Yaïr Cherki. J’aime les garçons et j’aime Hakadosh-Baroukh-Hou


Le « cas » de Yaïr Cherki, journaliste israélien et fils du rav Ouri Cherki, devient objet de réflexion: Haïr a choisi d’annoncer publiquement, cette semaine, son homosexualité, via un texte qui a été très commenté dans la société religieuse israélienne, faisant entendre les voix les plus diverses et porté qu’il fut par des Associations comme Aderaba, positionnées aux côtés des LGBTQ du mont juif et du monde juif religieux notamment.

Le « cas » étant désormais exposé, nous ne pouvons plus invoquer le droit « de ne pas savoir » cher à Finkielkraut, lorsqu’il nous a été donné de lire des énormités parlant de « contagion », engageant le jeune homme à aller « se faire soigner » et à faire « techouva », ou osant déclarer combien il était regrettable que ce ne fût pas lui, mais son frère, Shalom Yohan, qui ait été tué en 2015 par un terroriste arabe alors qu’il attendait son bus à une station de Jérusalem.


La lettre

« Ces mots-là, je les écris en tremblant. Je repousse l’échéance. À demain. A la semaine prochaine. Après les fêtes. Après mon prochain anniversaire. Après celui de cette année, de l’année dernière, de celle encore d’avant. Cela fait au moins dix ans que j’écris et efface. De peur de faire souffrir mon père et ma mère, si bons et aimés. De peur de faire souffrir le milieu où j’ai grandi et que j’aime. Mais me voici arrivé à mes 30 ans. J’écris, non parce que j’en ai trouvé la force, mais parce que je n’ai plus la force de m’emmurer dans le silence. J’écris pour mon fils qui n’est pas encore né.

J’aime les garçons. J’aime les garçons et j’aime Hakadosh-Baroukh-Hou (Dieu). Il n’y a pas de contradiction et il n’y a rien de nouveau. Je suis celui que j’ai toujours été, mais maintenant vous savez aussi. C’était important pour moi de partager cette chose personnelle sur la place publique, pour que je puisse vivre sans me cacher, pour sortir de l’ombre. Pour que je puisse fonder une famille et vivre enfin pleinement.

Ce conflit entre mon orientation sexuelle et ma emouna (foi), je le vis continuellement. Certains se sont émancipés de ce conflit en niant Dieu, d’autre en niant l’homosexualité. Je sais dans ma chair que les deux existent. J’essaye par différents moyens de résoudre ce conflit. Mais cela relève de ce qui est entre l’Homme et son Dieu (beyn adam la-maqom)

Quant à ce qui relève du rapport de l’homme à son prochain (beyn adam lahavero), et à la société dans laquelle je vis : ça n’est pas une mode passagère, ni une déclaration politique, c’est ce que je suis. Je ne sais pas si c’est une identité. C’est simplement quelque chose de plus qui fait partie de moi, de ce que je suis, depuis le jour où j’en ai eu conscience, que ce soit à la yeshiva, au sein de ma famille ou au travail. Je fais toujours partie de la communauté religieuse. C’est ma tribu, ma famille, mes amis. Ce sont mes croyances. Celles-ci n’ont pas changé, mais se sont forgées au fil des années à la lueur du doute, à la lueur de ce refoulement qui m’a poussé à porter un autre regard sur la emouna, sur la vérité, sur la complexité.

Je sais que cette vérité, que je partage ici, fait souffrir des gens que j’aime. Qui m’aiment. J’espère que vous trouverez dans vos âmes l’espace qui permet de juger l’autre lekaf-zekhout ; que vous comprendrez que j’ai pris cette décision après y avoir longuement pensé posément. Votre propre souffrance d’ailleurs, provient peut-être de votre mécompréhension de ce dont je parle. D’une pensée erronée qui concernerait une « épreuve » ou un « combat » à mener contre un penchant à dompter, alors qu’il s’agit d’une orientation de l’âme, exactement comme le mystère du lien qui unit l’homme et la femme. Moi aussi, cela m’a fait souffrir. Des années durant, j’ai tenté d’ignorer. Puis j’ai repoussé et refoulé. J’ai tenté ensuite les thérapies. Je ne regrette rien, car sans tous ces efforts je n’aurai pu arriver à une conclusion déterminée. Je déplore seulement le temps perdu.

Et maintenant : une famille ».

© Yaïr Cherki

Traduction: Gabriel Abensour et Noémie Issan-Benchimol

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1 Comment

  1. Avec la tournure que prennent les choses, il serait à présent opportun de faire une mise à jour de la Genèse avec une version Adam et Eve et une version Adam et Adam. 😉
    Mais Quid de la promesse faite à Abraham ?
    « je te bénirai et je multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer; « 

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