Je m’appelle Nehemia -(ce qui veut dire « Dieu a consolé »)-, fils de Hakhalia, je suis né à Babylone, de parents judéens déportés par Nabuchodonosor après la destruction du Premier Temple.
Le livre de Néhémia, dernier livre de la Bible, est mon journal de bord.
J’ai l’air d’un saint sur cette photo ! !
Mon histoire commence quelques dizaines d’années après Pourim, et également à la cour royale de Suse.
Pour me situer :
| EMPIRES | ROIS ET DATES DE REGNE | ACTES NOUS CONCERNANT |
| Empire assyrien900-610 | Salmanasar V 726-722 | Annexe le royaume d’Israël en -722 |
| Sargon II722 à 705 | Exile les tribus du Nord | |
| Sanchérib 705 à 681 | Tente de prendre Jérusalem | |
| Empire babylonien626-539 | Nabuchodonosor II 604 à 562 | Détruit le 1er Temple en – 586 et exile les Judéens |
| Empire perse 539-330 | Cyrus le Grand 559 à 530 | Autorise le retour des exilés et la reconstruction du Temple qui a débuté en -536 |
| Xerxès Ier (Assuérus)486 à 465 | Mari d’Esther, cousine de Mardochée (Pourim)Autorise Haman à tous nous massacrer avant de changer d’avis | |
| Artaxerxés 465 à 424 | Nommé gouverneur de Judée le célèbre Néhémia en -445 | |
| Darius II423 à 404 | Fin de la construction du 2ème Temple en -417 |
Oui, malgré la tentative de génocide d’Haman puis l’édit de Cyrus de -539 permettant le retour des exilés de toute origine, de nombreux Judéens sont restés en Perse.
Le charme de la galout…
« Cylindre de Cyrus » suite à sa prise de Babylone en -539
Ne nous jugez pas, il y a bien des Juifs en Allemagne après la Shoah et la proclamation de l’état d’Israël…
Mon récit se passe entre la première et la deuxième alyah (-537 et -458, pas 1881 et 1904).
Comme Mardochée, Joseph Süss Oppenheimer ou don Isaac Abrabanel, je suis un « Juif de cour », j’avais un poste prestigieux, planqué et bien payé auprès du roi perse Artaxerxés.
Vers -450, j’ai reçu des nouvelles affligeantes de Judée qui était devenue une province perse:
« Ceux qui, échappés à la captivité, se sont fixés là-bas, dans la province, sont dans une situation très mauvaise et humiliante ; les murs de Jérusalem gisent écroulés et ses portes sont consumées par le feu. »
À mon époque, une ville sans muraille, c’est comme un œuf sans coquille, pas viable, et privée de gloire (voyez la distinction de Pourim entre villes avec/sans murailles)
Quand le roi m’a demandé la raison de ma tristesse, j’ai répondu:
» Comment n’aurais-je pas l’air affligé, alors que la ville, lieu de sépulture de mes pères, est en ruines et que ses portes sont consumées par le feu? »
J’ai imploré le roi :
« Si tel est le bon plaisir du roi et si ton serviteur possède ta bienveillance, envoie-moi en Judée, dans la ville où sont les tombeaux de mes pères, pour que je la rebâtisse. »
Le roi a bien voulu me donner un congé de quelques années et m’envoyer comme gouverneur de Judée.
Arrivé sur place, je constatai effectivement que les murailles de Jérusalem étaient en ruines.
Jérusalem est désolée, déserte quand les Juifs en sont chassés :
« Il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée, esclaves et étrangers dans leur propre pays »
« Jérusalem est dominée de toutes parts; pour la rendre tenable contre une armée régulière, il faudrait faire de grands ouvrages avancés, à l’ouest et au nord, et bâtir une citadelle sur la montagne des Oliviers. Dans cet amas de décombres, qu’on appelle une ville, il a plu aux gens du pays de donner des noms de rues à des passages déserts ».
Ce n’est pas de moi mais ça aurait pu, c’est de Chateaubriand.
(Itinéraire de Paris à Jérusalem, p 246 et 295, 1811, Jérusalem sous occupation ottomane)
https://ia800304.us.archive.org/34/items/itinrairedepa00chat/itinrairedepa00chat.pdf
Ces murailles ont été ma priorité, on peut dire que je suis le Jabotinski de l’époque.
Ô surprise, le retour des Judéens en Judée n’a pas été accepté par les voisins. Je me demande pourquoi vous êtes surpris que ça vous arrive aussi!
