Philippe Karsenty et Pierre Lurçat. Licra: de l’autodéfense juive au djihad judiciaire 

Publié dans « Causeur » le 2 février 2017

La LICA est née autour d’un procès, qui a défrayé la chronique dans la France des années 1920: celui de  Samuel Schwarzbard, assassin de Simon Petlioura, le responsable des sanglants pogromes ukrainiens de 1919. Quand il apprend que Simon Petlioura vit à Paris, Schwarzbard, Juif originaire de Bessarabie et ancien militant anarchiste engagé dans la Légion étrangère, décide de venger les victimes des hommes de Petlioura. Le 25 mai 1926, il abat celui-ci près du boulevard Saint Michel. Au cours d’un procès retentissant, il est défendu par l’avocat Henry Torrès, qui obtiendra son acquittement. Parmi les nombreux journalistes qui suivent l’événement se trouve un jeune chroniqueur judiciaire, Bernard Lecache. Celui-ci décide de mobiliser l’opinion publique en faveur de Schwarzbard et fonde la « Ligue contre les pogroms », à laquelle adhèrent des personnalités influentes comme Victor Basch, Léon Blum, Albert Einstein ou Paul Langevin, dont plusieurs témoignent lors du procès.

Après l’acquittement de l’assassin de Petlioura, la « Ligue contre les pogroms » se transforme en Ligue internationale contre l’Antisémitisme (LICA). Au début des années 1930, la LICA revendique l’autodéfense contre l’antisémitisme et ses membres n’hésitent pas à faire le coup de poing contre les « camelots du Roy » et autres organisations d’extrême-droite, comme le rappelle l’historien Emmanuel Debono[1. Dans son livre Aux origines de l’antiracisme. La LICA, 1927-1940 (CNRS Éditions, 2012)], citant des documents de l’époque: « Lors des incidents qui nous mirent aux prises avec les camelots du Roy [militants de l’Action française], nous avons pu voir, durant trois heures d’horloge, une armée de policiers laisser hurler à ses côtés des centaines d’énergumènes qui mêlaient à leurs imprécations contre les juifs des cris de mort. (…) Nous devons faire notre police nous-mêmes ».

Le tournant des années 1990

Dans les années 1950 et 1960, la LICA demeure attachée à la défense des Juifs et de l’Etat d’Israël, prenant notamment parti à l’occasion des procès antisémites en URSS (affaire des Blouses blanches) et à Prague (procès Slansky) et contre le négationnisme (procès Rassinier), mais aussi contre l’apartheid en Afrique du Sud ou la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Le changement sémantique de 1979, qui voit la LICA devenir officiellement la LICRA, ne fait qu’entériner une réalité ancienne : la LICA était dès l’origine vouée au combat contre le racisme et contre l’antisémitisme. Mais c’est dans les années 1990 et 2000 que se produira le véritable tournant. Le fragile équilibre maintenu entre la lutte contre l’antisémitisme et le combat antiraciste devient de plus en plus difficile à tenir, au fur et à mesure qu’émerge en France une réalité nouvelle, dérangeante et peu conforme aux schémas simplistes de l’idéologie antiraciste des années Mitterrand.

Cette réalité est précisément celle que dénoncent les auteurs des Territoires perdus de la République, dans leur livre paru en 2002, dirigé par Georges Bensoussan, qui se fonde sur des enquêtes de terrain menées depuis le début des années 1990. Comment concilier antiracisme et défense des Juifs en France, quand les auteurs des agressions antijuives viennent souvent des « minorités visibles », et sont donc eux aussi considérés a priori comme des victimes par l’idéologie antiraciste ? Pour résoudre cette équation délicate, la LICRA se livre à un périlleux exercice d’équilibriste, tentant de rester fidèle à sa vocation première, tout en faisant cause commune avec les autres associations antiracistes, marquées politiquement à l’extrême-gauche, comme le MRAP ou la LDH.

Cela ne l’empêche pas de prendre parfois ses distances et de marquer son indépendance, notamment à l’occasion du procès intenté à Daniel Mermet pendant la deuxième Intifada, à la suite de propos antisémites d’auditeurs de son émission sur France Inter. Cette indépendance d’esprit s’est encore manifestée récemment, quelques semaines avant le procès de Georges Bensoussan. On a ainsi pu lire dans un dossier consacré aux « pseudo-antiracistes » du Droit de vivre, le journal de la LICRA, des propos sans équivoque de son président, Alain Jakubowicz, dénonçant les « faux-amis de l’antiracisme», comme les Indigènes de la République, qui instrumentalisent la concurrence des mémoires. Un autre article dénonçait… le CCIF, accusé de manipuler le concept d’islamophobie, qualifié d’imposture par le président de la Licra ! Comment comprendre alors le revirement effectué à l’occasion du procès Bensoussan ?

#IDIOTSUTILES NOUS DEVONS REPRENDRE LE COMBAT CONTRE CETTE IMPOSTURE QU’EST LE CONCEPT D’ISLAMOPHOBIE.

