En visite aujourd’hui dans un des plus beaux hôtels particuliers de Paris : l’Hôtel de la Païva, sur l’une des plus belles avenues du monde, celle des Champs-Élysées. Un après-midi épatant avec un beau ciel bleu en dépit du froid pénétrant de cette fin du mois de février.
L’extraordinaire Hôtel de la Païva
La Marquise de Païva
La Marquise de Païva est la plus célèbre courtisane du Second Empire. Les mystères qu’elle a soigneusement entretenus autour d’elle ont nourri les affabulations les plus variées sur toute son existence.
Née Thérèse Lachmann, probablement en 1819 dans le ghetto juif de Moscou, d’un père qui était modeste commerçant de tissus, sa beauté incandescente, ses yeux verts lumineux et sa chevelure rousse flamboyante faisaient tourner la tête de toute la gente masculine.
Soucieux de la caser, ses parents décident de la marier très jeune à un tailleur dont elle a un fils. Mais très vite, laissant là époux et progéniture, elle traverse l’Europe en vivant de ses charmes et arrive à Paris vers 1845.
Elle use de toute son intelligence pour s’élever le plus rapidement possible : elle emprunte de l’argent à d’anciennes courtisanes et à des couturiers pour se faire faire les plus beaux vêtements, qui lui permettent de rencontrer des hommes fortunés. Parmi eux, le Marquis Albino Fransisco de Païva qu’elle épouse en 1859, acquérant ainsi son titre. Mais elle le quitte, l’ayant ruiné au passage, et le pauvre se donnera la mort deux ans plus tard…
Cela ne freine pas l’ascension de la Marquise, qui rencontre le Comte Guido von Donnesmarck avec qui elle se marie… devenant ainsi Comtesse ! Pour témoigner de sa réussite sociale, elle se fait construire l’un des plus beaux hôtels particuliers de Paris, sur les Champs-Elysées. C’est une orgie de marbres, de dorures, peintures, bronzes, qu’elle fait réaliser par les plus grands artistes de son temps.
Son hôtel est orné de tableaux de belles odalisques nues et souriantes, des tentures rouges flattant le teint des femmes venues dans leurs plus beaux ornements assister aux fêtes qu’elle donnait.
Les décors sont si sensuels que les frères Goncourt surnomment le lieu « Le Louvre du cul » !
Tout le gratin parisien, le monde littéraire et artistique fréquentait ce lieu où elle avait noté , usant d’un jeu de mot avec son patronyme : « Qui paye va ».
À l’occasion de l’Exposition universelle de Paris en 1855, elle se serait fait présenter l’architecte Pierre Manguin et lui demande de concevoir un somptueux hôtel particulier sur les Champs-Élysées, à proximité de célèbres demeures, dont celle du Prince Napoléon, cousin de l’Empereur. Le chantier dure 10 ans, et en 1866 l’hôtel est inauguré, non sans avoir suscité de nombreuses jalousies. Elle y reçoit des écrivains célèbres, dont son plus fidèle ami, Théophile Gautier, des musiciens, des artistes.
Lors de la guerre franco-prussienne de 1870, le couple se retire au château de Pontchartrain que le Comte Guido avait offert à la Marquise de Païva une dizaine d’années plus tôt. Leur mariage a lieu en 1871, alors que le Comte fait partie de la délégation prussienne lors des négociations du Traité de Paix et qu’il est de surcroit nommé Gouverneur d’Alsace-Lorraine. La Marquise est désormais Comtesse, mais son titre de Marquise lui reste dans tous les écrits contemporains.
Le Comte von Donnermsarck, fou amoureux de son épouse, lui offrit les plus belles parures de diamants et les plus précieuses émeraudes des mines de Colombie.
Après avoir fait un accident vasculaire cérébral, la Marquise de Païva se retire avec le Comte Guido au Château de Neudeck, construit sur les terres silésiennes des Henckel von Donnermsarck. Elle y meurt en 1884.
À sa mort, elle fut embaumée, son époux la faisant inhumer dans un cercueil en verre pour continuer à la voir et la garder auprès de lui.
Un destin hors du commun pour cette femme Née dans un ghetto juif qui a à peine 20 ans quand elle arrive dans la capitale : sans un sou en poche, elle va pourtant devenir la femme la plus riche de la ville !
Malgré sa froideur et son ambition sans faille qui ne plaisent pas à tout le monde, La Païva est aussi une femme très cultivée, qui parle plusieurs langues et est très appréciée pour ses discussions savantes. Elle fréquente Delacroix, dont une œuvre a été retrouvée par surprise à Paris.
L’Histoire retiendra de cette femme hors du commun une volonté, une ténacité et une ascension sociale incroyables.
© Annie Toledano Khachauda
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