Gilles william Goldnadel. Les excès de l’extrême gauche vont-ils finir par la diaboliser ?

Les députés espagnols ont adopté ce jeudi 16 février une loi permettant de changer librement de genre dès 16 ans. Pour l’avocat, que ce soit en Espagne ou en France, ces lois, excessives, risquent de discréditer définitivement une certaine gauche.

Ces dernières semaines, en France comme à l’étranger, l’extrême gauche s’est illustrée par des propositions délirantes et par des manifestations violentes qui se sont retournées contre elle. La question se pose à présent de savoir si ce comportement pourrait lui nuire jusqu’à la diaboliser, à l’instar de ce que connaît encore l’autre extrémité du spectre politique. Quelques exemples illustreront ce questionnement.

Le Parlement espagnol, dominé par le Parti socialiste et le parti d’extrême gauche Podemos, vient d’autoriser le changement de genre dès l’âge de douze ans. Le ressenti l’emportera donc dorénavant sur la réalité binaire du sexe déterminé à la naissance. Une simple démarche auprès de l’état-civil suffira à cette détermination, aucun avis médical n’est imposé. Au demeurant, les préventions de la communauté médico-psychiatrique, largement opposée à la transition de genre prématurée, n’ont pas troublé une idéologie qui d’ores et déjà fait des ravages au sein d’une population enfantine influençable, manipulée jusque dans l’école.

Pour les enfants entre douze et quatorze ans, une décision judiciaire est requise. Pour ceux entre quatorze et seize ans, une autorisation parentale est nécessaire. Mais à partir de seize ans, tout adolescent, même mineur, aura le loisir de choisir son sexe, masculin ou féminin. Ce choix pourra d’ailleurs connaître des allers et retours du jour au lendemain. À partir de trois, il conviendra de voir un juge. Il ne faut pas être grand clerc pour prévoir que les Espagnols connaîtront prestement les déboires écossais.

On a, en effet, peu insisté sur les raisons profondes de la démission récente de la première ministre écossaise très à gauche, Nicola Surgeon, présentée pudiquement par une presse indulgente pour raisons de lassitude personnelle. La vérité nous oblige à rappeler que l’intéressée avait œuvré à faire voter, non sans difficultés, par le Parlement d’Edimbourg une loi d’esprit woke assez similaire à celle adoptée par l’Assemblée madrilène. S’en sont suivies des protestations populaires outrées. Les organisations féministes écossaises « old school » ne furent pas les dernières. La possibilité de voir une femme de papier, à l’apparence masculine administrativement trompeuse, pénétrer dans les toilettes des femmes, n’a pas entraîné une franche adhésion. De même pour les sportives de compétition.

On peut en effet partager la perplexité d’une haltérophile ou d’une boxeuse devant affronter une nouvelle sœur pesant son quintal. Mais c’est un incident parfaitement prévisible qui a définitivement déconsidéré la loi contre-nature par essence, aux dépens de son instigatrice principale. Voilà qu’un dangereux violeur de sexe masculin avait décidé de suivre administrativement son ressenti féminin. Il avait donc ensuite légalement exigé d’être transféré sans délai dans une prison de femmes. Cette perspective de voir un ancien mâle, prédateur estampillé, n’ayant peut-être pas renoncé aux inclinaisons ordinaires de son sexe originel autant que naturel, enfermé au milieu d’une population féminine, enflamma la population écossaise, tous sexes confondus. Il fallut renoncer à respecter la loi.

L’extrême gauche écossaise, indépendantiste, ne sort pas grandie de cet épisode hystérique, à la grande satisfaction des conservateurs britanniques. D’une autre manière excentrique, l’extrême gauche parlementaire française se sera également illustrée récemment. Des obstructions, des chants, des cris, des vociférations. La députée LFI Sandrine Rousseau a refusé de chanter La Marseillaise pour ne pas céder au fascisme… Enfin et surtout, les députés du parti insoumis semblent toujours fascinés par l’idée révolutionnaire d’étêter leurs adversaires. Avant que le député Aurélien Saintoul n’ait traité tout simplement d’«assassin» le ministre du Travail Olivier Dussopt, son collègue Thomas Portes n’avait rien trouvé de plus délicat que de dessiner la tête du ministre sur un ballon qu’on frappe avec les pieds.

Ici encore, de tels excès ont entraîné la gêne des alliés de gauche plus modérés, ou des condamnations irritées de leurs adversaires conservateurs. Enfin, c’est une ministre du gouvernement qui se sera fait dernièrement la porte-parole des désirs les plus ardents de l’extrême gauche. La ministre de la Culture Rina Abdul Malak a ciblé le groupe Canal + en rappelant sur France Inter que l’Arcom pouvait retirer les fréquences aux chaînes ne respectant pas leurs obligations, soulignant que C8 et CNews ont été épinglées une « vingtaine » de fois depuis 2019. On peut lire clairement dans cette posture gouvernementale une soumission docile à l’extrême gauche dite culturelle. Nul, au sein de la presse conformiste, ne s’est évidemment ému de cette sortie de route morale et culturelle. Bien au contraire, on assista à un plaisir jubilatoire.

Nous ne retiendrons donc, de cette intervention, que l’esprit de censure qui caractérise aujourd’hui un camp extrême. Ce dernier, lorsqu’il ne dispose plus du monopole complet de l’information et de l’expression des idées, rêve de couper les langues, faute de pouvoir couper les têtes. C’est évidemment le peuple, ou sa partie taxée avec mépris de populisme, qu’une idéologie politique ou médiatique veut faire taire, corriger, rééduquer, déconstruire. Le peuple s’en rend compte chaque jour davantage à Madrid, Édimbourg ou Paris. Mais à quoi bon ? Car pour les amis du peuple d’hier ou d’aujourd’hui, celui-ci, en vérité, n’a jamais eu son mot à dire.

© Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/goldnadel-les-exces-de-l-extreme-gauche-vont-ils-finir-par-la-diaboliser-20230220

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2 Comments

  1. C’est dramatique. Comment des élus peuvent-ils être assez fous et/ou malfaisants pour autoriser des jeunes en pleine crise d’adolescence à prendre des décisions aussi lourdes, (c’est quasiment un suicide, vu d’une certaine façon, le trans tue l’homme ou la femme qu’il est réellement) irrévocables et pouvant à terme déboucher sur des tragédies ? J’ai parfois l’impression qu’une terrible malédiction pèse sur l’Occident, avec des dirigeants complètement égarés mentalement, prenant des vessies pour des lanternes, faisant passer des fantasmes, des élucubrations pour des réalités (ce qui a priori est un symptôme de maladie mentale). Enfin, au milieu de ce désastre, c’est réconfortant d’écouter des hommes comme G.W. Goldnadel qui au moins ont « raison gardée ». Encore faut-il qu’ils soient entendus car les fous parlent plus fort.

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