— ALAIN JAKUBOWICZ (@JAKUBOWICZA) 5 NOVEMBRE 2016

En réalité, ce n’est pas la première fois que la Licra s’associe au CCIF – qu’elle dénonce par ailleurs – dans des actions en justice. Cela s’est produit notamment lors des nombreux procès intentés à Riposte Laïque, mais aussi à Eric Zemmour. Comme à l’époque du Mrap de Mouloud Aounit, les divergences politiques entre la Licra et d’autres associations antiracistes ou anti-islamophobie s’effacent ainsi à l’entrée des prétoires. Selon certaines explications, l’actuel président de la Licra a voulu redorer le blason de l’association, après une période de déclin relatif, en l’associant à des combats très médiatiques, sans craindre de s’exposer aux critiques (comme lors du procès pour racisme anti-blancs de 2012). Mais cette fois-ci, la « vieille dame » de l’antiracisme français est allée trop loin. En prétendant interdire à Georges Bensoussan de faire son travail d’intellectuel, au nom d’une vision dévoyée de l’antiracisme, elle donne raison à l’historien, lorsqu’il dénonce « ces procès à répétition [qui] constituent un test de la résistance de la nation ». En sacrifiant ses principes fondateurs à des considérations politiques ou médiatiques à court terme, la Licra a perdu son âme.

Panique à la LICRA… Le 5 novembre 2016, lors du colloque organisé par le « Comité Laïcité République » et intitulé « Faux amis de la laïcité et idiots utiles », le président de la LICRA Alain Jakubowicz se dit « terrifié » par le succès du CCIF… Source: Déradicalisation des médias

https://www.causeur.fr/georges-bensoussan-licra-antiracisme-ccif-142476

Les territoires perdus de la République

Aux origines de l’antiracisme. La LICA (1927-1940)

La trahison des clercs d’Israël

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8 Comments

  1. Deux ou trois procès pour racisme anti-blancs…Quel exploit ! Alors qu’il y aurait de quoi en faire au moins dix par jour rien qu’en France. En discours. Sans parler des passages à l’acte assez récurrents : agressions, viols… Pour L' »antiracisme » certaines formes de racisme très violentes sont donc en fin de compte acceptables : l »antiracisme » est par définition raciste.

    Quant aux propos « sans équivoque » d’Alain Jacubowicz au sujet des indigènes de la République qu’il qualifie de « faux amis de l’antiracisme »…On croit rêver !!!! Pourquoi pas « Petain et Laval faux amis de la Résistance » ou « les Talibans faux amis du féminisme » ??? Ce serait la même chose. Vos faux amis de l’antiracisme sont des nazis purs et simples !!! mais on sent bien une certaine…proximité entre eux et la licra. Car l' »antiracisme »…c’est le racisme.

  2. Les Indigènes de la République sont sans nul doute le plus dangereux et influent mouvement neo nazi de France et de Navarre. @Judith Roy La formule d’AJ est en effet révélatrice. Et effroyable
    Tout comme l’expression « les auteurs des agressions viennent des minorités visibles et sont donc eux aussi a priori considérés comme des victimes par l’idéologie antiraciste ». Cette phrase effroyable à elle seule résume ce qu’est l’idéologie en Question. On comprend donc que cette idéologie est basée sur un postulat essentialiste et surtout complètement hors sol. Des imbéciles nuisibles et complètement déconnectés du réel à un point qui relève du fanatisme idéologique.

  3. A tout hasard je rappelle que le PIR de Bouteldja parti des indigènes de la République se trouve à l’institut du Monde Arabe où sa présidente Houria Bouteldja est conseillère auprès de Lang Directeur de l’IMA un ancien collabo de Mitterand , corrompu et
    avide d’argent et se fait payer restaurant et costume comme frais de représentation
    Récemment il était à ce sujet au centre d’une polémique d’abord pour lui et après pour sa protège arabe Bouteldja
    Et c’est le lieu choisi par LaPM pour annoncer son plan contre le racisme et l’antisémitisme
    C’est une farce!!! Choisir l’IMA, lieu du PIR car plus antijuif que cette racaille tu meurs
    Bravo Mme Borne mais qui vous a piégé pour vous rendre dans cet enfer arabe corrompu pour votre discours ?

  4. Ce que nos grand-parents et parents avaient comme référence dans l’entre-deux-guerres, ces mots transmis « Le droit de vivre » et « La terre retrouvée », ces adhérents si merveilleux de la « Ligue contre les pogromes » Victor Basch, Léon Blum, Albert Einstein, Paul Langevin, et la terrible inversion subie depuis plus de quarante ans par les apprentis sorciers, merci à Philippe Karsenty, Pierre Lurçat et Georges Bensoussan, Causeur et TJ Info…

  5. Ce commentaire n’est pas à sa place
    Il avait été écrit dans le cadre de l’exposé de laPM Borne à l’institut du Monde arabe haut lieu du racisme antijuif
    Merci de déplacer mon commentaire
    Elias

  6. Houria bouteldja dit elle même « Les Blancs et les Juifs » contre nous. Les suprémacistes afro américains disent la même chose et les islamistes disent les chrétiens et les juifs contre nous. Autrement dit la haine des Blancs et celle des Juifs (considérés comme des Blancs) sont indissociables ltout comme la christianophobie et l’antisémitisme en quelque sorte. Les posts ci dessus sont (comme souvent) plus instructifs et fouillés que les articles.
    Je ne connaissais pas bien mais la LICRA mais maintenant j’ai la preuve de ce que j’avais pressenti : cette asso est une farce malodorante.

  7. @Elias Votre commentaire est tout à fait à sa place car c’est le cœur du problème ! A savoir le fait que la LICRA ne s’attaque JAMAIS aux véritables fascistes que sont le PIR et l’extrême droite indigéniste qu’elle refuse même de nommer. Et pour cause : il existe une promiscuité idéologique entre la LICRA et le PIR et plus encore entre SOS racisme et le PIR. Quant à Jack Lang…Faut-il rappeler les liens avérés entre le PS (qui n’a rien de socialiste) ainsi que la mairie de Paris aux mains d’Anne Hidalgo et le PIR ? C’est le cœur du problème.

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