Je ne comprends pas comment Spinoza, que je côtoie de près et travaille depuis deux mois, étant entré dans son langage et ses concepts, puisse exercer la moindre fascination et même séduction sur pas mal de Chrétiens et même de philosophes chrétiens, de nos jours évidemment puisqu’il n’a pas toujours, c’est le moins qu’on puisse dire, été en odeur de sainteté.
Dire qu’il fut athée n’aurait pas grand sens. Il croit à l’existence de la Substance, une sorte d’Absolu impersonnel, la Nature, donc, qui est au fondement de tout et contient tout.
Il n’y a rien de plus « radicalement opposé » au Dieu personnel des Chrétiens, au mystère de l’incarnation et de Jésus Christ rédempteur ( il ne serait pour Spinoza qu’un « mode de la Substance » comme une banane, un chien ou n’importe quel étant, en somme)
Spinoza est aux antipodes du monde chrétien mais serre de près le physicalisme moniste, le matérialisme déterministe de la science dure pour qui libre-arbitre, conscience, au-delà, esprit, sont des illusions tenaces à réduire.
Si vous êtes amoureux du génie chrétien, de Bach et de ses citations de Dieu, de Erbarme dich, de la naissance du Monde dans les symphonies boulerversantes de Beethoven ; Si Les Évangiles et Fra Angelico vous foudroient, si vous aimez Baudelaire et croyez au péché originel… bref on m’aura compris la liste est infinie…, redoutez l' »affreux » système, même si le rouleau compresseur de son axiomatique admirable pourrait presque implacablement vous convaincre.
Si vous croyez à l’Élan créateur de Bergson qui traverse et soulève la matière inerte et lourde qui tombe, si la colombe des Écritures est pour vous l’esprit joyeux qui sert de trait d’union entre l’horizon humain et la verticalité d’un Dieu inaccessible, alors… je vous conseille de fuir le génie dogmatique ( fût-il more geometrico) du philosophe néerlandais.
Si la vérité est triste (comme disait Renan ) alors elle pourrait bien ressembler à celle de Spinoza, certes. Les promesses qu’il fait de joie et de béatitude, d’augmentation de la puissance d’être et d’agir par la connaissance de ce qui nous détermine, le refus des passions tristes, etc. ont quelque chose d’une sagesse résignée qui acte définitivement la liquidation de l »Azur dont Mallarmé fut hanté, l’Idéal de Baudelaire qui prend la figure d’un lointain de Vermeer.
Et le Jugement dernier ? indispensable Jugement dernier !
Spinoza est grand mais il faut le réfuter : c’est un ordre. Plutôt athée comme Sade ou Diderot l’enthousiaste que comme Baruch !
On n’est pas obligé d’être chrétien pour aimer Baudelaire ou Beethoven ! De plus, le peche originel peut avoir une signification métaphorique chez des certains poetes ou ecrivains (ce n’est pas forcément a prendre au sens strictement religieux du terme). Les lecteurs des Fleurs du Mal ou du Spleen du Paris et les admirateurs de Bach, Beethoven ou de Notre Dame de Paris peuvent parfaitement etre athées, agnostiques, juifs, bouddhistes, musulmans..Article plutôt caricatural et réducteur.