Liliane Messika. Grève de la faim à la Fashion Week de Milan

Les mannequins avouant un IMC[1] trop élevé pour rentrer dans une taille 34 sans chausse-pied ont-ils trouvé la grève de la faim comme seul exutoire à leur surpoids ? Après tout, en 2001, quelques milliardaires saoudiens avaient trouvé que le terrorisme contre le World Trade Center était leur seul recours contre l’humiliation et la misère…

Il n’en est rien.

Regarder dans la bouche du cheval

C’est une designer et non un mannequin qui annonce son refus de se nourrir[2], et ce n’est pas parce qu’elle est trop charnue, mais parce qu’elle n’est pas assez sponsorisée en tant que personne « issue de la diversité ».

Les habitants de la fachosphère considèrent que l’accueil bienveillant fait à des immigrants originaires de lieux moins favorisés que leur pays par le climat, la démocratie ou les deux à la fois, est une chance pour ces invités de vivre une vie meilleure. 

La fachosphère a tort. Elle a tort parce que c’est sa nature et aussi parce que, en l’espèce, ce sont les pays d’accueil qui sont les grands bénéficiaires de ces arrivées.

Partant de ce principe, Stella Jean, qui se revendique la seule styliste non-blanche à la Chambre de la mode italienne, a vigoureusement dénoncé un soutien insuffisant.

Insuffisant par rapport à quoi ? À son talent ? Non : c’est le marché qui sanctionne le talent par le succès. À son handicap ? Stella Jean serait-elle une infirme empêchée d’accéder aux locaux où se déroulent les défilés de mode ? Oui et non, ou plutôt non et oui : elle est parfaitement valide, mais le fait d’être née en Haïti est le handicap au nom duquel elle estime devoir être financée par les institutions de la mode italienne.

La mode, un univers impitoyâ-âble 

Quelques « multiculturels » avaient créé, en 2020, un groupe/officine/collectif/association intitulé WAMI (We are made in Italy) « avec un objectif précis : lutter pour une inclusion concrète, et pas seulement théorique, en s’opposant à tous les types de racisme et en œuvrant pour une véritable reconnaissance de la contribution que la créativité des BIPOC peut apporter à la mode.[3]« 

Pour les ignares, BIPOC signifie « Black, Indigenous and People of Color », en VF, cela se dirait NAPDC (Noir.e.s, autochtones et personnes de couleur), si c’était prononçable.

Les BIPOC ont été financés pendant deux ans par la chambre de la Mode au motif de leur couleur. Et puis la manne a cessé de tomber du ciel.

Soit le bon sens a rappelé que la seule couleur qui compte dans la haute couture est celle des tissus, soit un membre du syndicat professionnel s’est aperçu que les BIPOC étaient nus et que leurs créations vestimentaires donnaient envie de le rester, ou alors, tout simplement, un bon génie a voulu réaliser leur vœu de se voir offrir une inclusion concrète, et pas seulement théorique en les mettant à égalité avec tous leurs concurrents, qui doivent proposer des créations qui plaisent, afin que des clients les achètent.

Miss Style Non-Blanc pleurniche maintenant que les membres de son collectif n’ont pas les moyens de finir leurs collections et que la Fashion Week de Milan (21-27 février 2023) devra se passer de leurs modèles. On écrase une larme (de soulagement).

Le commerce pour les nuls  

La mode est une industrie, une des seules dans lesquelles la France a une balance commerciale positive.

« Commerciale » vient de « commerce ».

Le commerce met en présence deux partenaires : un fournisseur qui fournit un produit, et un client qui l’achète.

Le client est libre d’acheter (ou pas) les produits qui sont sur le marché. S’ils plaisent et que leur prix est abordable, les clients achètent et le fabricant prospère.

L’Italie fait partie des pays dits libres.

On ne peut donc pas y forcer les citoyens à acheter des patchworks troués pour s’en vêtir.

Défilé We Are Made In Italy printemps-été 2022, Milan – Look 3.

https://madame.lefigaro.fr/defiles/we-are-made-in-italy/printemps-ete-2022/pret-a-porter-0/198285

Si des créateurs sont incapables de réaliser leurs modèles sans être lourdement subventionnés, ils réussiront encore moins à les vendre.

Pour quelle raison suicidaire des industriels sponsoriseraient-ils des fabricants de produits invendables ?

Stella Jean peut cesser sa grève et manger des spaghetti, ça lui fournira les calories dont elle a besoin pour réfléchir à un avenir créatif et non caritatifo-dépendant.

© Liliane Messika


Notes

[1] L’IMC, indice de masse corporelle, est calculé par le rapport taille/poids2. Selon l’OMS, un IMC normal doit se situer entre 18,5 et 24,9. Les mannequins se situent plutôt entre 16,22 (48 kg pour 1,72 m) et 18,31 (60 kg pour 1,81 m).

[2] https://madame.lefigaro.fr/style/news/en-greve-de-la-faim-la-creatrice-stella-jean-proteste-contre-la-fashion-week-de-milan-20230210

[3] https://afrofashion.org/wami/


Écrivain, Essayiste, conférencière, traductrice, Liliane Messika est auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient. Liliane Messika est membre du comité de rédaction de Menora.info.

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1 Comment

  1. Si ces groupes identitaires et racistes ne sont pas une fachosphere, alors que signifie le mot « fachosphère » ??? Ils devraient être ni plus ni moins interdits. C’est le devoir d’un État démocratique et civilisé (le contraire des USA, de la GB, de la Belgique et de la France) de protéger sa population contre ces haineux. Il n’y a rien à atteindre de la part des collabos gouvernant la France, mais l’Italie saura t elle faire preuve de + de courage ? L’Europe est-elle entièrement condamnée à continuer de subir l’inacceptable et de tolérer l’intolérable ?

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