Raphaël Nisand. Ni Roi, Ni Juge, la Démocratie c’est le Vote

Le psychodrame actuel vécu par les israéliens à propos de la réforme judiciaire mérite que l’on s’attarde à une recherche historique et politique de ce que doit être un juge.

Dans les différentes périodes historico-politiques décrites par la Torah il y a eu une période des « juges » qui étaient détenteurs du pouvoir puis une période  des « rois ». 
Ces périodes-là sont bien révolues et chaque israélien veut faire vivre une démocratie à l’israélienne.

Là où, à mon sens, une partie au moins des manifestants d’aujourd’hui font erreur, c’est en attribuant aux juges une importance déterminante pour l’existence de la démocratie en Israël. 

La démocratie israélienne repose tout d’abord sur le vote à intervalles très fréquents et à la proportionnelle intégrale des députés qui, à la Knesset, Chambre unique du Parlement israélien, détiennent la seule légitimité populaire.
La Knesset, c’est l’expression d’Israël dans toute sa diversité. La Knesset pousse même l’exigence démocratique jusqu’à tolérer en son sein l’existence d’une large fraction totalement antisioniste revendiquant ouvertement la destruction de l’État d’Israël.

Imagine-t-on dans n’importe quel autre pays au monde une telle cohabitation ? 

Par exemple personne dans les deux Chambres du Parlement français n’ose revendiquer la disparition de la France.

En Israël la démocratie permet tout. Elle permet aussi à une Knesset de voter des lois exactement contraires aux lois votées par la précédente Knesset et c’est bien ça la démocratie. S’il n’y a pas de Constitution en Israël, c’est parce qu’un consensus des Pères fondateurs de l’État, au premier rang desquels Ben Gourion, n’en ont pas voulu. 

Il y avait, semble-t-il, une double raison à cela: le droit anglais et le droit rabbinique se prêtaient mal à l’existence d’une Constitution. Des principes modernes ont pourtant bien sûr émergé et sont protégés depuis 1948, au rang desquels l’égalité hommes/femmes, le non racisme, l’absence de discrimination etc. 

Beaucoup prétendent que le progressisme de ces principes est défendu par la Cour Suprême d’Israël et par elle seule. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Ces principes sont portés par une large majorité de la population, par tout le corps social et même par l’armée, ce qui est une originalité israélienne, surtout dans un pays en guerre permanente.

En Israël la droite n’aime pas les juges de la Cour Suprême et ils le lui rendent bien en prenant des décisions qui sont souvent le contre-pied des lois voulues par la droite. 

Or les juges ne sont pas toujours les garants des grands principes. On vient de voir aux Etats-Unis la Cour Suprême aller contre la volonté de la majorité des américains en supprimant l’universalité du droit à l’avortement. En France-même, la Révolution française s’est faite en partie contre l’arbitraire des juges qui défendaient d’abord leurs intérêts.

Récemment l’opinion française a pu être choquée par la découverte d’un « mur des cons »  très idéologique au siège d’un syndicat de magistrats. On sait donc que les magistrats, y compris au plus haut niveau, sont des hommes et des femmes qui peuvent être partisans et juger en fonction de leurs idées plutôt qu’en fonction du droit. 

Les français se sont aussi accommodés de voir des hommes et des femmes politiques parfois sans bagage juridique présider le Conseil Constitutionnel.

Seuls les israéliens peuvent juger de l’opportunité ou non de la réforme judiciaire contestée mais on peut quand même observer que cette réforme a été annoncée aux israéliens avant les élections et que les électeurs ont donc voté en toute connaissance de cause.
Quant aux listes d’intellectuels qui publient de longues tribunes dans « Le Monde » pour alarmer une fois de plus l’opinion publique française contre Israël, ils jouent  contre leur camp parce que, réforme judiciaire ou pas, chacun le sait Israël restera Israël, la seule démocratie dans un espace géographique acquis aux dictatures.  

© Raphaël Nisand

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