À mon époque, ces voisins s’appellent Sanbalat le Horonite, Tobia l’Ammonite, Guéchem l’Arabe, (oui déjà, et 1000 ans avant l’Islam).
Je leur ai dit :
« Le Dieu du ciel nous donnera le succès; quant à nous; ses serviteurs, nous nous mettrons à l’œuvre et bâtirons; pour vous, vous n’avez aucune part, aucun droit, aucun souvenir dans Jérusalem. »
Nos chers voisins projetaient de nous massacrer pendant les travaux de la muraille.
Ils m’ont aussi invité à négocier à une conférence d’Ono (à côté de Lod) mais j’ai refusé, ça sentait le piège.
Soldats juifs à Jérusalem sous occupation britannique
Pour la reconstruction des murailles, j’ai attribué à chacun une portion de muraille à relever et de portes à installer et j’ai fait monter la garde. Les maçons étaient armés, nous dormions tout habillés l’épée à la main !
Grâce à mon sens de l’efficacité et de l’organisation, j’ai fait reconstruire la muraille en 52 jours seulement !
J’ai aussi pris des mesures sociales (annulation de dettes, restitution de champs donnés en gage, baisse d’impôts, repeupler Jérusalem).
Pour rétablir chacun dans sa ville d’origine, et prouver notre légitimité sur cette terre, j’ai recensé les hommes avec leur arbre généalogique : 42.360 hommes (dont 973 Cohanim et 74 Leviim) plus 7337 serviteurs et servantes, 245 chanteurs·euses (je suis nul en écriture inclusive).
Avec Ezra le scribe, nous avons dû réexpliquer au peuple la Torah, les fêtes, la promesse d’Hashem à Abraham, la sortie d’Egypte, la conquête de Canaan, notre exil puis notre retour en Israël mais sous domination de rois étrangers.
Nous avons restauré le service du Temple, les chants et les instruments de musique de l’époque du Premier Temple, le maasser (dîme), les offrandes.
Pourtant nous n’avons été exilés que 70 ans, et vous en 2000 ans, vous n’avez rien oublié.
Je sais que vous êtes confrontés aux mêmes soucis que moi :
-le travail et les transports le Chabat,
-les mariages mixtes, jusqu’au fils du Cohen Gadol qui avait épousé une demoiselle horonite!
C’est un problème récurrent depuis que Balak a envoyé des filles de Moab séduire les Hébreux dans le désert à la sortie d’Égypte.
En toute modestie, j’ai fait du bon travail, mais j’ai dû retourner à Suse au bout de 12 ans, et quand je suis revenu en Judée, c’était l’horreur ! Ah quand le chat n’est pas là, les souris dansent : Chabat était devenu jour de marché et de transport de marchandises, les Leviim ne recevaient plus leur dîme et avaient quitté le service du Temple !
J’ai remis tout le monde à son poste, j’ai fait rentrer les impôts, j’ai barricadé les portes pendant Chabat, j’ai fait cesser les mariages mixtes.
Bref, on peut dire que je suis l’artisan du renouveau juif en Judée !
Vous avez vu mon programme : rejudaïser Jérusalem, interdire les transports et fermer les magasins le Chabat, remettre en service le Temple, faire de la Judée une théocratie : Natanyahu devrait me proposer un portefeuille ministériel dans son dernier gouvernement !
On m’a reproché de me vanter, de tirer la couverture à moi, mais je suis presque sûr d’avoir mentionné Daniel et Zorobabel une ou deux fois, les copistes ont dû oublier ces passages.
Et j’ai quand même sacrifié une très bonne situation et le confort de la Perse ! Y’avait pas le King David et Mamilla à Jérusalem en -445 !
J’espère que ces quelques chapitres que j’ai écrits pour immortaliser mes exploits (ça a marché, on n’est jamais si bien servi que par soi-même) vous donneront courage et espérance pour poursuivre mon œuvre et retrousser vos manches pour Israël.
« De Néhémie aussi le souvenir est grand, lui qui a relevé nos murs en ruines, qui a rétabli nos portes avec leurs barres, et reconstruit nos maisons ».
(Siracide 49-13)
Merci au groupe Limoudenou
© Joëlle Galimidi
Me Joëlle Galimidi, avocate depuis 35 ans, est associée du Cabinet d’avocats HM GALIMIDI, à Paris. Impliquée dans des associations juives (Hilel Campus), sensibilisée par la professeure Liliane Vana au problème des femmes en attente de Guett, Me Joëlle Galimidi participe à des ateliers et conférences sur le Guett.
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