Pour Elena Chodkowski
Hier, j’ai posté -c’est rarissime- sur les RS une photo des “boulettes” que faisait encore ma mère.
“Ma mère est revenue. La cuisine est méconnaissable. Elle prépare des boulettes pour son petit-fils qu’elle a toujours appelé “Le Roi Franz” ( mon fils ). Des boulettes: de vraies boulettes à l’artichaut à la courgette au poivron. Ça sent les pétales de roses. Ça sent les épices de ma mère. L’huile d’olive coule à flots. Feue La cuisine nickel. Ouverte, la chasse aux kilos. J’ai ce doux privilège. La cuisine de ma mère. Quelle chance”, écrivis-je.
Le commentaire de Chantal-Isabelle Lemoine vous “parlera” à tous:
“Un privilège, c’est vrai, ma Sarah, ma mère partie l’an dernier était une excellente cuisinière, pas facile de la suivre. Le couscous et ma mère. L’ apprentissage du couscous avec ma mère, c’est un véritable sketch : chaque question que je pose sur les quantités , sur le temps que ça prend etc , elle me répond juste: “Tu le sens, ça se voit”.
Apprendre la cuisine des mères c’est comme un entraînement shaolin petit scarabée. Observe, ressens, agis quand ton cœur est prêt.
A chaque fois avec ma mère :
Moi: “Et j’en mets combien?”
Ma mère: “Oh ! A peu près ça”.
Le “ça” en question: un vague intervalle entre ses deux mains. Va te débrouiller avec “ça”, toi.
Ma mère fait la cuisine “au feeling”, du coup la répartition de la cuisson par exemple fait une gaussienne autour de la bonne cuisson, mais avec un écart-type tel que la couleur du plat est toujours une surprise au sortir du four.
Le système métrique n’a pas sa place dans la cuisine de ma mère. Les unités autorisées sont “le chouia”, le “pas trop”, le “à peu près”, la “poignée grosse ou petite”, “la bonne dose” et le “vas-y molo”.
J’ai eu droit au “Bon si tu veux on le fait ensemble et je mesure pour toi avec un bol“. Elle a tenu deux minutes à mesurer avant d’en avoir marre et de me dire: “T’as des yeux, non ? Tu regardes combien au lieu de me demander”. “Mais maman, combien de curcuma?” “Tu regardes si c’est bien jaune, ma fille”.
Ça nous avait pris une semaine et pourtant ça oscille entre “à l’œil” et un “combien de temps de cuisson, maman ?” – “Ben , jusqu’à ce que ce soit cuit, quoi.” Une variante avec le “À vue de nez”…
J’ai dû la filmer pour essayer de garder un souvenir correct de la façon de faire car impossible de noter quelque chose de précis ! Et mon résultat ne donne jamais “pareil qu’elle”.
C’est pas pour rien qu’on dit que l’outil culinaire de prédilection de ma mère c’est le pifomètre . Ce à quoi elle répond : “Y a pas de pif ni de hasard, c’est juste comme ça et puis c’est tout. Tes yeux sont ta balance”.
Ce mépris quand je mate sur Marmiton les quantités pour mes recettes: “Ça sert à rien. Regarde avec les yeux”
“Et puis tu goûtes, c’est pas compliqué”. “Combien de temps de cuisson, maman ?” – “Ben jusqu’à ce que ce soit cuit, quoi. Et quand ça fait ‘pout pout’, tu baisses le gaz”.
Dans un autre genre, quand je demande la recette de sa fameuse soupe (soupe qui eut exactement le même goût depuis aussi loin que je me souvienne) : “Oh bah tu fais avec ce que tu as dans le frigo” . Parfait, ce soir c’est soupe à la sauce de soja, confiture et cornichons.
Du coup j’ai lâché l’affaire, mes plats ne seront jamais aussi bons que les siens. En vrai ça doit être une technique pour garder un secret.
J’ai demandé à ma mère un livre de cuisine avec les recettes de famille il y a trois ans. Sur les deux-tiers des pages il n’y a que le nom de la recette : “C’est long à faire, parce que je fais à l’instinct, et puis tu sais assez cuisiner pour deviner comment faire, hein !”
Bon, je mange du couscous chez Bébert”.
Chantal-Isabelle, Tu dois aussi avoir eu droit au “verre”? “Tu mets 1 verre d’huile”. “1 verre comment, maman”?
“1 verre normal”!
Ou encore, si jamais tu as osé demander s’il n’y avait pas … “trop d’huile”, le fameux: “Pas du tout! Ça trempe juste dans l’huile et ça ressort”
Sarah Cattan et Chantal-Isabelle Lemoine
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