À propos du Texte collectif publié dans « Le Monde » du 10 mars
Comme toujours dès qu’un traumatisme majeur affecte Israël, une grande émotion s’empare des Juifs de France, des textes collectifs sont publiés dans « Le Monde » pour dire une inquiétude ou bien au contraire exprimer une condamnation.
Le statut symbolique d’Israël, la charge symbolique du « signe juif » est tellement exceptionnelle dans l’imaginaire français que tout ce qui l’affecte se transforme ici en guerre civile. Trop d’éléments troubles enfouis dans le passif vichyste ou bien encore dans le passif de la guerre d’Algérie se mêlent pour en décrypter les raisons et les représentations.
Sept guerres avec ses voisins, un terrorisme qui n’a jamais réellement cessé depuis sa naissance, un processus de paix à l’agonie depuis l’espoir caduc des Accords d’Oslo, font de l’histoire d’Israël un labyrinthe dont la source originelle est à aller chercher dans le découpage franco-anglais des débris de l’Empire ottoman en 1918. L’excellent livre de Georges Bensoussan sur Les origines du conflit israélo-arabe remet opportunément les pendules à l’heure. A quelques rares exceptions, le refus arabe d’un Etat juif en reste la constante historique majeure. Que ce refus soit nationaliste, marxisant, tiers-mondiste ou religieux islamiste, Israël est l’objet d’un rejet de la partie arabe. Malgré les accords de paix avec certains États, le décalage des mécaniques psychiques, leurs sources religieuses ou culturelles interdisent une langue commune. Bensoussan met en lumière l’écart des mentalités et l’apport de l’anthropologie n’est pas de trop pour comprendre cette guerre de plus de cent ans ou de mille ans. C’est désormais autour de l’islam que se fédère le moteur de ce rejet si c’est au nom d’Allah que le « petit satan » ou « l’entité sioniste » doivent être rayés de la carte du Proche Orient.
En 1977 dans un article publié dans « Le Monde », Henri Atlan estimait que le changement de majorité politique en Israël au profit de la droite nationaliste de Begin pouvait être, au bout du compte, une chance pour la paix entre Israël et ses voisins. « L’orientalisation d’Israël » mettait fin à une incongruité : celle d’un isolat de culture occidentale majoritairement laïque, socialisante, égalitariste et démocratique au milieu d’États de culture islamique, nationalistes, autocratiques, féodaux. Les Israéliens et les arabes pourraient mieux se comprendre puisque leurs schémas de pensée se rapprochaient. La visite de Sadate à Jérusalem et la paix avec l’Egypte purent, un court moment, donner l’illusion que ce souhait était fondé. L’assassinat de Sadate puis celui de Rabin vinrent rappeler que le mimétisme des fanatismes religieux possède une dynamique plus forte que celle de la raison.
Avec la venue au pouvoir en Israël d’une nouvelle majorité nationaliste et religieuse, les choses ont-elles progressé en pire? S’agit-il d’un modèle oriental autoritaire et théocratique aggravé par la venue au pouvoir de Ben Gvir et de Smotrich qui va s’installer ?
Les inquiétudes pour le devenir d’Israël qui s’expriment dans le Texte collectif publié dans « Le Monde » du 10 mars dernier paraissent empreintes d’une empathie réelle de la part de ses signataires pour le droit d’Israël à être. Les arguments énoncés dénoncent une pente dangereuse dont la nouvelle majorité serait responsable, à l’opposé des principes fondateurs de l’Etat juif autant que de sa mécanique démocratique.
Cet appel mérite des commentaires
Si fondé qu’il soit, cet appel mérite quelques commentaires. Pourquoi ? D’abord parce que faire la leçon à Israël depuis la France est un exercice délicat. Nous ne vivons pas en France sous une menace permanente, même si depuis une vingtaine d’années et pour la seule raison qu’ils étaient juifs, une quinzaine de Juifs ont été assassinés par des tueurs islamisés. Le confort de nos situations en France ne nous permet pas d’appréhender ce que vit quotidiennement Israël.
Une autre raison rend cet appel pénible à lire. Le publier dans « Le Monde » est un choix douteux. Ce journal est devenu au fil du temps le principal vecteur de la haine anti israélienne en France. Le quotidien de référence feint d’ignorer la qualité des ennemis d’Israël qui combattent moins pour construire un État de Palestine que pour la jouissance de sa destruction et la mort de tout israélien. La qualité de l’affrontement entre les tueurs du Hamas ou autre Djihad islamique n’est pas de même nature que la riposte israélienne contre le terrorisme. Nous ne vivons pas en France sous la menace d’une bombe atomique explicitement formulée par certains. Nous ne sommes pas soumis au stress que les Israéliens subissent depuis les origines de leur État.
C’est la raison pour laquelle l’étalage des titres de noblesse des signataires qui fait office d’argument d’autorité est ici dépourvu de toute efficacité. Avoir des palmes à son chapeau ne crédite en rien d’un souci et d’un amour pour cet État qui autoriseraient cette suffisance.
C’est dans la presse israélienne que cet appel aurait dû être publié et surement pas dans « Le Monde » qui jubile pour cette caution inespérée. La société civile israélienne semble bien plus mature que les signataires ne le pensent. Si une menace pèse sur la démocratie israélienne, c’est aussi parce que depuis très longtemps c’est avec le masque du progressisme que s’est fabriquée la diffamation de l’État juif. Avoir rendu possible cette infamante ruse de l’histoire relève, ici, de notre responsabilité.
© Jacques Tarnero
https://www.tribunejuive.info/wp-content/uploads/2022/12/BAT_TJ_MAG_DOSSIER_SPECIAL_2022_WEB.pdf
Le Monde est au moins antisioniste, propalestinien, et parfois ouvre ses tribunes à des antisemites.
Vous voulez dire « L’imMonde » ?
Le Monde je sais trés bien ce que c’est, et il y a Telerama. ; j’ai trouvé , en cherchant les dates d’un concert, un article du 15 aout 1979 écrit par Laredj Karsallah pour Telerama No 1544,d’accord ça date mais j’ai été trés choquée et horrifiée par la teneur de cet article. Je me demandais si ce « »journal » a changé d’optique en ce qui concerne nous qui sommes d’origine Juive .