Staline mort, dans la misère à Paris en 1937, et sans qui Orwell n’aurait jamais écrit 1984 ? « On dit que les anciens votaient en quelque sorte, à la sauvette, comme des voleurs ; certains historiens affirment même qu’on se rendait aux célébrations électorales soigneusement masqué. A quoi servait tout ce mystère ? Cela n’a jamais été établi exactement (…) Je vois tout le monde voter pour le Bienfaiteur ; tout le monde me voit voter pour le BienfaiteurTout le reste n’est qu’illusion ». (6)  

            L’histoire de ce XXIème sera celle du totalitarisme islamiste qui dévorera ses idiots utiles jusqu’au dernier quartier de viande. Musulmans et les Juifs soucieux d’une entente entre Israël et Ismaël ? Décapités. Laïcs et démocrates unis dans l’idée de tolérance de la foi dès lors qu’elle est affaire privée ? Décapités. Et pourtant luttons sans hésitation tels les derniers grognards de la République, dernier carré des hommes de bonne volonté.   

            Qui a oublié Caton l’Ancien criant  Delenda Carthago, autrement il faut détruire Carthage ? Longtemps je l’ai cru terriblement belliciste mais, en réalité il avait tout compris, et bien avant les autres. Il savait qu’une hydre, ça renaît toujours de ses cendres à moins de lui couper le cou. Avant Brecht, la bête immonde était déjà dans le ventre de l’homme.  Klaus Mann avait raison d’écrire que « On commence par gesticuler contre la civilisation, puis on glisse vers le culte de la force, et déjà, on a rejoint Adolf Hitler ».(7) En confiant au Figaro que « l’habitude est un sédatif puissant et la terreur un paralysant violent« , Boualem Sansal aura avec intelligence et perspicacité résumé les abandons volontaires des pouvoirs régaliens des Nations au profit d’un monstrueux Conseil d’administration où seule compte l’idéologie du tiroir-caisse. 

            Il me faut, pour conclure cet article que j’aurais voulu ne jamais écrire, évoquer Israël. Dans un précédent papier, je disais que « sioniste » avait remplacé Juif, qu’être pro-israélien traduisait une sévère tendance à l’extrême-droitisme, qu’être pro-palestinien traduisait au contraire une bienheureuse tendance à une gauche humaniste et anti islamophobe. Les Juifs, qu’on les appelle Israéliens ou israélites, auront toujours des ennemis. J’entends ici et là une presse antisémite accusant la société israélienne d’apartheid. Revoyez votre vocabulaire, Messieurs les journalistes ! Des places réservées aux Blancs, des établissements interdits aux Noirs, des mariages mixtes punis par la loi. C’est cela l’apartheid. Alors j’ai pensé aux nazis des années 30 et aux ségrégationnistes des années 50 en Alabama. C’était cela aussi l’apartheid. Contaminé par le wokisme, interdire une réunion à des Blancs dans un université, si cela n’est pas de l’apartheid, qu’est-ce alors ?  Vous nagez dans la mauvaise foi. Vous vous vautrez dans le mensonge. Israël n’interdit pas aux Arabes de s’assoir dans un bus, de travailler, d’avoir une carte d’identité et des députés à la Knesset. Messieurs les journalistes, changez de dictionnaires car j’ai l’impression qu’ils datent des années 1933, (pour ceux écrits en allemand) et des années 1970 (pour ceux écrits en afrikaner).  

            Oui la société israélienne est divisée. Oui elle manifeste dans la rue mais à la différence de Téhéran on n’y pend pas les manifestants. Savez-vous, Messieurs les journalistes, malgré vos mensonges assumés, que la Cour suprême n’a jamais été remise en question? Savez-vous,  Messieurs les journalistes étouffés par votre haine des Juifs, qu’un des juges de ladite cour est Druze ? Savez-vous, Messieurs les journalistes, qu’Arieh Dhery a été obligé de quitter son ministère, alors qu’à Cuba, en Chine, en Russie ou en Corée du Nord cet homme serait resté en place? 

            Mettez à jour vos dictionnaires : cela s’appelle la DÉMOCRATIE, pas l’apartheid. 

            Le vrai problème, vous le savez très bien. La question israélo-palestinienne, c’est avant tout une guerre entre fanatiques religieux avec des êtres humains pris en otages. Les fanatiques religieux, d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient, forment l’union sacrée du diable. Aujourd’hui les fanatiques ultra-orthodoxes juifs refusent toute idée de démocratie. Vous vous attendez sûrement que je vous parle des colonies ou encore de la peine de mort ? J’ai mes idées sur ces points et croyez-moi, elles sont assez violentes. Mais restons sur ces fanatiques religieux,  dangers publics de haute voltige.  Pour vous, messieurs les journalistes, les seuls idiots utiles ce sont les Juifs, ou Sionistes, ou Israélites ou fascistes, d’ailleurs appelez-les comme vous voulez ça ne changera rien à vos cerveaux imbibés de wokisme. 

Alors, histoire de vous rafraîchir la mémoire, puisque j’ai commencé par une blague, permettez-moi de finir ce papier par une autre : Un jour, David Ben Gourion (dont nous célébrons cette année le 50ème anniversaire de la mort) a dit : « Je ne crois pas en Dieu, pourtant un rabbin me demanda : dans les moments difficiles vous est-il arrivé de communiquer avec Dieu ? Ce à quoi je lui répondis. « Pourquoi, il a le téléphone ? » (8)

            Ne vous en déplaise, ce qui vous gêne, vous, hommes de gauche, c’est que le sionisme est le seul mouvement de libération nationale qui ne s’est pas transmué en totalitarisme mais en « exemple de démocratie ». Alors forcément, ça vous met la haine, comme disent vos amis des banlieues.      

                                                                                              © Michel Dray 

  • Le terme a servi de titre au livre « Les Guerriers d’Allah » de Peter Scholl-Latour traduit en français aux Éditions Presses de la Cité  en 1985. Le livre fort prémonitoire ne reçut aucun succès. Pour dire les choses, les journalistes n’y croyaient pas ! Or, Peter Scholl-Latour n’était pas n’importe qui. Il était le directeur du grand Magazine Stern. 
  • Hélène Carrère-d ‘Encausse fut l’une des plus grandes spécialistes du monde russe et des nations musulmanes de l’ex-Union Soviétique. A lire : l’ouvrage prophétique paru chez Flammarion en 1974 « L’Empire éclaté et la révolte des nations » 
  • « En tous les cas vous avez une bien étonnante tournure d’esprit. Vous n’êtes donc pas slave ? Si mais l’Occident m’a perverti » : Dostoïevski (« Les Possédés », première partie) 
  • « 2084, la fin du Monde ». Gallimard, (2015) p. 52. Lire avec profit le livre de Jamil Rahmani et Michel Canési : « Alger sans Mozart » (un chef d’œuvre à mes yeux) et qui évoque d’une manière émouvante et romancée cette période noire. Éditions Gallimard (2018)
  • Préface de Michel Onfray dans son dernier livre : « Puissance et Décadence ». Éditions Bouquins (2023)p.14
  • « NOUS », réédité par Babel-Poche p.139. A lire le Hors-Série du Point consacré à Orwell dans lequel il dit qu’il n’aurait pas écrit 1984 s’il n’avait pas lu Zamiatine.
  • Article publié dans un journal de Bâle en 1934
  • « Ben Gourion parle ». Édition Stock (1971) p. 139

Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée. Il fut en 2021 Président du Jury du “Festival International de Cinéma et Mémoire commune” au Maroc.        


Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*