
Nabila Ramdani est une journaliste franco-algérienne, chroniqueuse et animatrice renommée de chaînes d’information. Elle est spécialiste de la politique française, des affaires islamiques et du monde arabe. Elle rédige des chroniques pour les journaux « The Guardian », « The Observer », « The Independent » et « London Evening Standard ».
Dans un long billet sur le blog « Chronique Palestine », elle affirme qu’une « prétendue intelligentsia française répand l’islamophobie à l’échelle européenne ».
Air connu. Vision étriquée ou mauvaise foi patente ? Va savoir, je ne suis pas dans son cerveau. Ce que je peux dire cependant à coup sûr, c’est qu’accuser l’intelligentsia de répandre l’islamophobie revient à déresponsabiliser les musulmans : ils ne seraient responsables d’aucun de leurs actes qui provoquent l’islamophobie. Quelles autres catégories d’êtres humains ne sont pas responsables de leurs actes ? Les enfants, et les dérangés mentaux…
En parfaite inversion, on lit souvent que les Juifs sont responsables de l’antisémitisme dont ils sont victimes, ce qui innocente ceux dont la seule idée d’un juif déclenche le dégoût. Sauf que les juifs ne font pas d’attentats.
Et parlant d’attentat, voici comment cette journaliste décrit celui du Bataclan du 13 novembre 2015 :
« trois détraqués suicidaires ayant prêté allégeance à la secte terroriste nihiliste que j’appellerai Daesh, ont massacré 90 personnes, dont de nombreux musulmans — Houellebecq a prédit qu’il y aurait un « Bataclan à l’envers ». Cette atrocité s’est produite dans une nuit de barbarie dans tout Paris, au cours de laquelle 130 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées par des bombes et des tirs à balles réelles.
Observez la manipulation du récit :
- Pas une seule fois les mots islamiste ou islam ne sont prononcés. Ramdani les a totalement effacés du récit. Ils ne sont coupables de rien : il n’y a aucun islamiste à 100 km à la ronde, ce jour-là.
- Les terroristes ne sont pas musulmans, mais « détraqués suicidaires ».
- Ils n’ont pas agi au nom de l’islam, mais d’une « secte nihiliste ».
- Daesh, dont l’exclusivité des actions repose sur la littérature coranique, comme al-Qaïda pour les attentats de 9/11 ou le Hamas qui tire des roquettes sur les familles juives dans leur sommeil, se voit effacé ses liens avec le prophète de l’islam dont ses membres se réfèrent en permanence pour justifier leurs attaques.
- La seule mention du mot « musulman », c’est pour décrire certaines des victimes. Peu importe s’ils étaient laïques, ou agnostiques ou avaient totalement tourné le dos à leur religion, ils étaient musulmans. Par contraste, les bourreaux, peu importe s’ils priaient trois fois par jour, mangeaient halal et fréquentaient assidument la mosquée, ce ne sont pas des musulmans, mais des « détraqués suicidaires ».
- Immédiatement, en symétrie, pour relativiser l’horreur, rendre les Français aussi coupables et monstrueux que les terroristes, banaliser le massacre par la prédiction d’un futur massacre à l’identique, la journaliste dénonce la prédiction de Houellebecq: « il y aura un Bataclan à l’envers ».
Conclusion
Cette distorsion de la réalité, qui fait totalement sortir le terrorisme islamique du tableau, n’est pas le résultat d’un effort d’écriture, c’est une culture.
On la retrouve dans les articles du « Monde », lorsque des islamistes massacrent deux enfants de 6 et 8 ans en Judée Samarie la semaine dernière : les jeunes victimes juives deviennent des « colons » – coupables d’avoir volé les terres palestiniennes – tués par des « jeunes en perte d’espoir » — innocents parce que désespérés.
On la retrouve encore dans la bouche de la députée musulmane américaine Ilhan Omar, qui faisait sortir l’islam, les musulmans, le terrorisme et le jihad du tableau dans sa description des attentats du 11 septembre, par ces mots : « Some people did something » — « Certaines personnes ont fait des choses »
© Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info