J’avais chiné ce livre il y quelques jours, je n’ai pas résisté à la tentation de le relire pour la énième fois…
« L’Équipage » est un roman de Joseph Kessel paru en 1923 et situé pendant la Première Guerre mondiale, et décrivant la vie (et la mort) des membres d’une escadrille d’observation, ayant pour chef le Capitaine Thélis, qui exista réellement et qui fut le chef de l’escadrille dans laquelle servit Jef Kessel durant la Première Guerre mondiale. Ce capitaine, du nom de Thélis Vachon, fut blessé à mort en combat aérien le 14 octobre 1918 et décéda de ses blessures le jour-même. La trame fait intervenir un jeune observateur âgé de 20 ans, l’aspirant Jean Herbillon, qui découvre que l’homme avec qui il fait équipage, le lieutenant Maury, est le mari de sa maîtresse. Anatole Litvak en a tiré un film : « L’Équipage » en 1935 et en fit un remake en 1937 : « The Woman I Love ». L’erreur du film de Litvak fut de vieillir ce héros qui mourut à 23 ans.
« L’équipage » est certainement avec « Le lion » et « Les cavaliers » l’un des romans les plus connus de Joseph Kessel. Connu, lu, étudié, cela ne signifie pas apprécié à sa juste valeur. Je suis en effet persuadé que beaucoup d’entre nous sommes passés à côté de ce roman car nous ne l’avons pas lu au bon moment… Pour remédier à cela, je ne vois qu’une seule solution, s’offrir une relecture de « L’équipage »…
Un roman de guerre
Il y a trois romans dans « L’équipage », oui, pour le prix d’un vous en avez trois, tout simplement. Il y a, c’est le plus connu, un roman de guerre.
Joseph Kessel écrit son texte en 1923. Il a lui-même participé à cette Grande guerre. En effet, il s’engage volontairement à la fin de la guerre dans l’artillerie puis dans l’aviation. Il sera observateur aérien dans une escadrille. Il expérimente la vie de l’équipage pour de vrai ! Le roman donne un grand nombre de détails véridiques sur la vie quotidienne de ces nouvelles unités, à commencer par la disparition de très nombreux jeunes hommes qui ne reviennent pas de leurs missions. A ce titre, c’est un roman qui fait vivre la guerre de 14/18 au jour le jour dans une escadrille de l’Armée de l’air naissante…
Un roman de l’amitié
Mais c’est aussi un roman de l’amitié. Un homme doit confier sa vie à un autre et réciproquement. Dans ces équipages, il y a le pilote et l’observateur, chacun est l’œil de l’autre, rien ne peut se faire seul, chacun peut sauver l’autre ou le condamner. A la vie, à la mort, voici comme l’homme qui se croit libre est enchaîné à l’autre. La relation peut être idyllique et baigner dans l’amitié profonde, comme elle peut tourner à l’enfer, trainer dans la suspicion, la haine, le doute, la jalousie… parfois, on est décoré ensemble et c’est le bonheur, parfois, on meurt ensemble, rongé par de très mauvais sentiments…
Un roman d’amour
Enfin, c’est aussi un roman d’amour, de préférence un roman d’amours impossibles et incroyables. Jean Herbillon s’est engagé le cœur léger. Il avait une maitresse, il n’y faisait pas trop cas, c’était Denise, et il verrait bien plus tard ce qu’il adviendrait de cette relation… Dans l’escadrille, il sera associé à Claude Maury, un homme marié et sage, avec qui il va construire un équipage des plus solides… jusqu’au moment où il découvrira qu’Hélène, la femme de Claude, est aussi Denise, sa maitresse… Nous sommes alors dans un triangle amoureux des plus fous, une situation qu’un jeune collégien ne peut pas comprendre autrement que très superficiellement. Ici, ce n’est pas la trahison habituelle qui est en jeu, c’est la fracture au cœur d’un équipage qui doit, dès le lendemain, retrouver le combat dans la confiance totale… Mais cette confiance est-elle encore possible maintenant ? C’est l’un des enjeux du roman…
Un texte sublime et extraordinaire que je vous conseille de redécouvrir avec vos yeux d’adultes. Tout vous semblera différent et je vous laisse choisir vos héros et vos méchants, si toutefois vous estimez qu’il faut encore classer ainsi les personnages d’un roman, d’une vie, d’une humanité…
© Hubert Bouccara
Spécialiste de Kessel, Hubert Bouccara tient « La Rose de Java« , librairie hors-norme entièrement consacrée à l’œuvre de Gary et Kessel, et décrite par Denis Gombert comme « un lieu atypique, vrai petit coin de paradis parisien pour lecteurs passionnés ».
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