Moi qui déteste les routines, qui ne les considère pas comme un cadre rassurant mais une prison, un carcan, je m’impose ces jours-ci, jours de crise, existentielle et autre, une routine contraignante. La liberté est le luxe de ceux qui ont le temps. Quand on consacre ses journées à un travail alimentaire et le reste de son énergie à l’exercice physique – pour la survie du corps d’abord et la santé mentale ensuite –, la question de la liberté apparaît secondaire. Voire superflue.
Avant de continuer, je me présente. Judith. Je fêterai, façon de parler, mes soixante-trois ans bientôt. Autant dire que pour certains, j’ai largement passé la date de péremption. Mais contrairement aux yaourts, dans ma situation, on ne jette pas les êtres humains, on les efface seulement. Devenus invisibles, ils naviguent comme ils peuvent dans le monde des consommables : ceux qui n’ont pas d’argent, mais triment, au service de ceux qui en ont. Consommables, interchangeables, usables. Jusqu’à l’obsolescence. Ou pas d’ailleurs.
Ce matin, comme chaque matin depuis mon passage en mode survie, je me suis réveillée, tant bien que mal, avant le jour, grappillant quelques minutes de sommeil sur mon emploi du temps. N’y voyez pas une rébellion, ni une entorse à mon régime. Cette marge de manœuvre est minutée, programmée aussi.
J’ai fini par me lever, mis de l’eau à bouillir pour mon café soluble, sauté dans ma douche tiède, dont je suis vite ressortie. Habillage, maquillage, en avalant mon breuvage. J’ai balancé dans mon sac les sandwiches préparés hier soir pour mon déjeuner, que je prendrai sur le pouce. Parce que le temps du salarié ne lui appartient pas. Mais son pouce, si.
Ensuite, j’ai marché d’un pas vif jusqu’à ma salle de sport, où j’ai changé de chaussures et grimpé sur le tapis de course. J’ai sué en écoutant un Podcast, pour ne pas mourir idiote. Et comme toujours, j’ai fini ma séance par quelques shots de news. C’est là que je me sens vraiment en harmonie avec le monde. Des crises, des crises, toujours des crises. Le précipice au bord des pieds.
En bout de course, la civilisation, qui a tenu plus longtemps que moi, il faut le reconnaître. Il n’empêche qu’on est synchro, elle et moi. Chacun son rythme.
Voilà, vous savez tout. Cette présentation terminée, je vous invite de tout cœur à venir, quand ça vous dit, lire le « Journal d’une invisible » ou – « après l’État, c’est moi – Moi, c’est pas la joie ».
© Judith Bat-Or
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