Tel Aviv 2030 : la révolution de la « ville blanche »

« La poussière, le bruit, les travaux et les embouteillages sont inévitables pour une ville qui se régénère »

Tel Aviv n’a jamais aussi bien porté son titre de « ville qui ne s’arrête jamais ». Décernée en raison de sa bouillante vie nocturne, cette appellation s’applique aussi désormais à la multitude de chantiers qui rugissent de jour comme de nuit depuis quelques années.

Car la grande ville du centre d’Israël s’est engagée dans une révolution urbaine majeure qui va profondément transformer sa physionomie et son caractère. La municipalité s’est ainsi fixée comme objectif de faire de Tel Aviv une place ultra-moderne d’ici 2030, à la fois écologique, fonctionnelle, attractive et intelligente. Le prix à payer est toutefois lourd pour ses habitants : d’innombrables rues bloquées, une circulation chaotique, des grues à perte de vue, des places de stationnement qui se rarifient, des amas de poussières aux fenêtres et un bruit de fond continu alimenté par les klaxons et les marteaux piqueurs.

Avshalom Sassoni/Flash90 Des policiers montent la garde près des dégâts causés sur la route en raison de travaux à Tel Aviv, le 23 septembre 2022.

Pourtant Tel Aviv n’a d’autre choix que relever des défis majeurs pour son avenir et cette « opération géante à cœur ouvert » semble inéluctable si elle veut se développer et absorber une population qui ne cesse de croître. De 468 000 habitants en 2023, elle devrait passer à 535 000 d’ici 2030, tandis que le nombre de non-résidents qui y travaille passera de 252 000 aujourd’hui à environ 356 000 au début de la prochaine décennie. Pour faire face à cette vague, la mairie a donné son feu vert à des projets immobiliers et de rénovation urbaine en cascade : construction de tours d’habitation, renforcement et surélévation de bâtiments existants, construction de trois lignes de tramway, réaménagement de la voirie…

Des projets spectaculaires

« Ce qu’il se passe aujourd’hui à Tel Aviv rappelle d’une certaine manière la transformation qu’a connue Paris avec les projets du Baron Haussmann au milieu du XIXe siècle, qui a fait entrer la capitale française dans la modernité », explique le Dr Nati Marom, expert en urbanisme, au magazine Globes. « Tel Aviv doit en passer par là pour devenir une ville durable et intelligente. La poussière, le bruit, les travaux et les embouteillages sont inévitables pour une ville qui se régénèrent. Et les désagréments devraient se poursuivre au moins jusqu’à la fin de la décennie », admet-il.

Gili Yaari/Flash90 Un chantier de construction dans le centre de Tel Aviv et l’autoroute Ayalon

La ville s’étend ainsi dans toutes les directions par le biais de projets plus ou moins spectaculaires. Au nord, les plans de construction d’un tout nouveau quartier sur le site de l’ancien aéroport de Sde Dov sont en cours d’approbation, tandis qu’au sud, le quartier de Neve Shaanan, longtemps considéré comme un haut lieu de la drogue et de la prostitution, voit petit à petit les immeubles sombres et miteux céder leur place à des bâtisses modernes d’excellente facture. Dans les quartiers de Florentine et Jaffa, autrefois bastions de la vie bohème de Tel Aviv, les travaux se multiplient convulsivement avec son lot de projets de résidences de luxe. Enfin, à l’est, la municipalité de Tel-Aviv envisage de couvrir l’autoroute Ayalon qui traverse la ville du nord au sud pour relier les quartiers situés à l’est de la ville, souvent considérés à tort comme la banlieue, à son poumon. La municipalité évoque même la possible création d’une forêt urbaine au-dessus de la toiture.

« Personne ne se souviendra de cette période compliquée »

Mais tous ces projets ne seront viables que si le réseau de transport se met au diapason. Dans ce domaine, Tel-Aviv accuse un retard important par rapport aux grandes capitales mondiales. A terme, les trois lignes de tramway actuellement en travaux et qui traverseront la ville dans les prochaines années doivent fluidifier les déplacements des citadins. Le projet est ambitieux, mais il ne cesse de prendre du retard. La première ligne est enfin prévue pour le mois prochain après des reports incessants. Les conséquences de ces travaux sont douloureuses pour les habitants : des grands axes incontournables comme la rue Ibn Gvirol à l’est, et les rues Ben Yehuda et Allenby au centre, ont été littéralement éventrés et les embouteillages ne cessent de s’étirer.

Miriam Alster/FLASH90 Construction du nouveau tramway de Tel Aviv, près de la station Arlozorov

« Cet investissement a un prix, mais cela générera d’énormes retombées économiques. Investir dans les transports en commun est nécessaire. Ce sont des travaux difficiles, mais cela fait partie du jeu. Après tout, s’il y avait un moyen magique de le faire sans nuire aux habitants, la mairie l’aurait fait il y a des décennies. Laisser les choses en l’état est facile et il faut du courage pour changer. Il ne fait aucun doute que Tel Aviv doit passer par là. Dans dix ans, personne ne se souviendra de cette période compliquée », a expliqué à The Marker, Janette Sadik-Khan, une urbaniste de renommée mondiale.

D’autres cependant craignent que cette quête absolue de modernité ne finisse par tuer « l’âme » de Tel Aviv. « En 2030, la ville sera encore plus un « hypercentre » et la ville des classes supérieurs », explique le Dr Marom. « Pour beaucoup d’habitants, et notamment les jeunes qui lui donnent son caractère si particulier, il sera impossible de rester car la vie y sera trop chère. La ville se tire une balle dans le pied et risque de perdre son authenticité. L’essence de cette ville, c’est sa bohème et son élégance », fait il valoir.

Cerise sur le gâteau, l’Etat souhaite investir sur un projet de métro pharaonique, d’un montant estimé à 150 milliards de shekels (38,5 milliards d’euros), qui complètera l’offre du tramway et quadrillera la ville et toute la région. Les travaux, dont le début est prévu pour 2030, pourraient prévus pour durer au moins 12 ans… Tel Aviv n’est définitivement pas prêt à mettre un frein à sa révolution.

Source : i24news

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1 Comment

  1. la modernisation à outrances a déjà fait perdre son cachet aux buvettes de plage en les uniformisant , par leur architecture semblable.

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